CAMEROUN :: Le MRC peut-il investir un candidat à la présidence pour les élections de 2025 ? :: CAMEROON
© Correspondance : Dr. Bernard Ngalim | 10 Jun 2025 07:10:28 | 1099Que dit la loi électorale ? L'article 121 (2) du Code électoral dispose que « Le candidat présenté par un parti politique NON REPRÉSENTÉ à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans un conseil régional ou un conseil municipal » doit également fournir au moins 300 (trois cents) signatures requises d’un candidat indépendant. Cet article propose une lecture combinée du Code électoral, de la Constitution et de la loi régissant la création des partis politiques, en utilisant les règles d'interprétation juridique.
De longs débats sur l'éligibilité légale du MRC à investir un candidat tournent autour de la partie de la loi qui stipule : « un parti politique NON REPRÉSENTÉ… ». Que signifie la loi électorale par « parti politique non représenté » ? Malheureusement, la loi électorale ne donne aucune signification directe de cette expression.
Pour mieux comprendre ce terme, je me permets de le reformuler comme suit : seuls les partis politiques REPRÉSENTÉS aux différentes instances de gouvernance peuvent investir des candidats à l'élection présidentielle.
Le débat s'est intensifié depuis que d'anciens militants du SDF, élus conseillers municipaux, ont publiquement rejoint le MRC. Ces personnes ont été soit exclues par le SDF, soit ont démissionné et rejoint le MRC. Cela soulève la question de savoir s'ils représentent le MRC au sein des conseils où ils représentaient le SDF. Par ailleurs, les élus représentent-ils leur parti au sein des structures de gouvernance ? J'examinerai les dispositions constitutionnelles et juridiques pertinentes avant de tirer une conclusion.
Que signifie « parties représentées » ?
Le Code électoral conjugue le terme « représenter » au présent de l’indicatif, indiquant que l'éligibilité dépend de la représentation actuelle. Autrement dit, les partis politiques dont les membres siègent actuellement à ces instances peuvent présenter des candidats. La loi ne tient pas compte des actions passées dans les ès partis politiques, ni n'anticipe leurs actions futures. Elle se concentre sur leur capacité représentative actuelle.
Le terme « représenter » étant devenu significatif et déterminant, il est important de le définir. Les règles d'interprétation juridique suivantes, parmi d'autres, peuvent aider à comprendre le sens du terme « représenter » tel qu'il est utilisé dans le Code électoral.
Règles d'interprétation juridique
L'interprétation littérale : le terme doit être interprété selon son sens ordinaire. Le dictionnaire Larousse définit « représenter » comme « avoir reçu mandat pour agir au nom de quelqu'un, d'un groupe, défendre ses intérêts». Si la règle littérale ne fournit pas le sens approprié, on peut se tourner vers la règle d'or, qui exige de donner aux mots leur sens ordinaire, sauf si cela conduit à un résultat absurde. Si la règle d'or ne nous satisfait pas, on peut recourir à la règle du mal à corriger, qui exige d'examiner le défaut que la loi cherchait à corriger, et l'interprétation de ce terme doit chercher à le corriger, et non à l'aggraver. Si la règle du mal à corriger ne résout pas le problème, on peut envisager l'interprétation téléologique, qui met l'accent sur l'objectif global de la loi. Cela exige que l'interprétation s'efforce d'atteindre l'objectif de la création de la loi. Cela va au-delà du libellé de la loi.
La représentation est basée sur la participation ou la nomination aux élections passées
La loi dispose que seuls les partis représentés aux instances de gouvernance peuvent présenter des candidats à une élection présidentielle. La loi utilise le présent, ce qui signifie qu'elle fait référence aux conditions présentes et non aux situations passées.
Si le législateur avait voulu fonder l'éligibilité sur une participation ou une nomination passée, il l'aurait explicitement indiqué. Le terme « représenter » dans le texte est sans ambiguïté et satisfait à la règle d'interprétation littérale. Puisque l'interprétation littérale donne un sens clair et sans ambiguïté au terme, il n'est pas nécessaire de se référer à une autre règle d'interprétation.
Les élus représentent-ils leur parti politique d’origine dans les structures de gouvernance, même s’ils changent de parti par la suite ?
L'argument suivant suggère qu'une fois élu par le biais d’un parti politique, l'élu représente ce parti au sein des structures de gouvernance, même en cas de démission ou d’exclusion.
