FRANCE :: DU CAILLOU DANS LA CHAUSSURE À L’EXCLUSION PROGRAMMÉE : QUI PORTERA LA RESPONSABILITÉ ?
© Solidarité Africaine de France : Guy Samuel Nyoumsi | 08 Jun 2025 16:02:52 | 2303Il est profondément troublant qu’au Cameroun, malgré le choix officiel de la démocratie comme mode de gouvernance, nous persistons à refuser d’en appliquer les fondements les plus élémentaires. Plutôt que d’instaurer un dialogue sincère entre les forces politiques, les partenaires sociaux et la société civile afin de définir des conditions électorales justes et acceptées de tous, nous nous enfermons dans des schémas opaques, des violences verbales, des exclusions ciblées.
Une simple concertation nationale pourrait suffire à établir un cadre commun pour garantir que la volonté du peuple soit respectée. Mais au lieu de cela, nous nous lançons dans des conjectures, des invectives, parfois même entre ceux qui reconnaissent, sans haine, que le président Paul Biya a fait son temps. Il devient alors plus facile d’attaquer les opposants que d’interroger la pertinence d’une énième candidature, à un âge où le principal concerné aspire à un retrait qui serait plus honorable qu’une obstination à briguer une nouvelle mandature.
En tant que l’un des chefs de mission d’observation électorale lors de la présidentielle d’octobre 2018, j’ai personnellement recommandé, avec d’autres observateurs indépendants, la révision urgente du code électoral camerounais. Ce code, archaïque et profondément inéquitable à bien des égards, est l’une des principales sources de la méfiance et de l’érosion du processus démocratique au Cameroun. Mais cette recommandation, comme tant d’autres avant elle, a été ignorée. Ceux qui ont fait le choix de ne pas agir devront, tôt ou tard, en porter la responsabilité. On ne peut éternellement fuir le débat et maquiller la vérité par le subterfuge de la stabilité. La démocratie n’est pas un décor, c’est une exigence !
Ce climat démocratique délétère devient encore plus inquiétant lorsqu’on observe le traitement réservé à certains opposants, non pas pour leurs idées, mais pour leur origine. Maurice Kamto, par exemple, cristallise une hostilité qu’aucune analyse rationnelle ne justifie. Pourquoi donc ce rejet viscéral ? Parce qu’il est Bamiléké ? Faut-il rappeler que cette communauté fut l’une des plus durement frappées par la répression coloniale et postcoloniale ? Durant les années 1950, dans certaines zones du pays, les Bamilékés devaient se munir d’un laissez-passer pour simplement circuler, notamment aux entrées de Yaoundé. Cette politique discriminatoire visait à contenir une population considérée comme trop rebelle, trop fière, trop engagée dans la lutte pour l’indépendance.
Le colonel Lamberton, alors chef des forces françaises, aurait même lâché cette phrase restée dans l’histoire comme une gifle raciste et prémonitoire : « Le Cameroun accèdera à l’indépendance avec les Bamilékés comme un caillou dans la chaussure. » Ce caillou-là, c’était la conscience d’un peuple qui refusait de courber l’échine face à la domination, et qui continue encore aujourd’hui à déranger ceux qui ont érigé le conformisme en vertu.
Mais cette mémoire douloureuse, loin de nous diviser, devrait nous enseigner l’humilité et le devoir de justice. Car stigmatiser encore aujourd’hui une communauté pour sa force d’organisation, son ambition ou sa résilience, c’est faire le jeu des oppresseurs d’hier. Le Cameroun ne gagnera ni en stabilité ni en paix tant qu’il continuera à refuser à certains le droit légitime de présider à ses destinées sous le prétexte d’une origine. Quelqu’un n’a-t-il pas dit un jour :
« Au Cameroun, le soleil se lève à l’Ouest » ? Une parole qui, bien loin d’une simple flatterie régionaliste, célébrait ce qui devrait être pour tous les Camerounais une fierté nationale : savoir que les fils de ce pays sont capables, ensemble, de construire une souveraineté économique, une sécurité collective et une préférence nationale éclairée. Cette déclaration, prononcée en pleine période de villes mortes, avait été faite par le président Paul Biya à Bafoussam. Et chacun sait que le président Biya ne s’est jamais distingué par des propos lancés à la légère. Ce qu’il disait là était profond, et mérite aujourd’hui encore d’être médité.
À l’heure où les dissensions artificielles et les intérêts égocentriques légitiment des actes qui n’honorent pas le Cameroun, où le tribalisme est attisé pour détourner l’attention des vrais problèmes, il est temps de rappeler que ceux qui ont privatisé la fortune publique ne peuvent se permettre de transformer les autres en boucs émissaires. Ce pays n’a pas besoin d’un nouveau caillou dans la chaussure : il a besoin d’un souffle neuf, de justice, d’unité et de courage politique. Le Cameroun ne sera véritablement debout que lorsque chaque citoyen, quelle que soit son ethnie, pourra prétendre à la magistrature suprême sans être humilié pour ses racines.
Guy Samuel Nyoumsi
Président de Solidarité Africaine de France
Auteur de "La tragédie muette de l’esclavage en Mauritanie"
Contact : gsnyoumsi@gmail.com
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