Pour un Cameroun nouveau
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Pour un Cameroun nouveau :: CAMEROON

Dans moins d’un an, théoriquement en octobre 2018, doit se tenir au Cameroun, l’élection présidentielle. Ceux de nos compatriotes qui en sont conscients, ne peuvent qu’être préoccupés par l’avenir du Cameroun.

Un proverbe Bambara dit « dans un pays où règne la discorde, sa ruine n’est l’affaire que d’un jour ». Tout Camerounais, tout observateur de bonne foi, vivant à l’intérieur ou à l’extérieur, sait que notre pays va mal. Mais, avant de donner ma vision des choses, voyons brièvement ce qu’est le Cameroun pour moi ; du moins le peu que j’en sais, à l’aune d’une expérience faite d’errance et de multiple tribulations. Car on a coutume de dire que « pour savoir où tu veux aller, il faut d’abord savoir d’où tu viens ».

Qu’est-ce que le Cameroun pour moi ? Faisons un peu et brièvement sa géohistoire : il y a 290 millions d’années environ, au carbonifère, émergea des eaux qui couvraient toute la surface du globe terrestre, un seul et grand continent appelé la « Pangée ». Celui-ci en se fragmentant par le phénomène de la tectonique, donna naissance à 5 continents dont le plus grand est le « Gondwana » qui va s’appeler plus tard Africa. Ce nom est celui d’un Noir africain, que rencontra vers deux mille ans avant notre ère, une colonne romaine à Carthage (actuel Tunisie) où il vivait. Au centre du continent africain, il y a un territoire, le Cameroun, qui rassemble tous les biotopes du continent noir. La centralité de notre pays au sein du continent s’observe par le fait que si vous poser la pointe d’un compas sur la carte du Cameroun au niveau de l’Adamaoua, vous constaterez que la distance qu’il y a entre Ngaoundéré et Bengazi en Libye, est la même, à quelques miles près, avec Addis-Abeba en Ethiopie, Dakar au Sénégal et la ville du Cap Afrique du Sud…

Le premier étranger non africain à parler du Cameroun fut l’explorateur carthaginois Hannon qui découvrit la côte de notre pays au Ve siècle avant J.C. lorsqu’il appela le Mont-Cameroun « Char des dieux ». Mais c’est à partir de l’arrivée en 1472 à l’embouchure du fleuve Wouri du navigateur portugais Fernâo Do Poo qui, découvrant d’abondantes quantités d’une espèce de crevettes grises à grosses têtes et pleines d’huile va appeler cette côte « rio dos camaroes » « rivière des crevettes » ; c’est de ce crustacé que provient le nom Cameroun. Notre pays aurait pu opter pour un autre nom comme par exemple « Bimbia ». Bimbia était une localité couvrant toute la région orientale et

occidentale autour du Mont-Cameroun et était composé de trois localités des noms de Dikolo, Wonyangomba et Woyabile. Bimbia, d’après l’explorateur britannique A. Ardener, était reconnu au XVIIIe, comme un important centre répertorié sur la côte de Guinée. Après tout, on constate que la tradition partout dans le monde, veut que les noms des pays comme ceux des personnes, qui comportent une charge symbolique, reflètent une identité : L’Amérique a adopté le nom de son premier découvreur qui s’appelait « America » ; l’Europe celui de la déesse grecque, la France celui du royaume occidental des Francs donné en héritage par Charlemagne à son second fils Charles le chauve… On peut citer d’autres exemples en Afrique comme le Burkina Faso, la Namibia etc. Nous, nous avons gardé le nom Cameroun, un legs colonial, qui est celui d’une crevette que les Duala appellent « Mbéato » et que personnellement, je ne mange pas !

Cameroun donc. Soit. Qu’est-ce pour moi ? Pour le moment, c’est un territoire dont l’existence reconnue à la fois par son peuplement et son organisation ethnologique remonte jusqu’au néolithique. C'est-à-dire trois mille ans avant notre ère. C’est une entité géopolitique qui connaît depuis le XVe siècle, des troubles avec les diverses conquêtes et dominations aussi bien coloniales que religieuses : signature d’un traité de protectorat entre les chefs Duala et l’Allemand Edouard Woermann avant l’arrivée le 12 juillet 1882 de la mission conduite par Nachtigal – envoyé spécial de von Otto Bismarck – avec l’ordre de planter le drapeau du IIe Reich sur le plateau Joss, puis la mise sous tutelle française et britannique par la Société des Nation en 1918, des razzias menées dans la partie nord par des hordes djihadistes musulmanes au cours de la première moitié du 18è siècle forçant les populations à fuir vers le sud ; régime des travaux forcés imposé par les Allemands dans le Littoral et le Sud, guerre coloniale menée par la France contre les indépendantistes, répression féroce d’opposants politiques par le régime d’Ahmadou Ahidjo, celle non moins embastillant depuis lors de son successeur. Comme vous pouvez le constater, nos populations n’ont eu de cesse d’en baver. Des pendaisons de Duala Manga Bell et de son secrétaire Ngoss’a Din, celle de Martin Paul Samba et du chef Madola par les Allemands, les assassinats de Ruben Um Nyobè, de Félix Moumié, l’exécution d’Ernest Ouandié, les massacres de jeunes camerounais en février 2008 à Douala tout comme ceux perpétrés par l’Administration française le 25 mai 1955 à Douala à l’encontre des revendications syndicales sont là pour témoigner des heures sombres que n’ont jamais cessé de vivre nos malheureuses populations et qui continuent encore et toujours, de ployer sous le joug d’un régime sans foi ni loi : celui de Paul Biya !

