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© Camer.be : Rév. Joël Hervé BOUDJA
- 19 Mar 2023 11:28:24
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FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 19 MARS 2023 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
Quatrième dimanche du carême
Textes : 1 Samuel 16, 1-13 ; Ephésiens 5, 8-14 ; Jean 9, 1-41
Durant tout le ministère public de Jésus, les Pharisiens et les chefs juifs ne cessent de lui tendre des pièges. Ils cherchent tous les moyens pour l’accuser. Aujourd’hui encore, dans l’évangile selon Jean, nous assistons à une controverse entre les Pharisiens et Jésus. Nous pouvons même dire, un grand combat entre « voyants » et « non-voyants ».
Tout commence par la guérison d’un aveugle de naissance. Comprenez bien, être aveugle, ce n’est pas une situation facile. La cécité contraint l’homme à vivre totalement dépendant – dépendant des autres – dépendant pour sa nourriture – dépendant pour tout. D’une certaine manière un aveugle, c’est un pauvre !
Au temps de Jésus, un aveugle était considéré non seulement comme quelqu’un qui avait une infirmité corporelle, mais aussi comme quelqu’un qui avait été châtié par Dieu. C’est pour cette raison que les disciples, en voyant l’aveugle, ont demandé tout de suite à Jésus : « qui a péché, est-ce lui ou bien ses parents ?» Pour Jésus, il en est tout autre : être né aveugle, n’est pas, en effet, un châtiment de Dieu. Au contraire, Dieu veut que tout homme soit libéré de toute situation malheureuse et jouisse de la lumière.
Jésus, dans sa bienveillance, voit un homme dans une situation concrète difficile, un aveugle, quelqu’un qui vit dans les ténèbres. Il l’a libéré de sa misère, de son aveuglement. Grâce à l’intervention de Jésus, cet homme a retrouvé la vue, mais, cette guérison s’est réalisée un jour de Sabbat. Un tel événement aurait dû susciter la joie, l’admiration de tout le monde. Eh bien non, tel n’a pas été le cas !
Ce miracle n’a pas fait l’unanimité chez les juifs, les avis se partagent. Au lieu de rendre gloire à Dieu pour ses bienfaits, les Pharisiens et les chefs des juifs, enfermés dans leur vision étroite d’une religion formaliste, s’offusquent contre Jésus. Ils prennent prétexte de ce miracle pour accuser Jésus de ne pas respecter le jour du repos, le jour du sabbat ! Ils vont même jusqu’à affirmer que « Jésus ne vient pas de Dieu ».
L’événement prend un caractère officiel à cause de l’infraction à l’observance religieuse du Sabbat. Ils oublient que : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. » Ils ignorent que « le Fils de l’homme est maître même du sabbat. » Mc 2, 27- 28. La guérison de l’aveugle-né devient source d’hostilité, prélude à la nuit de la trahison, au procès des Chefs juifs contre Jésus, à la condamnation et à la mort.
L’heure des ténèbres durant laquelle le Fils de l’homme sera rejeté même par les siens s’annonce ! Cependant, nous devons comprendre, qu’en dépit des oppositions humaines, ce miracle – cette guérison – est un signe qui manifeste le triomphe de Jésus, lumière du monde sur les forces du mal, sur les ténèbres de ce monde. Dans le début de cet Évangile, Jésus nous le dit : « Tant que je suis dans le monde, je suis la Lumière du monde. »
Jésus, en ouvrant les yeux de l’aveugle, se manifeste comme la lumière du monde. Les pharisiens et les chefs des juifs devaient le comprendre et reconnaître que Celui qui agit ainsi « vient de Dieu », qu’il est bien le Fils de Dieu, « l’envoyé » … Pourtant, leurs cœurs restent endurcis, ils ne laissent pas pénétrer la « vraie Lumière » de la Parole de Dieu en eux.
