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CAMEROUN :: Un enclos néocolonial peut-il engendrer une démocratie ? :: CAMEROON

Pourquoi le régime au pouvoir au Cameroun devient-il le camp de formation, mieux, la pépinière de ceux que nous appelons opposants ? Qu’est-ce qui explique que le changement voulu par les Camerounais prenne la figure des transfuges du « Biyaïsme » que sont Maurice Kamto, Bouba Beilo Maïgari ou Issa Tchiroma ?  Pourquoi la démocratie camerounaise coince-t-elle ? Pourquoi est-ce qu’on peut affirmer que les élites et les peuples camerounais sont tous corrompus ? De quoi Issa Tchiroma est-il le nom ?

  • Tous dans l’enclos néocolonial

La colonisation a été un lieu de non-droits pour tous les indigènes, une antithèse radicale d’une société démocratique. En fait, comme tous les Africains colonisés et sous tutelle, les Camerounais étaient exclus des droits de l’Homme et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes parce qu’il fallait au préalable les civiliser, mieux, en faire des hommes et des femmes comme il faut, avant qu’ils ne puissent avoir accès aux Droits de l’Homme. Le droit international et les Droits de l’Homme se sont donc construits avec déjà le principe du double standard et de l’exceptionnalité.

Deux principes qui excluaient les indigènes de la jouissance des Droits de l’Homme et considéraient cette exclusion comme nécessaire à leur formatage comme humains capables et dignes d’en jouir. Parmi les Africains ayant refusé de façon véhémente et incendiaire ce double standard, se trouvaient, dans le cas du Cameroun, Ruben Um Nyobè et l’UPC, Union des populations du Cameroun. Ils furent aussi les premiers et derniers opposants de ce pays. La preuve en est qu’il furent écrasés politiquement et éliminés physiquement parce qu’antithèses radicales de l’Etat-colonial français et de l’Etat camerounais néocolonial. L’écrasement politique et humain de l’UPC a donc historiquement défini un axe gagnant et pertinent du pouvoir au Cameroun. C’est-à-dire que ne peuvent accéder au pouvoir au Cameroun que des Camerounaises et des Camerounais qui acceptent au préalable l’Etat néocolonial et divergent uniquement dans l’enclos, c’est-à-dire dans la façon de le gérer et de se mouvoir au sein de celui-ci.

C’est à cela qu’est réduite l’opposition camerounaise et ses opposants à tel point qu’on est opposant au Cameroun parce qu’on ne l’est pas par rapport à l’Etat néocolonial mais uniquement dans la façon de le gérer. Autant, heureusement, ceux qui ne sont pas dans le sillage politique de la victoire historique FLN en Algérie ne peuvent accéder facilement au pouvoir dans ce pays, autant, malheureusement, pour le Cameroun, uniquement ceux qui sont dans le sillage de la victoire historique des colons et néo-colonisateurs sur Um Nyobè et l’UPC peuvent accéder facilement au pouvoir.

C’est cela qui explique que le régime colonial en place depuis 1960, et dont Ahidjo et Biya sont les deux plus grandes figures, devienne la fabrique d’où sortent nos opposants les plus crédibles. Cela explique que nos sauveurs et notre avenir se rêvent paradoxalement dans les trajectoires politiques de nos bourreaux d’hier comme Issa Tchiroma à l’instar des indépendances africaines qui ont rêvé de devenir réalités via Le Général de Gaulle un bourreau de nombreux peuples africains. Bref, l’opposant et l’opposition ne peuvent avoir lieu qu’au sein d’un Etat néocolonial avec lequel celui qui se dit opposant doit être d’accord.

C’est pourquoi en combattant le Biyaïsme, notre avenir se retrouve chez Tchiroma, c’est-à-dire dans du Biyaïsme sans Biya. Il en découle que Ruben Um Nyobè eut raison de revendiquer une indépendance réelle car le type d’indépendance qu’on obtint de la France explique le type de pouvoir, d’opposants, d’opposition et même d’intellectuels que nous avons aujourd’hui. Ceux-ci nous ramènent ces derniers temps à la France via des commissions françaises sur notre histoire et l’imputation de ce qu’ils appellent le problème bamiléké au peuple camerounais et non à la France coloniale. Les gouvernants camerounais, leurs oppositions ainsi que nos intellectuels sont les produits d’une infrastructure coloniale et néocoloniale dont les balbutiements de notre processus démocratique sont une dimension de la superstructure postcoloniale.