Mais comme nous le savons, les tentatives de résistance n’ont jamais manqué. Celle de Duala Manga Bell pour protester contre les confiscations des terres par les Allemands contrairement aux traités signés, celle de l’UPC de Ruben Um Nyobè et ses partisans à la mainmise française sur le Cameroun, celle des opposants au régime dictatorial d’Ahmadou Ahidjo ; et aujourd’hui, celle de certains de nos compatriotes qui trouvent non sans raisons que le régime de Paul Biya est une abomination pour notre pays.

Les « upécistes » de Um Nyobè n’ont pas vaincu les Français alors que d’autres comme les Viêt-Cong de Hô Chi Ming et Giap l’ont fait ; Ahmadou Ahidjo a quitté volontairement et sans contrainte le pouvoir ; son successeur constitutionnel Paul Biya est au pouvoir depuis 35 ans en dépit de pitoyables jérémiades et autres gesticulations d’opposants qui excellent plus dans l’esbroufe et l’inconsistance voire l’arnaque, que dans le sérieux de la réflexion et d’action que requiert la grave situation que connaît notre pays.

Vouloir changer les choses dans notre pays comme toute démarche politique, est une affaire très sérieuse. Gandhi disait « qu’il faut être le changement qu’on voudrait voir se réaliser ». Il faut donc que ceux qui veulent le changement, qu’ils soient d’abord eux-mêmes, des exemples de comportement démontrant ainsi le sérieux de leur démarche politique.

Le changement politique, économique et social dont a besoin notre pays doit s’inscrire dans une réalité d’actions concrètes hic et nunc. Il n’est point à rechercher dans de concepts fumeux de type renaissance comme le fut ô combien trompeuse, celui de Renouveau. Parler de renaissance s’agissant des changements politiques dans un pays, pourrait être désorientant car cette notion

caractérisa plus une époque féconde en production littéraire et artistique des lettres françaises ; elle-même précédée au XVe siècle par le mouvement qualifié de Renaissance à Florence sous l’influence de Cosme de Médecis – banquier et homme politique – qui vit le triomphe des artistes et des dignitaires religieux avec le Concile Florence. Elle est inappropriée et inopérante à la sphère politique qui consiste à rechercher des solutions aux gravent problèmes de vie de nos concitoyens. Le Cameroun existe. Son enracinement anthropologique est ancien et remonte jusqu’au néolithique comme l’attestent les découvertes faites par les archéologues de l’existence d’un premier foyer Bantü sur les bords sud du lac Tchad datant de trois mille ans avant Jésus. Par contre, notre pays est à refonder et à refaire.

À refonder dis-je : oui le Cameroun doit être refondé car pour le moment, il n’est en réalité qu’un territoire régit par un appareil administratif néocolonial répressif dont les responsables semblent être organisés en une sorte de camarilla qui pillent et s’accaparent à leur profit, les ressources du pays. Ce n’est encore ni un État digne de cette acception ni une nation au sens décrit par Renan ni un peuple. La notion de peuple signifie l’existence d’une communauté nationale de gens ayant des références historiques communes, une langue, un territoire… ce qui n’est pas le cas du Cameroun. Notre territoire n’est encore qu’un agrégat hétérogène d’ethnies, une juxtaposition hétéroclite de tribus et clans, sans langue commune donc nationale, – « la langue est l’âme d’un peuple » – disait Lamartine ; le Français et l’Anglais sont des langues étrangères imposées par les puissances coloniales occupantes. Les adoptées en les institutionnalisant comme langues nationales et s’en prévaloir sans honte ni humilité est une preuve du degré d’aliénation, de soumission et de servitude de nos pseudo-élites surdiplômés des facultés de l’instruction notamment française, qui démontrent par là un manque abyssal d’inspiration, de créativité et d’ingéniosité. A ce sujet, nous devrions faire aussi profil bas quand nous faisons montre d’arrogance injustifiée face aux Sénégalais, Congolais ou aux ressortissants des pays d’Afrique australe et orientale qui ont en commun le Swahili, et mêmes aux Centrafricains ; tous ces pays ont chacun une langue nationale parler par tous les citoyens.

La construction d’une nation digne de cette acception, relève de la volonté politique de dirigeants éclairés, sur la base d’un creuset où se forgent un « Récit national », une Langue commune, des Figures héroïques et des mythologies fédérateurs pour faire « peuple et nation ». De même, un véritable État, c’est une architecture d’institutions solides, démocratiques, régit par des règles de droit de justice et d’équité.

