FRANCE :: CALIXTE BEYALA : LE CRI D’UNE INSOUMISE, LES NON-DITS D’UNE VOIX
© AFRIKSURSEINE : Ecrivain;Romancier Calvin DJOUARI | 05 May 2025 20:44:12 | 511Dans une vidéo à forte charge émotionnelle, Calixte Beyala, écrivaine franco-camerounaise reconnue, livre un discours virulent, directement adressé à une personnalité politique du Cameroun, Samuel Mvodo Ayolo. Sous la forme d’une diatribe mêlant le personnel et le politique, elle s’adresse à cet homme, le taxant de tous les maux, et revendique hautement sa place dans l’histoire nationale du Cameroun. Ce discours polémique se présente à la fois comme un réquisitoire et un manifeste. Le style utilisé, à mi-chemin entre l’oralité et l’indignation revendicative, permet à l’auteure de mettre en scène son propre rôle : celui d’une femme intègre, sacrifiée, et pourtant essentielle à la mémoire et à l’avenir de la nation. En écoutant attentivement ce discours, il apparaît clairement qu’il constitue à la fois un cri de révolte contre l’injustice personnelle et une critique cinglante du pouvoir politique camerounais.
Calixte Beyala s’exprime ici à la première personne avec une intensité marquée. Le ton est polémique et vindicatif : le message est une adresse directe à « Monsieur Ayolo », et le ton se veut frontal, accusateur, indigné. Il s’agit clairement d’une mise en cause publique. Des phrases telles que : « Tu me prends pour qui ? », « Tu dis quoi Ayolo ? », « Je t’ai dit. » – créent un rythme saccadé qui accentue la colère et la révolte. Les reprises anaphoriques – « Je mérite… », « Tu es monsieur… », « L’argent du Cameroun… » – martèlent les idées comme dans un manifeste. Cette voix emprunte les codes du discours politique et militant, où abondent répétitions, anaphores, apostrophes et effets de crescendo.
L’écrivaine adopte le ton d’un réquisitoire militant, ciblant à la fois son adversaire direct et les dérives d’un système plus vaste. Nous sommes ici dans un registre familier, proche d’un discours improvisé. Cette oralité assumée donne au propos une authenticité émotionnelle forte et crée une tension rythmique remarquable. Le style, très direct, mime une conversation tendue : phrases brèves, interrogatives, exclamatives, répétitives « Tu me prends pour Murté ? », et un usage insistant du nom « Ayolo », répété comme un refrain accusateur.
Calixte Beyala adopte ainsi une posture de femme libre, indépendante, digne, qui refuse l’humiliation sociale et morale. La mention de noms, de lieux et d’épisodes personnels vient renforcer l’authenticité du témoignage tout en réhabilitant une image que l’on tente de salir. Elle dénonce aussi un système inégalitaire, où quelques-uns accaparent les ressources du pays au détriment du peuple. L’écrivaine revendique un droit moral à ces ressources, en tant que figure culturelle emblématique du Cameroun.
Elle dénonce également, en filigrane, une forme de sexisme et de mépris envers les femmes engagées. Son discours aurait pu prendre la forme d’une lettre ouverte, d’un pamphlet, ou d’une confession politique, tant il mêle le personnel à l’universel. Le langage est oral, brut, non académique, mimant l’oralité spontanée par ses interruptions, ses insultes, et ses envolées « Tu es même bête, là », « Pauvre type ». L’effet de martèlement des anaphores et répétitions crée une dynamique accusatrice, donnant à la parole une force de percussion. Elle se positionne en femme seule face à l’appareil du pouvoir, libre de toute compromission, sans affiliation, face à des figures de pouvoir corrompues.
La colère exprimée n’est pas narcissique, elle est sublimée en revendication identitaire et politique. Calixte Beyala affirme son mérite en tant qu’écrivaine, « ayant porté haut les couleurs du Cameroun », et se livre à une autolouange revendicatrice : « Je mérite des milliards et des milliards de ce pays ». Cette affirmation devient un acte de réappropriation politique et symbolique, s’inscrivant dans la tradition des discours de résistance. Elle se présente alors en victime résistante, femme persécutée mais digne, dont la patience a des limites. C’est un autoportrait de combattante, un acte de parole où l’écriture devient engagement. Le langage est outrancier, provocateur, performatif : il ne s’agit pas simplement de dénoncer, mais de s’affirmer politiquement dans l’acte même de parler. Au-delà du règlement de comptes personnel, cette intervention de Calixte Beyala s’inscrit dans un discours politique plus vaste. L’accusation qu’elle formule vise un homme de pouvoir, soupçonné de clientélisme, de mensonge et de privatisation des ressources de l’État.