  • Pas de démocratie sans un monde commun

Brandir des chiffres à gauche et à droite n’est pas le bon endroit où commencer à réfléchir car les chiffres n’ont jamais de longues jambes lorsqu’on ne sait de quelle usine ils sortent et pour quel but ils sont produits. Il faut sortir de la gouvernance de la démocratie par les nombres pour penser ce qu’il faut pour que les chiffres soient crédibles dans notre démocratie. À propos des statistiques, Winston Churchill avait coutume de dire : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées ». Qu’est-ce qui, généralement, fait donc croire aux statistiques dans une démocratie même lorsque celles-ci n’ont pas été falsifiées par nous-mêmes ? C’est, malgré le fait que la démocratie soit un régime conflictuel et propice à l’élimination des uns pour la promotion d’autres, l’existence d'un monde commun. C'est-à-dire un ensemble de rituels, d'institutions et des procédures auxquels tous les acteurs font confiance les yeux fermés parce qu’ils incarnent une forme de sacré républicain qui imprime un habitus démocratique prévisible au point où il fait que les choses aillent de soi. Au Cameroun, ce monde commun devrait être constitué du code électoral, d’Elecam et du Conseil Constitutionnel. Mais il n’existe pas pour deux principales raisons.

D’une part, le pouvoir en place ne renforce pas la crédibilité de ces institutions en question en en renforçant l’impartialité. Et, d’autre part, les Camerounais ne respectent pas ces institutions alors qu’ils devraient le faire même si elles sont imparfaites. En conséquence aucun monde commun jouissant d’une légitimité nationalement partagée n’existe. La démocratie grecque de laquelle se réfèrent nos pays africains, même si je pense que c’est une grosse erreur que de le faire, avait ce monde commun. On y trouvait l’agora pour le débat public à travers des assemblées de paroles, la parrhèsia ou le courage de la vérité, l’isegoria ou le droit des citoyens de parler publiquement puis la graphé paranomon pour le contrôle de la constitutionalité des actes posés. C’est la confiance que construit, installe et dissémine un tel monde commun et son respect par tous les acteurs politiques et le peuple qui devraient faire que tout le monde s’incline et accepte leurs chiffres et leurs décisions. Sans un tel monde commun, les chiffres qui circulent d’un côté comme de l’autre n’ont pas la force d’un rituel démocratique sacralisé par un habitus démocratique issu de ce monde commun. Dès lors, on patauge dans un sable mouvant politique car aucune démocratie n’existe sans règles, sans lois, sans respects de ceux-ci par les acteurs en compétitions et sans punitions de ceux qui ne les respectent pas.

Autant Socrate a été condamné à mort en 399 avant J.-C. pour avoir enseigner des choses interdites par la démocratie athénienne, autant, en 2025, Sarkozy est envoyé en prison pour organisation de malfaiteurs contraire à la démocratie française. Elecam, le Conseil Constitutionnel, le code électoral doivent veiller à incarner, non seulement ces lois et ces règles, mais aussi à incarner le peuple. En d’autres termes, lorsque le Conseil Constitutionnel, Elecam ou le code électoral parlent comme institutions, les Camerounais doivent entendre leurs propres voix y raisonner et voir leurs visages apparaître derrière ces institutions afin qu’ils adhèrent à ce qu’elles disent.  C’est donc un donnant-donnant qui, pour parler comme Max Weber, peut renforcer la légitimité rationnelle-légale du Conseil Constitutionnel, d’Elecam et du code électoral. D’une part, ces institutions doivent éduquer massivement le peuple et être justes avec lui.

D’autre part, ce peuple doit les respecter même si elles sont imparfaites car la perfection institutionnelle est un processus incrémental sans fin. Notre démocratie ne peut donc être apaisée en ce moment à cause de l’absence d’un monde commun qui absorbe la violence politique inhérente à toute démocratie. Elle ne peut aboutir qu’a trois choses étant donné son bas âge moral et éthique. Soit les chiffres du plus fort deviennent les chiffres officiels parce la fonction primordiale de l’Etat est d’empêcher la non-conformité, soit il n’y a pas de plus fort est on entre dans une guerre civile ouverte chacun revendiquant sa propre légitimité et légalité. La route, dans ce cas, est ouverte pour qu’Issa Tchiroma ouvre le front Nord de la guerre civile camerounaise pour compléter les Front du NOSO avec lequel il dit avoir des liens d’amitié. Soit l’armée camerounaise siffle la fin de la recréation en mettant tout le monde d’accord grâce à la crédibilité des armes. 