Nous sommes face à la réaction de ceux qui ne s’ouvrent pas à l’action de Dieu. Comme nous le dit l’évangéliste Jean dans le prologue de son évangile : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie.» Face à leur endurcissement, à leur « aveuglement » spirituel, Jésus leur dit : « Je suis venu en ce monde pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
La suffisance, rend le cœur de l’être humain réfractaire à la lumière de Dieu. Ceux qui croient voir et tout savoir, c’est-à-dire les orgueilleux, les autosuffisants, n’arrivent pas au salut et demeurent dans les ténèbres ! La preuve en est dans l’Évangile de ce jour, les chefs des juifs sont aveuglés par l’orgueil, enfermés dans leur stricte vision religieuse, insensible à l’égard des douleurs humaines. Ils étaient incapables de comprendre et d’admettre que Jésus est le Fils de Dieu, la Lumière du monde.
Ceux qui croient ne pas voir, parce qu’ils sont conscients de leur cécité, de leur pauvreté, c’est-à-dire les humbles, obtiennent la lumière de la vie. L’homme né aveugle a donné la preuve, que nous ne pouvons avoir la lumière de la vie qu’en acceptant, par notre foi, la personne de Jésus. L’évangile d’aujourd’hui nous prouve, une fois encore, que Jésus est venu épouser notre condition humaine afin de nous associer à sa Lumière.
En ouvrant les yeux de l’aveugle-né, Jésus nous révèle qu’il est la Lumière du monde et que celui qui croit en lui vient à la lumière. Il est venu, parmi nous, afin de nous faire sortir de notre cécité, de nos aveuglements, à tous et à chacun ! A l’instar de l’aveugle-né, nous sommes invités en ce temps de carême à confesser et à témoigner que le Christ est la Lumière véritable. Prenons la résolution de laisser notre foi évoluer à la lumière de Pâques.
Frères et Sœurs,
Pour vivre de la tendresse de Dieu, nous avons, nous aussi, à aller nous baigner dans la piscine de Siloé.
Sommes-nous finalement si différents de l'aveugle-né ? Je ne le pense pas. Nous avons également nos propres aveuglements. En effet, tant de choses peuvent nous aveugler et ce, qu'elles soient heureuses ou non. Ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ? Même si certains affirmeront que le mariage rend la vue. Mais au-delà de cette dernière remarque perfide, je dois reconnaître que, dans la vie, il y a tant de choses qui peuvent participer à mon propre aveuglement : je peux, par exemple, subir l'influence du groupe auquel j'appartiens et qui peut m'empêcher de dire ce que je pense en vérité par peur d'être rejeté alors que les attitudes de ce même groupe sont peu respectueuses d'autres personnes.
Je peux aussi être aveuglé par le rythme fou de la vie qui m'empêche de penser et donc de voir la réalité en face. La quête du pouvoir, la recherche effrénée de plaisirs immédiats, une volonté d'ignorance, une certaine routine, toutes ces attitudes peuvent également participer à notre aveuglement quotidien. Alors aujourd'hui Jésus, tout comme dans l'évangile, vient vers nous et nous invite à aller nous laver à la piscine de Siloé, c'est-à-dire à accepter d'entrer dans une démarche de « désaveuglement ».
Être désaveuglés de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, être désaveuglés de toutes ces petites limites qui nous constituent et qui font partie intégrante de notre être. Ces limites sont d'une certaine manière tous nos petits travers, nos distractions, nos énervements, nos ronchonnements qui iront jusqu'à parfois faire sourire les autres de nous voir capables de nous encombrer l'esprit de tant de petits détails inutiles.
Au fil de la vie, ils deviennent comme des écailles venant se placer sur nos yeux et peu à peu, ils nous aveuglent. D'une certaine façon, ils constituent les zones ténébreuses de notre cœur, c'est-à-dire ce que nous repoussons dans nos coins intérieurs en essayant de les oublier. Ce sont tous ces petits faits et gestes, souvent anodins, qui traversent nos existences et qui nous encombrent.
Il ne s'agit pas comme tel des manques d'amour, appelés communément péchés, qui conduisent à nous exclure de l'Alliance avec Dieu et qui demandent de notre part un véritable chemin de réconciliation. Non, il s'agit plutôt de nos petits travers de tous les jours qui peuvent nous empoisonner l'existence et dont il est bon de se débarrasser de temps en temps en allant les déposer au pied de la Croix du Christ.
Quant à nous, il ne nous reste qu'à aller nous plonger dans la piscine de Siloé pour nous désaveugler et entrer ainsi dans la Lumière promise. Amen