FRANCE :: LE ROLE DE L’ECRIVAIN DANS LA CITE AFRICAINE (CAS DU CAMEROUN)
© AFRIKSURSEINE : Romancier et Ecrivain Calvin DJOUARI | 29 Jul 2025 16:55:37 | 1157On a souvent voulu enfermer l’écrivain dans un rôle qui n’est pas toujours le sien : celui de l’opposant, du pourfendeur automatique du pouvoir politique. Or, le rapport entre l’écrivain et la politique est, et a toujours été, un rapport complexe, souvent ambigu, parfois volontairement distant. Tous les écrivains ne sont pas des militants. Tous ne brandissent pas leur plume comme une arme dirigée contre un régime ou un chef d’État. La littérature n’est pas le prolongement d’un discours politique. Elle est d’abord un art du langage, un acte de liberté. Et ce n’est pas une trahison : c’est une posture. Car l’écrivain n’est pas un soldat, il n’a pas d’uniforme idéologique, il n’a pas de parti, il a une voix. Ce que l’écrivain cherche, ce n’est pas le renversement d’un camp contre un autre. C’est la liberté de pensée. Et cela suffit déjà à troubler les pouvoirs. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’écrivain fait souvent plus peur aux puissants qu’un militaire. Il n’a pas besoin d’armes pour ébranler un régime ; une phrase suffit, une image, une vérité nue publiée. Alors, opposer le pouvoir n’est pas ma vocation première.
Mon rôle n’est pas de prendre position pour un camp, mais de poser des questions qui dérangent tous les camps. Parce que je ne suis pas un tribun mais un guetteur qui interprète le réel dans un monde trop plein de lumière artificielle. L’écrivain n’est pas là pour trancher le débat politique, mais d’élever le débat moral. L’écrivain est un éclaireur, un miroir, un intercesseur entre les faits. Il n’impose pas, il propose. Il ne s’aligne pas, il éduque. Là où l’homme politique est enfermé dans les contraintes du réel, urgences, compromis, l’écrivain peut encore rêver, inventer, tordre la vie pour en faire émerger une vérité plus grande. Quand la ville est sale, le politique prend la pelle, mais l’écrivain, lui, prend la métaphore. Et dans cette différence, il n’y a ni supériorité, ni faiblesse, seulement deux rôles complémentaires. L’un agit sur le visible, l’autre sur l’invisible. Bien sûr, l’écrivain doit s’impliquer quelquefois. Il ne peut vivre dans une bulle esthétique, aveugle aux injustices de son époque.
Mais il ne peut non plus se réduire à une pancarte électorale. Son exigence d’art, son goût de la nuance, sa fidélité au doute, le tiennent à distance des slogans. Soutenir l’opposition n’est donc pas une obligation morale pour l’écrivain. L’expérience que beaucoup ont faite de certains opposants est aussi douloureuse que celle du pouvoir en place. J’ai connu des gens depuis 35 ans qui s’opposent par posture, iconoclastes par ressentiment, revêches, par nature. Et dans un pays comme le Cameroun, où l’on vote trop souvent pour un prénom, un village ou une lignée plutôt que pour une vision, la responsabilité de l’écrivain est de ne pas tomber dans ce piège affectif. L’écrivain observe, interroge, il doute. Et s’il prend parti, c’est d’abord pour l’Homme. Car publier, c’est déjà s’engager. Avec mes écrits j’offre une parole au monde.
C’est prendre le risque d’être lu, contesté, critiqué, admiré. Dans ce geste, il y a déjà un acte politique profond au sens noble du mot. Car l’écrivain, comme l’homme politique, est un recours pour la société, surtout quand celle-ci tangue, chancelle, ou se ment à elle-même. L’un agit sur les lois, l’autre sur les consciences. Et si le politique échoue, il revient parfois à l’écrivain de ramasser les morceaux, non pour les recoller, mais pour en faire une œuvre. L’écrivain, au fond, n’est pas un homme carré. Il est traversé de doutes, d’élans, de contradictions. Mais c’est peut-être cela, sa force : il n’est pas là pour dominer le monde, mais pour en révéler la profondeur. Et cela, aucun régime ne peut vraiment le contenir.
Au Cameroun, l’écrivain évolue dans un paysage social chargé d’attentes, de frustrations et de malentendus. On voudrait qu’il soit à la fois chroniqueur de l’injustice, porte-voix de l’opprimé, et tribunal permanent du régime. Mais cette attente souvent sincère, parfois intéressée tend à réduire l’écriture à une fonction utilitaire, comme si la plume devait impérativement servir une ligne de combat. Or, dans un pays où l’espace public est saturé de bruits, de slogans, de violences symboliques, la voix de l’écrivain n’a de valeur que si elle résiste à la cacophonie, en gardant sa profondeur, sa lenteur, son humanité. L’écrivain camerounais n’est pas un porte-drapeau. Il est une conscience en mouvement, une lucidité à contretemps, un marcheur dans les zones grises. Il n’est pas là pour clamer : « voici mon camp », mais pour oser dire : « voilà ce qui dérange ». Il se tient souvent seul, entre le silence pesant du pouvoir et les impatiences parfois brutales de la rue.
C’est pourquoi, dans notre pays, l’écrivain doit garder une distance critique aussi bien vis-à-vis du pouvoir que de l’opposition. Car ici, l’opposition n’est pas toujours synonyme de vertu, ni le pouvoir de mal absolu. Il y a des figures respectables dans les deux camps, et des imposteurs dans les deux aussi. L’écrivain ne doit pas se laisser piéger par les alliances faciles ou les fidélités aveugles. Son engagement n’est pas partisan, il est éthique. Il ne vote pas pour un prénom ou une région, mais pour une idée de l’humain, pour une vision de la justice, de la beauté, du sens. Ce qui importe, ce n’est pas qu’il soutienne un leader, mais qu’il soutienne la dignité. Dans un pays où l’on confond trop souvent tribune politique et parole littéraire, l’écrivain doit rappeler que penser, c’est déjà résister non contre quelqu’un, mais pour quelque chose de plus grand que les hommes : la vérité.
C’est dans cette posture singulière, libre et insaisissable que réside ma façon de faire. C’est dire que dans un monde saturé de discours binaires, de jugements tranchés, et de positions rigides, l’écrivain est celui qui doute encore, qui tremble dans sa vérité, qui préfère la certitude à la victoire. Sa parole est précieuse non parce qu’elle crie fort, mais parce qu’elle creuse profond.
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