CAMEROUN :: Romuald Wadebe : «Avec des populations éduquées, la guerre contre Boko Haram s’arrêtera au plus vite» :: CAMEROON
© L’Oeil Du Sahel : INTERVIEW RÉALISÉE PAR BERTRAND AYISSI | 04 Apr 2016 15:14:31 | 4777De nombreuses organisations sont mobilisées sur le terrain pour la cause des réfugiés dans l’Extrême-Nord. Quel est le rôle spécifique de Respect Cameroon que vous représentez ?
Ça fait déjà plus d'un an que l’ONG Respect Cameroon est installée dans la région de l’Extrême-Nord. Nous travaillons dans l’humanitaire avec un partenaire de marque qui est l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). Nous organisons des causeries éducatives avec des communautés de déplacés, de retournés et de réfugiés. Ce sont nos activités propres. Avec le partenaire OIM, nous menons des enquêtes, ce qu’on appelle le profilage sur les personnes déplacées, les réfugiés, les retournés et les communautés hôtes. En organisant ces enquêtes, l’objectif est d’aboutir à la distribution des dons. C’est ainsi qu’après chaque enquête, nous évaluons les besoins des déplacés, des réfugiés. Par la suite, nous retournons sur le terrain pour faire des distributions d’articles non alimentaires tels les moustiquaires, ceux de ménage et de couchage, et la literie.
En quoi consistent vos activités au Cameroun ?
Pour le moment, Respect Cameroon est implantée dans trois régions du Cameroun : l’Est, l’Extrême-Nord, et le Centre qui abrite le bureau national. Les deux premières régions sont au centre de la cartographie humanitaire. Et comme vous le savez, le cheval de bataille de Respect Camerooun, c’est l’éducation des réfugiés, déplacés, retournés et des communautés Baka et Mbororo à l’Est Cameroun. Et pour accomplir notre mission, nous avons pour l’instant une cinquantaine de volontaires dont 35 ici à l’Extrême- Nord, et une dizaine à l’Est. La collecte des données concernant les réfugiés et les déplacées internes dans la région de l’Extrême-Nord, est un travail réalisé par notre organisation. Récemment, la représentante résidente du Système des Nations Unies au Cameroun a publié les chiffres pour lesquels nos équipes ont travaillé d'arrache-pied devant le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Nous allons d’ailleurs bientôt publier les chiffres sur la situation actuelle des réfugiés, des retournés dans l’Extrême- Nord, des déplacés et surtout ceux qui vivent en communautés hôtes pour voir la qualité des relations; tout comme la situation de l’accès à l’eau potable, d’accès aux soins de santé. Nous recensons par ailleurs le nombre d’écoles qui ont été fermées du fait des attaques terroristes; et évaluons la situation de la jeune fille qui est exposée aux violences sexuelles de tout ordre.
Comment opérez-vous sur le terrain ?
Je tiens d’abord à préciser qu’au jour aujourd’hui, Respect Cameroun a déjà sillonné cinq des six départements de l’Extrême-Nord. Il n’y a que dans le département du Logone et Chari, où nous ne sommes pas encore intervenus. Chaque fois que nous allons dans les "zones rouges", notamment le Mayo-Sava et le Mayo-Tsanaga, nous sollicitons une escorte au Bataillon d’intervention rapide (BIR). Cela dit, une stratégie est mise sur pied à partir de la coordination nationale de Respect Cameroon à Yaoundé. Les démarches diffèrent selon qu'il s'agit des enquêtes ou des distributions de dons. Pour l'essentiel, outre les aspects administratifs et sécuritaires, Respect recycle ses personnels avant chaque descente sur le terrain; met à disposition lesoutils et les moyens de travail. Une fois sur le terrain, un dispositif araignée où les chefs d'équipe, les superviseurs départementaux et les enquêteurs sont connectés par téléphone et se donnent des nouvelles quotidiennement jusqu'à la fin de l'activité. C'est d'ailleurs le moment aussi de remercier les chefs traditionnels, les comités de vigilance, les sous-préfets et préfets, le gouverneur de l’Extrême- Nord et l'OIM qui ne ménagent aucun effort pour la sécurité de nos équipes.
Quels sont les risques que vous courez ?
