Lutte contre Boko haram : Des milliers de réfugiés éparpillés dans la nature
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Combien sont-ils, les réfugiés  nigérians qui ne se sont pas fait enregistrer ou préenregistrer par le Haut commissariat aux réfugiés (Hcr) ou par les autorités administratives ? Près de 10.000 ont été préenregistrés dans les départements du Mayo Sava et du Logone et Chari par le Hcr depuis le 17 mai 2014. Seulement, 20.000 y avaient été dénombrés. Dans le Mayo Tsanaga, ils sont un peu moins nombreux, confient des sources au Hcr. Le préfet du Logone et Chari a pour sa part dénombré plus de 7.000 personnes dans son territoire de commandement mais avoue que beaucoup se sont disséminés dans la nature jouissant pour cela de complicité de parents ou de certaines autorités traditionnelles.

Sur la route entre Maroua et Kousseri, des dizaines de hameaux sont nés spontanément. Des cases faites de pailles ont été fabriquées par des centaines de familles. Il y en a dès Kolofata. Mais aussi, à Waza, Tildé, Doublé, Dabanga et des lieux sans noms. Dans le département du Mayo Tsanaga, les localités d’Achigachia, de Tourou de Koza, de Moskota, de Mozogo ou de Zelevet des camps de fortunes sont aussi visibles. Des centaines de familles y sont installées dans des conditions de vie innommables. « Pas de latrines, des points d’eau éloignés de plusieurs kilomètres, ces populations s’abreuvent dans des mares », déplore une source au Hcr. Les réfugiés qui se sont installés dans ces camps de fortune ont la particularité d’être des démunis. Autre spécificité, ils sont presque tous des arabes pour ceux recensés dans le Logone et Chari. Ils ont avoué aux autorités qu’ils ne veulent pas être mêlés aux Kanouris, leurs ennemis majoritaires au camp de Minawao. Beaucoup ne souhaitent pas se faire enregistrer par le Hcr en espérant rentrer chez eux dès que le Nigéria va retrouver la paix.

Mais tous les réfugiés nigérians ne sont pas des indigents, loin s’en faut. Il y a aussi des commerçants qui ont tout perdu, tel cet homme dont on aime raconter l’histoire parmi les milieux humanitaires. « C’était un riche commerçant de Kano, il était allé à Maiduguri pour s’approvisionner. Il a fini de se fournir. Il a chargé sa marchandise dans deux camions qui ont été attaqués par Boko Haram et incendiés. A son retour à Kano, il a trouvé que ses magasins ont été eux aussi incendiés, que sa maison a été vandalisée et sa famille dispersée. Depuis, il s’est enfui vers la frontière et essaie comme il peut de rassembler les membres de sa famille. Il refuse d’en partir tant que les siens ne l’auront pas rejoints », confie une source au Hcr.

D’autres réfugiés ont été accueillis par des proches installés depuis longtemps qu’eux au Cameroun. Leur cas constitue le casse tête des autorités camerounaises qui veulent à tout prix recenser tout ce monde. Seulement, leurs hôtes au Cameroun ne veulent pas dénoncer leurs protégés de peur de s’en séparer ou se sentant tenus par le devoir d’hospitalité et d’entraide. Il y a aussi des réfugiés qui sont arrivés avec des biens : bétails, véhicules, objets de valeur. Quand ils ont été accueillis par certains chefs traditionnels, ces derniers les ont du coup intégrés parmi leur communauté. Par convoitise ou autres intérêts, les chefs interdisent qu’ils soient dénoncés aux autorités de peur de perdre la manne dont ils sont accompagnés.

Villas de luxe ou camps de fortune

A Maroua, des quartiers tels Doualaré ou Abattoir ont presque entièrement été rachetés par des ressortissants nigérians. « Ils se servent de Camerounais comme hommes lige, pour s’acheter des villas dans la ville ou des terrains nus sur lesquels ils s’empressent de bâtir de somptueuses villas. Ils payent parfois cinq fois le prix normal de l’immeuble à leurs partenaires locaux, ceux-ci engraissent un peu à leur tour les autorités locales, et tout le monde y trouve son compte », décrit Alain Mazda, le chef d’agence de notre confrère L’oeil du Sahel .

Qu’ils soient indigents ou aisés, employés à des tâches  ménagères ou à des travaux champêtres, la dispersion des réfugiés nigérians dans la nature pose des problèmes tant humanitaires que sécuritaires aux autorités camerounaises. Il est en effet difficile de savoir qui est entré en territoire camerounais sans autorisation ou sans qu’on en sache les intentions ou la moralité. Plus que de se retrouver avec des membres isolés de Boko haram derrière la ligne de front c’est de savoir que beaucoup de ces réfugiés ont fui des représailles de la secte. Les autorités camerounaises redoutent des incidents comme celui qui s’est produit à Minawao. Deux nigérians se faisant passer pour des journalistes sont passés par Garoua, et sont arrivés au camp des réfugiés.

Ils ont commencé à faire des photos dans le camp. Mais leur allure insolite a éveillé les soupçons des administrateurs du camp qui les ont dénoncés aux gendarmes et on a découvert que c’étaient des membres de Boko haram en repérage », raconte une source au Hcr. Depuis cet incident la prise e vue est interdite dans le camp sans autorisation.  

Des épidémies déclarées

Autre problème, la lenteur pathologique de l’administration camerounaise de se mettre en branle. En réalité, pour que les humanitaires se mettent en branle, il faut qu’ils soient sollicités par les autorités. Le cas de pasteur nigérian qui est parti de la localité de Zelevet dans les confins du Mayo Tsanaga, arrivé par ses propres moyens au camp de Minawao en est l’illustration. « Il est venu il y a deux semaines nous signaler qu’il était arrivé avec plus de 100 familles depuis le Nigéria. Ce sont un peu plus de 1000 personnes qu’il a lui même dénombrées », confie une source. Cela commence d’abord par des chefs de quartier, de village ou de canton et se poursuit avec les sous préfets, les préfets, les gouverneurs puis les autorités gouvernementales et la présidence de la République.

Seulement quand la décision enfin provient de Yaoundé, les réfugiés qui sont placés parfois sous la surveillance du Bir se sont souvent dispersés depuis longtemps. En conséquence, l’on a signalé des départs d’épidémie de choléra à Mogodé dans le Mayo Tsanaga et de rougeole dans le Logone et Chari. L’on sait par ailleurs que l’Organisation mondiale de la santé(Oms) avait classé le nord du Nigéria d’où proviennent les réfugiés comme une zone d’épidémie de la poliomyélite.

© Le Jour : Aziz Salatou

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