  • La corruption généralisée

Pour ne pas perdre de temps, disons-le d’entrée. Comme dans une opération de vente où acheter n’est possible si personne ne vend, la démocratie est impossible si elle ne rencontre aucun démocrate sur sa route pour l’acheter même si elle se vendait. Elle peut s’offrir gratuitement en principes mais ceux-ci vont tomber dans une trappe politique où ils deviennent inopérants par manque de démocrates dont ils seraient la source des incitations politiques. La corruption communautaire, la baisse de la qualité des leaders politiques, le monnayage de l’influence numérique et la préférence pour de vieux serviteurs de Paul Biya et d’anciens prisonniers politiques font les quatre choses qui ont marqué cette élection présidentielle au Cameroun.

Si le peuple (demos) a toujours raison et doit être respecté, il n’est pas interdit à un esprit libre d’houspiller le peuple ou de questionner la raison populaire qui peut aussi se fourvoyer par manque d’éducation et de culture politiques. Parlons de la corruption communautaire. Elle est une composante de la corruption généralisée qu’est le Cameroun sous le Renouveau National. Elle se manifeste notamment par le fait que le principe démocratique un Homme une voix est battu en brèche et à plate couture au Cameroun par le principe une communauté, un espace géographique et un leader ressortissant de ladite communauté.

On ne vote pas au Cameroun pour le projet ou pour l’intérêt national, mais pour un leader ressortissant de sa communauté ou, dans le cas contraire, en alliance politique explicite ou implicite avec celle-ci. C’est ce qui explique que le centre et le Sud, complètement paupérisés par le Biyaïsme, lui accordent toujours ses suffrages et que les militants du MRC aient voté pour Issa Tchiroma jugé plus apte à chasser Paul Biya et moins gênant que Cabral Libii pour une résurrection politique de Maurice Kamto. C’est là où le fédéralisme communautaire de Cabral Libii (que je ne partage pas malgré ma préférence pour ce candidat), devient intéressant.

Ce que j’appelle ici une corruption communautaire demeure une corruption uniquement dans une démocratie libérale avec laquelle la préférence et l’hégémonie communautaire est en contradiction. Elle cesse d’être une corruption avec ce qu’on peut appeler une démocratie communautaire suivant laquelle toutes les communautés camerounaises, en supposant que l’on sache strictement quelles sont leurs limites, accéderaient au pouvoir à tour de rôle dans une sorte de cycle démocratique entre les communautés.

Le Cameroun changerait ainsi de système politique et entrerait dans une démocratie communautaire ou un communautarisme démocratique qui en ferait un tout autre pays. Pour le moment ce qui se passe avec les communautés camerounaises dans un régime de démocratie libérale est de la corruption communautaire de la démocratie libérale.

L’autre tendance de cette élection présidentielle camerounaise est le monnayage de l’influence numérique. Ceux qu’on appelle désormais les influenceurs et les influenceuses jouent, depuis quelques années, un rôle trouble dans les périodes électorales en Afrique. J’analyse profondément cette dimension dans mon dernier ouvrage où je signale que, dorénavant, ceux des Africains qui ont de l’audience dans les réseaux sociaux, deviennent des acteurs politiques majeurs étant donné qu’ils se font payer par des candidats à la présidentielle pour propager de fausses nouvelles de façon à installer une orientation de l’évènement dans un sens favorable au leader politique dont ils deviennent ainsi les salariés. Désormais, chaque élection présidentielle en Afrique donne lieu à un essor à ce que j’appelle dans mes travaux une industrie numérique de l’influence où les fake-news se disputent la vedette avec le relifting numérique des corps des candidats rendus plus jeunes et plus beaux/belles par des manipulations numériques des images en circulation. Les pays africains et le Cameroun ont donc du pain sur la planche étant donné que le régime de la post-vérité qu’installe ces manipulations et ces influences numériques, rejaillissent avec un effet-turbo dévastateur (le buzz) sur le processus électoral réel et le perturbent. Plusieurs Camerounais connus de tous vivent aujourd’hui dans plusieurs pays à travers le monde sans avoir un travail officiel mais gagnent beaucoup d’argent en monnayant leur influence numérique auprès d’hommes et de groupes politiques locaux. Cela fausse l’élection présidentielle et augmente le risque-candidat étant donné que le candidat numériquement le plus célèbre peut s’avérer être réellement le plus risqué et le plus dangereux pour le pays.