Par l’anaphore insistante « L’argent du Cameroun m’appartient », elle dépasse son propre cas pour l’élever à une portée collective : elle s’exprime au nom d’un peuple camerounais spolié de ses richesses. On assiste alors à une dénonciation du népotisme et du détournement de fonds publics, illustrée par l’opposition symbolique entre « monsieur propre » et « monsieur sale », « égoïste », « meurtrier ». Cette opposition entre une figure corrompue et une voix intègre pour elle se remarque dans une rhétorique de la vérité : Beyala somme son adversaire de « sortir les preuves », tout en affirmant qu’elle « n’a jamais reçu un billet d’avion ». Elle inverse ainsi la charge de la preuve, quittant la position d’accusée pour adopter celle de procureure. Cette stratégie rhétorique s’avère redoutablement efficace, renforcée par des formules percutantes et des menaces implicites telles que : « Continue, tu verras ce qui va t’arriver » ou « Je vais me transformer en Marlène Emvoutou ». Ces mots agissent comme des avertissements à peine voilés, comme pour dire : « Si tu continues, je deviendrai ton pire cauchemar médiatique. » Ce propos est également autoréférentiel.
En évoquant Marlène Emvoutou, figure controversée du paysage camerounais, Calixte Beyala convoque une image bien connue du public afin que l’on puisse comparer deux profils féminins opposés : d’un côté, une écrivaine reconnue internationalement, traduite dans plusieurs langues ; de l’autre, une figure encore en quête de légitimité, évoluant dans un espace médiatique plus restreint. Ce contraste est voulu : Beyala rappelle qu’elle « vaut des milliards » pour tout ce qu’elle a accompli pour son pays – et ce n’est pas sans fondement. Sur le plan littéraire, elle a suscité des vocations et contribué à faire rayonner le nom du Cameroun. Elle a reçu plusieurs prix littéraires.
Ses œuvres connaissent de nouvelles traductions dans diverses langues. Elle a défendu Laurent Gbagbo, elle s’est dressée contre l’impérialisme : autant d’actes qui témoignent d’un engagement intellectuel réel. En suspendant ainsi l’action redoutée et en convoquant une figure controversée de l’heure, Beyala pourrait chercher à créer une tension latente, un avertissement déguisé en promesse explosive. Sa phrase est chargée de sous-entendus, d’autorité et de menace symbolique, à la frontière du politique et du littéraire. Le parallélisme qu’elle emploie n’a rien d’innocent.
S’il ne vise pas directement une attaque personnelle, il est mû par une intention claire : rappeler subtilement à l’autre femme concernée qu’elle, Calixte Beyala, reste la figure féminine dominante. Elle recourt ici à l’antiphrase – figure de style consistant à dire le contraire de ce que l’on pense -, formulée sur un ton neutre ou apparemment flatteur, mais dont le contexte inverse la signification. Cette ironie est renforcée par l’usage d’euphémismes et même de litotes, qui permettent de rabaisser ou ridiculiser quelqu’un sous couvert d’éloges. Ces procédés rhétoriques, en jouant sur le double sens et la subtilité du discours, confirment que Beyala maîtrise l’art du langage. Elle est, sans conteste, une grande littéraire. Peu à peu, le discours bascule dans le symbolisme. Il ne s’agit plus uniquement d’un conflit privé, mais d’un débat sur la place des femmes dans l’espace politique, sur la dignité nationale et sur la justice sociale.
La grande dame semble d’ailleurs suggérer par ses attitudes – c’est mon avis – que, si l’on n’y prend garde, les femmes finiront par prendre le pouvoir, déçues par l’attitude des hommes. Le style pamphlétaire, souvent outrancier, reflète une violence systémique : celle d’un système qui exclut, salit ou réduit au silence ses opposants – après les avoir utilisés. Calixte Beyala livre ici un cri de révolte à la fois personnel et politique, forgé dans une langue brute, directe, et volontairement violente. Ce discours ne suit pas les codes classiques de la littérature, mais il tire sa puissance de l’urgence, de la colère et d’un ethos de vérité nue.
Ce style frontal, sans détours, devient une marque d’identité : celle d’une femme insoumise, lucide, déterminée à exposer ce que d’autres préfèrent taire. Par cette prise de parole, elle mêle l’intime et le collectif dans un style direct, brutal mais profondément incarné, où sa voix s’élève contre la calomnie, l’exclusion et l’injustice. En revendiquant son droit à la reconnaissance et à la justice, elle dépasse le cadre strictement personnel : elle devient le porte-voix d’un peuple spolié, d’une conscience citoyenne en éveil. Cet art oratoire s’impose ainsi comme un acte littéraire de résistance, où la parole devient une arme de dignité et un outil de révolte.
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