À la lecture des règles d'interprétation, il serait absurde d'appliquer ce raisonnement, car, selon le dictionnaire Larousse, « représenter » signifie « pour agir au nom de quelqu'un, d'un groupe, défendre les intérêts » du groupe représenté. Puisque la loi fait référence à la représentation actuelle, la représentation continue dépend de l'allégeance politique actuelle, et non de l'étiquette sous laquelle le représentant a été initialement élu. Peut-on parler ou agir au nom d'un groupe auquel on n'appartient pas ? Un parti politique permettrait-il à une personne ayant démissionné ayant été exclue de son parti et ayant changé de parti de le représenter ?
Liberté d'appartenir à un parti politique de son choix
Si le législateur avait voulu que lorsqu'un élu change de parti, il continue de représenter ce parti, cela serait contraire à la loi sur la création des partis politiques. L'article 3 de la loi régissant la création des partis politiques interdit l'adhésion obligatoire à un parti politique et le harcèlement en raison de l'appartenance à un tel parti. Si la loi impose aux élus qui changent de parti de représenter leur ancien parti, elle les contraint de fait à adhérer à ce parti. Cette restriction limite leur capacité à représenter leur nouveau parti, ce qui entraîne un harcèlement fondé sur leur nouvelle adhésion, qui est interdite par la loi sur la création des partis politiques. Cela concerne la validité des mandats impératifs, abordée ci-dessous.
Une autre hypothèse serait que demander à un responsable appartenant à un nouveau parti de représenter son ancien parti au sein des institutions gouvernementales impliquerait qu’il appartienne à deux partis politiques : le premier, son nouveau parti, et le second, son parti pour la représentation officielle. L'article 3 de la loi régissant la création des partis politiques l'interdit et stipule : « nul ne peut appartenir à plus d'un parti politique. » Suivant le sens ordinaire du terme « représentation » évoqué plus haut, peut-on représenter efficacement deux entités concurrentes ?
Le point de vue ci-dessus concorde avec la disposition constitutionnelle (article 15(3)) qui invalide les mandats impératifs. Cette disposition interdit aux partis politiques ou autres entités de contrôler le mandat des élus. Bien que cette disposition se trouve dans la section relative à l'Assemblée Nationale, les règles d'interprétation soutiennent son application plus large à d'autres sections de la Constitution du Cameroun.
Le canon du texte intégral exige que les lois soient lues comme un tout, et la règle d'interprétation harmonieuse appelle à la conciliation des dispositions apparemment contradictoires.
Ensemble, ces deux principes confortent l'idée que l'emplacement d'une disposition constitutionnelle n'empêche pas celle-ci de donner un sens à une autre disposition, dans la mesure où, lues conjointement, elles donnent un sens clair et sans ambiguïté à la loi.
Ce mécanisme d'interprétation clarifie le Code électoral et la Constitution lorsqu'ils sont lus conjointement. Une telle interprétation devrait reconnaître que la représentation est fondée sur l'affiliation actuelle et ne peut être imposée ou préservée par le parti d'origine. La disposition constitutionnelle qui précise que « chaque membre de l'Assemblée Nationale représente la nation entière » invalide l'argument selon lequel les élus doivent représenter leurs partis. Même si tel était le cas, l’argument en faveur de la représentation du parti d’origine tombe également à plat à la lumière des arguments ci-dessus.
Conclusion
Il est inconstitutionnel pour les partis politiques de représenter leurs partis au sein des structures de gouvernance.
Par conséquent, le MRC peut investir un candidat à l'élection présidentielle pour les raisons suivantes. Premièrement, les élus ayant adhéré au MRC sont désormais des militants du MRC et non de leurs anciens partis. La loi interdit la double appartenance politique, l'adhésion obligatoire et le harcèlement fondé sur l'appartenance à un parti.
Deuxièmement, le sens de la représentation montre qu'il est impossible de représenter une entité à laquelle on n'appartient pas. Par conséquent, leur présence au sein des structures de gouvernance constitue une représentation du MRC, et non de leur ancien parti. Ceci est de toute façon inconstitutionnel. On ne peut « représenter » que le groupe auquel on appartient. Parce qu'on ne peut représenter que le parti auquel on appartient actuellement, le MRC remplit les conditions légales pour présenter un candidat.
Leurs relations avec leurs anciens partis ont pris fin au moment où ils ont quitté le parti et, par conséquent, ils ne sont pas en mesure de représenter des partis auxquels ils n'appartiennent pas.
En fin de compte, ELECAM et le Conseil constitutionnel ont le dernier mot. La question est de savoir s'ils respecteront les règles d'interprétation juridique décrites ci-dessus.
* Dr. Bernard Ngalim est enseignant à l’Université d’Oregon aux USA et ses recherches se concentrent sur la liberté d'expression, le droit des TIC et le développement, ainsi que la participation publique et la gouvernance.
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