PREDICATION DU DIMANCHE 07 AOUT 2022  Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 07 AOUT 2022 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA

Textes : Ezéchiel 33, 10-16 ; Hébreux 11, 1-19 ; Luc 12, 32-48

Thème : La crainte, la foi et la fidélité

Nous sommes au cœur des vacances. Pour certains d’entre nous, cette période estivale est synonyme de relâche et de légitime repos, une période durant laquelle nous prenons le temps de quitter un peu la rentabilité, le faire, les soucis quotidiens… Il y a donc une certaine ironie—au cœur de cet été— d’entendre cette invitation de l’évangile à être prêts, actifs, disponibles, en tenue de service…  Et pour être dans une telle attitude, l’évangile nous invite en plus à être sans crainte : « Sois sans crainte, petit troupeau » !

Mais est-ce vraiment réaliste ? Nous le savons, nos peurs, nos phobies et nos craintes ne se choisissent pas. Elles sont parfois irrationnelles, sans objet, et s’imposent bien souvent à nous. Elles sont autant de réactions qui nous dépassent et nous submergent. Alors pouvons-nous vraiment décider ce qui par essence ne se choisit pas ? Pouvons-nous réellement faire le choix d’être sans crainte ? Cette invitation est-elle finalement crédible ?

La crainte dont il question dans cet évangile est en fait l’opposé de la foi. La crainte est bien l’absence de foi. En ce sens, être sans crainte, c’est suivre l’attitude de la confiance qui voit la vie comme un don, un trésor qui nous est donné à chaque instant. C’est l’attitude du Christ, qui se reçoit entièrement de son Père. Voilà ce qu’il nous faut cultiver, jour après jour. Découvrir que nous ne nous appartenons pas.

Bien entendu, nos peurs touchent ce qui nous est précieux et tout ce nous pouvons perdre… Mais la foi —au milieu de toutes ces peurs bien compréhensibles— nous fait découvrir qu’en Dieu, il est un trésor qu’on ne peut pas perdre. La foi, nous dit la lettre aux Hébreux, est cette « façon de posséder ce que l’on espère », ce « moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas ». Dans la foi, nous découvrons que se trouve en Dieu ce qui semble hors de notre portée, à vue humaine…

La question que l’évangile nous pose aujourd’hui est donc la plus cruciale et radicale qui soit. Elle n’est pas là pour nous culpabiliser, mais pour ouvrir nos yeux. Nous inviter à viser haut ! À quoi nous attachons-nous vraiment ? Où se situe notre vrai désir, c’est-à-dire notre trésor, notre bien le plus précieux ? Quel est le réel moteur de nos actions ?

Pour découvrir de la sorte notre véritable trésor, regardons la lampe de notre cœur. Toutes et tous, nous avons au fond de nous comme une lampe divine. Comme tabernacles de la présence de Dieu sur terre, nous avons tous une lampe de notre sanctuaire intérieur, qui éclaire ce qui est pour nous le plus essentiel… Qu’éclaire-t-elle, cette lampe ? Quel est véritablement notre trésor, le moteur de nos désirs, la source de notre énergie ? Quel est notre vrai combat ? Qu’est ce qui veille au plus profond de nous et qui est la source de nos désirs ? L’avoir, le pouvoir, le paraître ? Est-ce la sécurité affective, financière ? La reconnaissance, la connaissance, la justice ?

Face à cette question, l’évangile ne nous confronte pas seulement à nos priorités, mais éclaire ce qui est premier au fond de nous ! Vous l’avez sans doute remarqué : Jésus ne dit pas : « Faites-vous un trésor inépuisable, et vous recevrez ensuite le royaume ». Il inverse la dynamique. Si nous prenons le texte de l’évangile, le mouvement est autre. « Votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume », « faites-vous ensuite un trésor ». Ce qui est premier, c’est bien le don de Dieu. En ce sens, ce que nous cherchons —dans la foi et la prière— nous est mystérieusement et paradoxalement déjà donné. Alors, si le royaume nous est déjà offert, où se situe notre cœur ? Est-ce dans ce Royaume qui nous est donné ? Où dans les petits royaumes narcissiques que nous nous construisons nous-mêmes, et que le temps effacera bien vite ?

Pour découvrir notre vrai trésor, à nous de regarder toutes les clés de ce que nous sommes, en ayant la conviction que le bien le plus précieux est réellement au fond de nous ! Nous n’avons pas à le mériter, seulement à nous rendre disponible pour le recevoir…

Car, si le Seigneur possède bien des clefs, il en est une dont, par amour, par respect de notre liberté, il a tenu à se dessaisir : celle de la porte de notre cœur...  Loin de nos peurs qui nous enferment, à nous de découvrir dans notre cœur ce trésor inespéré, que personne ne pourra nous prendre.