Les risques sont tellement énormes. Imaginez que vous avez prévu de distribuer de dons à 2500 personnes, mais vous avez plutôt 5000 qui répondent à l’appel. Je vous assure que c’est difficile. Et en plus, vous ne savez pas qui est qui. C’est vrai que nous sommes toujours accompagnés des éléments du BIR, avec la montée en puissance du phénomène des attentats. Mais nous restons exposés parce qu’un kamikaze peut s’infiltrer dans la foule et se faire exploser. Et même au niveau des axes que nous empruntons, il y a de nombreux bosquets qui abritent parfois les coupeurs de route. Je me rappelle une fois, nous sommes allés à Mozogo où nous avions passé trois nuits. Là, il n’y a pas d’hôtels, encore moins d’auberges. Nous dormions dans les salles de la commune, sans électricité, sans aucune garde rapprochée, puisqu’il n’y a pas de police dans cette localité et seulement deux gendarmes. Mais en tant que militants, travailleurs humanitaires, les personnels de Respect Cameroon ne baisseront jamais les bras.
Nous allons toujours retrousser nos manches pour descendre sur le terrain. Je vous assure que ça fait vraiment mal de voir nos compatriotes, des êtres humains comme nous, qui tombent tous les jours sous l’effet de la menace de Boko Haram. Autant que faire se peut, nous apporterons toujours notre soutien dans ce combat. Au niveau du Système des Nations Unies, il y a des voitures blindées qui sont arrivées, des casques et des gilets pare-balles, pour permettre aux uns at aux autres de se déployer sur le terrain malgré les menaces.
Après vos multiples descentes sur le terrain, dans le cadre de vos interventions humanitaires, que pouvez-vous dire de l’Extrême-Nord ?
Sans exagération, nous pouvons dire que l’Extrême-Nord est parmi les régions les plus pauvres du Cameroun, sinon la région la plus pauvre. Je vous assure que nous avons parcouru certains villages où la qualité de l’eau consommée par les humains est la même que celle des bêtes. Et à côté de la qualité des huttes qui laissent à désirer, il y a carrément des Hommes qui vivent à l’air libre. C’est très écoeurant. La situation est très inquiétante. Nous avons rencontré des familles qui vivent avec 20 litres d’eau par jour, c’est-àdire tous les membres doivent se doucher, faire la cuisine, etc. Et au-delà de tout, les gens sont tellement pauvres dans certains villages au point où ils n’ont même pas de quoi se vêtir. Je peux citer l’arrondissement de Petté, dans le village Oudoulolo où les déplacés subissent les intempéries. Ils n’ont pas accès à l’eau. Il faut parcourir des dizaines de kilomètres pour finalement avoir une eau qui n’est même pas potable. C’est par exemple le cas de Nguetchewé, Kerawa, Mémé ; Mora qui, malgré le fait d’être le chef-lieu du département du Mayo- Sava, reste quand même enclavée. Croyez-moi, les localités particulièrement ciblées par les attaques de Boko Haram sont celles où la misère sévit aussi impitoyablement.
Pensez-vous que cette extrême pauvreté de la région constitue un terreau fertile pour Boko Haram ?
Je salue d’abord les efforts de la communauté internationale et du système des Nations Unies, mais aussi du Programme national de développement participatif qui a concentré 42% de ses réalisations pour la phase 3 à l’Extrême-Nord. Je crois que cette initiative va vraiment sortir la région de cette pauvreté. Mais je crois qu’il faudra davantage mettre un accent sur l’éducation. C’est vrai que les départements les plus touchés de la région se trouvent à la frontière. Je puis cependant vous assurer que Boko Haram sévit plus dans les zones où les hommes sont déjà moins éduqués. Si vous prenez le département du Mayo-Danay et du Mayo-Kani, où les gens sont plus instruits, on y a relativement entendu parler de Boko Haram.
Dans le Diamaré par contre, on parle aussi des déplacées, mais surtout des sinistrés du fait des inondations particulièrement aux mois d’août et septembre. Selon nos statistiques au mois de novembre 2015, on avait 48 000 déplacées à cause des inondations. L’Extrême-Nord connait ainsi tous ces problèmes : la pauvreté, les inondations, les attaques terroristes, la dureté du sol, la rareté des pluies qui ne s’étendent que sur trois mois durant toute l’année. Ce tableau parle de lui-même et nous savons compter sur le déploiement de tous les acteurs afin que cette guerre s'arrête au plus vite.
Romuald Wadebe, chef d’antenne de l’ONG Respect Cameroon Extrême-Nord.
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