« Organisons un référendum sur le franc CFA ! »
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Jeudi 12 janvier, dans l’enceinte de la Pyramide du souvenir de Bamako, des centaines de jeunes se réunissent pour le « Sommet pour les peuples », censé faire contrepoids à la rencontre des chefs d’Etat au sommet Afrique-France des vendredi et samedi suivants. Parmi les motifs d’indignation de ces membres de la société civile, le franc CFA, sujet revenu au premier plan dans le débat public africain.

D’ailleurs, plusieurs manifestations ont été simultanément organisées, le 7 janvier, dans des capitales d’Afrique, dont Abidjan, Dakar, Bamako ou Ouagadougou, et d’Europe comme Bruxelles, Paris ou Londres, exigeant la fin de cette monnaie jugée coloniale et vestige de la domination française sur nos pays.

Le franc CFA fait partie des sujets dont il est important de débattre pour se déterminer enfin dans ce qu’Achille Mbembe appelle « le face-à-face avec l’Occident » de façon permanente. Ces débats durent depuis trop longtemps et méritent enfin d’être évacués pour se consacrer à d’autres questions urgentes comme l’éducation et la santé des Africains.

Au nom du pragmatisme

Selon moi, les deux positions antagonistes, parfois servies avec passion ou exagération, méritent un arbitrage des peuples qui sont les usagers quotidiens de cette monnaie. Organisons un référendum et tranchons enfin la question !

Les divergences entre économistes sur le franc CFA ne sont pas récentes. Elles constituent même un marqueur clair entre ceux qui revendiquent le départ des pays africains de la zone franc actant ainsi sa suppression, et les autres, qui préfèrent garder cette monnaie au nom du pragmatisme. Mais le débat est très technique et échappe souvent à la compréhension des citoyens qui sont tout de même les principaux intéressés.

Il y a des arguments qui vont à l’encontre du maintien en l’état du franc CFA : son arrimage à un euro très fort, une politique monétaire restrictive au sein de la zone franc et, surtout, l’absence de souveraineté des Etats sur leur monnaie qui les empêchent de disposer d’outils de pilotage de leurs politiques économiques.

Des économistes sérieux ont effectué un vrai travail de recherche sur la monnaie et militent pour sa fin. Il s’agit par exemple de Kako Nubukpo, de Felwine Sarr et d’autres acteurs du courant des Samedis de l’économie de Dakar, comme le jeune Ndongo Samba Sylla ou encore Demba Moussa Dembélé.

Même le très modéré Jean-Louis Billon, ministre du commerce de Côte d’Ivoire, la première économie de la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a émis des réserves sur le franc CFA, notamment comme frein à la compétitivité des pays qui l’utilisent. Mais, là encore, le débat reste très technique.

En dépit de leurs divergences, économistes et politiques gagneraient à simplifier les concepts, à rendre digestes et accessibles leurs discours et aider ainsi à la compréhension des enjeux sur un sujet clivant, qui n’est plus seulement économique, mais de société, voire d’identité.

Car, à côté des techniciens et des chercheurs, il y a une masse de militants en tout genre qui monopolisent l’argument du franc CFA pour assouvir des penchants extrémistes, xénophobes ou même complotistes. Leur discours est virulent et souvent creux. Il n’est que répétition d’une rengaine opportunément panafricaniste distillant la haine de l’autre.

Confier un débat aussi important pour le devenir de l’Afrique à une bande d’aventuriers aux relents douteux et à des panafricanistes du dimanche matin est néfaste pour le débat lui-même.

Le peuple souverain en démocratie

Revendiquer la fin de la servitude monétaire est louable. Emprunter un tournant « décolonial » résolu pour enfin affirmer une souveraineté vis-à-vis des Etats et des multinationales, est du ressort de notre génération. Donc poser le débat sur le franc CFA nous incombe, comme celui des bases françaises, de la fraude fiscale, du détournement de biens publics avec l’aide de capitales occidentales et du retour des œuvres d’art emprisonnées dans des musées étrangers… Mais il est nécessaire de le poser avec responsabilité et efficacité.

L’idée d’un référendum sur le franc CFA me semble utile pour redonner la parole au peuple, souverain en démocratie, qui est l’arbitre ultime des divergences politiques. La légitimité en démocratie découle du suffrage universel et chaque fois que certains marqueurs divisent la société, on doit se tourner vers le peuple et lui demander son avis.

De nombreux exemples nous invitent à solliciter ses suffrages pour trancher des sujets qui peuvent « polluer » les débats nationaux durant des décennies : le rejet du projet de Constitution européenne par les Français en 2005, l’adoption en 2016 d’une nouvelle Constitution au Sénégal qui instaure le quinquennat, le Brexit au Royaume-Uni en 2016, etc.

Mais le référendum a une autre vertu, qui est de couper l’herbe sous le pied de ceux que le politologue Bertrand Badie appelle les « entrepreneurs de l’identité », qui utilisent des causes justes à des fins personnelles et identitaires et ne nous rendent guère service.

Le référendum poussera enfin les hommes politiques, qui jusque-là concourent au suffrage universel sans se déterminer sur la question, à donner enfin leur avis et s’engager pour l’avenir quand ils accèdent aux responsabilités.

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