En cela, les régimes successifs d’Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya auront hélas, lamentablement échoué ! Ils n’ont ni voulu, ni pu ni su construire une véritable Nation camerounaise avec un peuple, ayant comme viatique sa propre langue « reflet de son âme et de son génie », et ses repères historiques puisant ses fondations sur les divers peuplements du territoire et les luttes pour notre émancipation. Il faudra donc s’atteler à la construction d’un tel édifice pour rendre respectable et viable notre pays.

À Refaire : cela veut dire reconcevoir l’urbanisation de nos villes, repenser l’aménagement de nos campagnes, construire des vraies routes, ponts, chemins de fer et toutes les infrastructures modernes nécessaires à la vie des citoyens. Cela veut dire aussi concevoir et mettre en place un système d’éducation qui forme les gens au savoir-faire et au savoir-être ; d’équiper le pays d’un système de santé de qualité accessible à tous ; donner accès à tous aux énergies renouvelables, à la téléphonie et à internet par une couverture globale du territoire national...

Ce projet de refonder et de refaire le Cameroun est un devoir de tous les Camerounais sérieux, du moins ceux qui sont décidés à s’engager dans une action pour construire un Cameroun nouveau. Avec des responsabilités à plusieurs niveaux. Aucun étranger ne le fera à notre place. « Chaque génération a une mission. Elle l’accomplie ou elle la trahie » disait Franz Fanon au temps des damnés de la terre. Celle de Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, Ernest Ouandié et de nos parents ont-elles accompli la leur ? Où en est la nôtre face à ce devoir ? À chacun d’y répondre avec sa propre conscience. Ce dont je suis convaincu, c’est qu’aussi bien nos couardises que nos bravoures, notre légèreté ou notre sérieux ne nous exoreront de cette exigence ontologique, de ce devoir eschatologique.

Réussir un tel projet nécessite la mise sur pied d’une organisation sérieuse, de la méthode, de la discipline, de l’engagement et de la détermination de la part des acteurs. Est-ce le cas ? Qu’on me permette d’en douter ! Depuis toujours, dans la marche de l’Univers, entre deux ères, s’installe une période où règnent les monstres. Comme ces tyrannosaures, qui dévoraient tout au temps du règne des dinosaures, nos gouvernants actuels dévorent tout ce qui est à leur portée. Mais, citons Nietzsche à cet : « celui qui doit combattre les monstres, doit prendre garde de ne pas devenir monstre lui-même ».

Dans le livre « Cameroun, le combat continue » que j’avais publié en 2001 chez l’Harmattan, en analysant le mal camerounais, j’avais évoqué l’avènement d’un être d’exception, qui, animé par un courage héroïque, pourra accomplir le grand labeur : celui de nous mener, à l’exemple d’Hô-Chi-Minh, de Nelson Mandela, ou de Nehru en Inde, vers une libération de notre pays des griffes d’un régime diabolique qui a pris en otages, nos malheureuses populations.

Croyez en la parole du Basä errant que je suis : arrivera un jour où cet homme ou cette femme d’exception, écoutant les sourds clameurs qui montent du fond des cimetières de tous les suppliciés de notre pays et les cris du sang de nos martyrs, saura mettre fin à cette lugubre période qui dure depuis si longtemps dans notre pays.

En ce qui me concerne, je refuse d’admettre que nos compatriotes soient incapables de révolte salvatrice ! « Il n’y a pas de bonheur sans révolte » écrivait Karl Marx.

Je refuse de croire à la fatalité d’un destin funeste ;

En revanche, je crois qu’il y a quelque part, des Camerounais capables de relever le défi du changement ;

Je crois à la possibilité de refonder et de construire un Camerounais Nouveau où il fera bon vivre pour tous les citoyens ;

Je crois qu’un jour viendra où sous la conduite d’un véritable leader, un groupe de partisans saura tracer un nouveau chemin où l’espoir pour une vie meilleure et un bien-être sera une promesse accessible pour chaque Camerounais ;

Et je crois que ce jour là, nos populations, unies dans un élan populaire, entameront ensemble la longue marche vers l’accomplissement d’un destin radieux.

Même si en attendant, à l’échéance d’octobre 2018, le sieur Ubu du palais d’Étoudi surnommé « Nnôm Ngui » continuera sans coup-férir – s’il est toujours en vie – à l’exemple du chef de l’Etat algérien, à plastronner à la tête de l’appareil administratif néocolonial qui perdure depuis la fin de la Première guerre mondiale !

L’amorce d’une refondation d’un Cameroun nouveau, exige de la lucidité, d’être véritablement conscient des enjeux d’une nation à construire, de l’ampleur de la tâche et d’être à la hauteur de la mission à accomplir…

« Ce n’est parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas ; c’est parce que l’on n’ose pas qu’elles sont difficiles » écrivait Sénèque. www.mboumakohomm.com Blog of political affairs

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