Mon dernier constat, en liaison avec les autres au sens où il participe de la corruption du système, est la baisse drastique de la qualité des leaders politiques camerounais. Les votes des Camerounais en faveur de Tchiroma ne sont pas des votes d’adhésion à une personnalité ou à un projet politique qui n’existe pas. C’est un vote contre Biya. C’est un vote pour éliminer du pouvoir Biya et sa communauté. C’est un vote par défaut. Un vote moins pour sélectionner un projet d’avenir pour le Cameroun que pour éliminer les autres et le régime en place. En d’autres termes, celui qui a voté pour Tchiroma a moins sauté de joie à la perspective de vivre, via son acte, le projet de société de celui-ci que de sortir du Cameroun de Biya. Le régime camerounais en place a donc, le pouvoir étant productif comme nous l’enseigne Michel Foucault, entraîné une baisse à la fois des exigences de qualité du peuple camerounais et la baisse de la qualité des leaders politiques en place.

La preuve en est que le peuple camerounais est devenu modeste en rêvant de changer Biya par Tchiroma et en croyant gagner au change via un tel projet. Une autre preuve en est que les leaders politiques camerounais n’ont plus de valeurs non négociables et solides. Le célèbre économiste Albert Hirschman renseigne pourtant sur le fait que seuls les intérêts sont toujours négociables contrairement aux valeurs pour de vrais leaders. Via l’essor de la civilisation Yango, les leaders politiques changent de partis politiques comme un sapeur congolais changerait de vestes. Il en est ainsi parce que, contrairement à Um Nyobè, ces leaders politiques sans idéologies ni valeurs non négociables, considèrent que tout est achetable et tout vendable au Cameroun. Le cas Akeré Muna est assez révélateur de la politique buissonnière en vigueur et de cette civilisation Yango. Voilà un candidat qui, après chaque élection présidentielle, disparait de la scène politique nationale pour l’internationale, mais revient acheter l’investiture d’un parti à l’approche de chaque présidentielle au Cameroun pour poser sa candidature qui ne va jamais au bout de ses ambitions. Puis disparaît de nouveau pour réapparaître à la prochaine présidentielle en quête d'un parti véhicule de sa candidature. Quelle crédibilité avoir avec un tel comportement ?

La baisse de la qualité des leaders politiques camerounais est justifiée par le fait qu’on se retrouve en octobre 2025 avec les frères daltons en pole position politique. C’est-à-dire avec trois anciens prisonniers (Tchiroma-Ekane-Tchaméni) comme membres constitutifs de l’équipe choc sensée sauver le Cameroun du Biyaïsme. Avoir été en prison n’est pas toujours le signe d’une moralité douteuse et d’un comportement de hors-la loi. Nelson Mandela est la preuve que vouloir véritablement combattre un système impose parfois de passer par la case prison. Expérience carcérale qui deviendrait ainsi un indicateur de radicalité et de justesse dans le combat dans une dictature africaine. Cette façon de voir ne marche pas complètement pour le trio Tchiroma-Ekane-Tchaméni lorsqu’on se rend compte qu’ils ont été en prison par ce que condamnés pour atteinte à la sécurité de l’Etat du Cameroun. Tchiroma est un ancien putschiste du 6 avril 1984 sorti par Biya d’une exécution programmée à travers un deal politique. Ekane et Tchaméni ont été des chevilles ouvrières majeures des villes mortes des années camerounaises dites de braise en 1990. Ils sont aussi soupçonnés d’être d’anciens indics du régime en place.

L’affairisme, le racket des populations et la violence qui les caractérisent dans cette opération de Dead-Cities ne sont ignorés de personnes. N’avons-nous pas, dans le cas d’espèces, comme un certain raté du pinceau devenu un redoutable criminel politique après être passé par la prison du côté de l’Allemagne, des ratés politiques qui veulent prendre leur revanche sur le Cameroun ? Est-ce cela que le Cameroun a de meilleur sur le plan qualitatif pour construire l’avenir de ce pays ? Tant s’en faut pour ne pas en douter.

Thierry Amougou, prof. Université catholique de Louvain en Belgique. Dernier ouvrage publié : « Le risque-candidat en politique africaine – Cas du Cameroun, Afrique en miniature », 2025, Le Lys Bleu Editions.

 

 

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