CAMEROUN :: Bamenda : malaise au coeur d’une ville rebelle :: CAMEROON
© Le Jour : Franklin Kamtche | 25 Nov 2016 12:19:41 | 9237Les forces de l’ordre ont organisé une véritable chasse à l’homme mardi dans une ville apeurée, qui s’affirme comme le siège des contestations.
Rues désertes, établissements scolaires paralysés, établissements de commerce verrouillés, gares routières vides, des patrouilles de l’armée qui passent, voilà l’ambiance qui règne dans les artères de la ville de Bamenda. Quelques rares personnes rencontrées mardi s’attelaient plus à satisfaire leur curiosité qu’à vaquer à une quelconque occupation. D’ailleurs, la police antiémeute dans ses atours pompeux, a dispersé tous les regroupements d’hommes dans et aux alentours de la ville frondeuse.
Trois personnes ne pouvaient marcher en même temps sans attirer la colère des policiers qui n’ont pas économisé le gaz lacrymogène. Des hélicoptères contrôlaient par le ciel les mouvements des potentiels manifestants et communiquaient, on peut l’imaginer, les données sur les positions des uns et des autres à des patrouilles pédestres. Des renforts en hommes et en moyens logistiques ont été reçus dans la région, dans la nuit du lundi au mardi. N’empêche, le phénomène de guérilla urbaine qui a débuté la veille au « Liberty square » n’a pas été interrompu. Des jeunes gens, même isolés, ont continué à brûler de vieux pneus sur la route et à dresser des barricades, dans un jeu de cache-cache avec les forces de l’ordre. Des actes de pillage ont continué. Le mouvement a pris une infection populaire et plus personne n’est aux commandes.
« Des coups de feu ont été tirés sur un gardien à Tubah, qui a été évacué à l’hôpital de Mbingo », accuse le gouverneur, Adolphe Lele Lafrique. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles. Plusieurs centaines de manifestants ont été interpellés. Au moins une dizaine de blessés, dont un cas grave par balles. Lundi, 21 novembre 2016, des enseignants anglophones avaient abandonné leurs élèves dans les lycées et collèges pour se déporter dans la rue, où ils voulaient protester contre « la francophonisation de leur sous-système d’éducation ». L’affaire a été vite récupérée par de jeunes chômeurs et les conducteurs de motos-taxis qui voulaient rappeler au pouvoir de Yaoundé que son silence a une réponse violente. Comme la semaine précédente avec les avocats, des revendications identitaires sont apparues, dans une coordination surprenante.
Ville rebelle
Pour les fonctionnaires du commandement, Bamenda est la ville des insomnies. « On ne sait jamais quand les choses vont se gâter. Quand on t’y envoie, il faut dormir sur une oreille. Les troubles politiques se mêlent aux rébellions villageoises », confie un ancien sous-préfet de la Mezam. Ici un peu plus qu’ailleurs, les citoyens ont le sentiment d’être floués dans le jeu politique camerounais et sont prompts à revendiquer, même quand l’argumentaire cloche. « Certains estiment que le référendum de 1972 fut une grosse escroquerie politique. (...) On peut dire que le référendum de 1972 n'a pas nécessairement résolu les problèmes spécifiques latents déjà posés par les camarades de Foncha. Il faut donc ajouter qu’en 1984, c'est par décret que le Cameroun passe de République unie à République du Cameroun.
Un décret venant remettre à plat des engagements référendaires. Naturellement, cela n'a jamais été digéré par bien d'anglophones qui depuis ce temps ont commencé à parler de marginalisation, de sécession ou encore de retour au vrai fédéralisme », analyse Christian Fouelefack, historien. Des pratiques liées à une mauvaise forme de gouvernance ont fini de contaminer le conflit. C’est depuis la création de l’Université de Bamenda et l’ouverture des écoles normales autonomes de Bambili et Kumba que les enseignants en grève dans le Nord Ouest s’agitent sur la question délicate du système éducatif. La médiation tardive du gouverneur de région, qui a appelé au dialogue syndicats et leaders religieux, n’a rien pu. Les avocats qui ont récemment créé un barreau de la common law disent que le principe de la justice est la liberté alors que les francophones privilégient la détention.
Et pour faire entendre leur voix, quoi de plus normal que le « City chemist round about », entendez le « rond point City Chemist » pour démarrer leur arche. C’est ici que Ni John Fru Ndi et ses affidés avaient lancé par force le Social Democratic Front, principal parti de l’opposition, en 1990. Des journalistes, francophones encore, avaient trouvé le moyen de dire qu’ils étaient « morts piétinés ». « Morts piétinés par balles », désormais. Depuis lors, le carrefour est devenu le « Liberty square ». Le « carrefour des martyrs ». C’est là que convergent toutes les frustrations d’une ville où la représentation populaire a été bafouée par la nomination d’un Délégué du gouvernement aux antipodes des forces politiques en présence, où l’on assiste à des taquineries suspectes sur la provision en énergie. La présence dans les rues de milliers de chômeurs déguisés finit par faire le lit de la contestation.
A la moindre initiative, les organisateurs sont eux-mêmes surpris par le nombre de badauds qui rattrapent les rangs. Les guerres de positionnement secrétées par la recherche des postes nominatifs, au sein du parti au pouvoir, finissent par en faire une poudrière.
Unité nationale
Les résolutions du comité ad hoc interministériel, mis sur le pied par le Premier Ministre et chargé de réfléchir le même jour sur les plaintes de ces derniers montrent bien que leurs revendications n’auront pas de solution. En tout cas, en l’état actuel de notre constitution et du système gouvernant. Les francophones de Bamenda, accusés à tort d’être la cause des malheurs des anglophones, sont inquiets. Ils redoutent désormais des actions ciblées sur eux. A rebours, ils s’interrogent sur ce qui pourrait arriver si on se mettait à indexer les anglophones ailleurs où ils se trouvent au Cameroun.
« Mme Dorothy Djeuma a été recteur de l’Université de Yaoundé 1, Sammy Beban Chumbow a dirigé Dschang et Ngaoundéré. Pendant qu’on y est, qu’on demande à l’anglophone Ako Edward Oben de démissionner de ses fonctions de recteur de l’Université de Maroua. Le Pr Tetanye Ekoe a dirigé pendant plusieurs années la faculté de médecine de Yaoundé sans que personne ne trouve à redire. Pourquoi se battre pour des strapontins ?
Qu’ils entrent dans la compétition nationale au lieu d’éliminer la qualité. Sont-ils sûrs de remplacer les francophones partout où ils sont, si ces derniers venaient à être rapatriés ? Combien d’entre eux occupent des fonctions qu’ils méritent vraiment ? », s’énerve un enseignant de l’Université de Bamenda. Ses collègues parlent de paresse et de « chantage linguistique ».
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