Bien-aimés dans le seigneur,

Il y a un peu plus d'un an, à la sortie d'un culte dominical, une dame âgée de plus de quatre-vingts ans me posa la question suivante : " Pasteur, que pensez-vous de la fidélité ? ". J'ai d'abord sursauté me demandant si elle avait été rattrapée par le démon de minuit puis m'étonnant de sa question, je lui répondis également par une question : " pourquoi me demandez-vous cela Madame ? ".

Sa réponse fut cinglante : " voyez-vous, Pasteur, depuis bientôt un peu plus de cinq ans mon mari est atteint de la maladie d'Alzheimer. Nous avons eu six enfants ensemble et il ne se rappelle plus de rien. Il vit toujours à la maison et je vous assure que ce n'est pas évident. Ce matin encore lorsque je suis descendue, il m'a regardé et m'a dit : " que faites-vous dans ma maison Madame, je vous prie de sortir ? ".

C'est dur d'entendre de tels mots de la bouche de l'homme que j'ai aimé. Son corps est toujours là mais son esprit n'est plus présent. Je suis à bout de force. Alors Pasteur, je vous repose ma question : dans ma situation, qu'est-ce que cela veut encore dire d'être fidèle ?

" Je suis resté, sans voix, sans réponse. Et je lui ai demandé de me laisser quelque temps pour réfléchir. Quinze jours après cette conversation, elle est tombée chez elle et un mois plus tard, elle s'est endormie dans la mort sans que je n’aie pu lui répondre. Et je ne suis pas sûr à ce jour que j'aurais pu lui proposer une réponse satisfaisante.

En effet, la fidélité est un concept qu'il n'est plus aisé de définir dans une société comme la nôtre où le temps a été griffé à l'instar d'un vieux disque vinyle, vous savez : l'ancêtre de nos CDs d'aujourd'hui. Un peu comme si le temps devait tourner sur lui-même, ne plus avancer car seul l'éphémère a encore droit de citer.

La fidélité vit des heures difficiles là où il est important que le temps ne dure jamais trop longtemps tellement nous risquons de nous lasser de l'instant présent. Voici un exemple illustrant cette affirmation. Toutes et tous, lors de certains achats, nous faisons l'expérience de découvrir qu'avant même avoir payé le bien acquis, celui-ci est déjà techniquement dépassé. Nous volons alors de désirs en désirs, d'immédiateté en immédiateté sans plus laisser du temps au temps. Or la fidélité ne peut exister que dans l'espace-temps. Sans ce dernier, elle s'estompe, elle se meurt. Dans cette partie du monde, celle où nous vivons, tout est fait pour que nous puissions nous anesthésier de la vie, c'est-à-dire ne plus prendre conscience du temps qui s'écoule grâce à tous ces faux-semblants qui prétendent nous conduire à des bonheurs plus grands mais toujours éphémères.

Vivre de la sorte, c'est d'une certaine manière se croire immortels. Nous allons de cycles de vie en cycles de vie. Or Dieu, par la venue de son Fils ne nous convie pas à l'immortalité mais plutôt à l'éternité. Le temps du Dieu de Jésus-Christ n'est pas cyclique mais linéaire. Pour chacune et chacun de nous, nous sommes entrés dans le temps de Dieu par notre conception. Nous vivons nos vies en les inscrivant dans le temps de l'histoire de l'humanité et la mort est pour nous l'entrée dans une vie éternelle. Ainsi la fidélité conduit bien à l'éternité, don divin par excellence. Dieu attend de nous que nous soyons des êtres fidèles à cette foi qui nous habite et nous anime.

D'ailleurs, foi et fidélité ne sont-ils pas synonymes dans leurs racines ? Comme si la foi ne pouvait exister sans fidélité. Une fidélité qui pourra être traversée de doute, de questionnements. Une fidélité qui ne se nourrit pas seulement de bons sentiments. Elle exige une bonne dose de courage, quelques pincées de ténacité, le tout assaisonné de confiance et de volonté. Et elle se réalise dans l'amour. La fidélité n'est pas une attitude statique, la fidélité est une aventure. Celle de la vie, celle de Dieu. C'est pourquoi, Jésus nous dit en ce jour : " restez en tenue de service, gardez vos lampes allumées, soyez en train de veiller, tenez-vous prêts ". De cette fidélité à vivre, nous avons la promesse du don de l'éternité où Dieu nous servira chacun à notre tour. Alors, il nous laisse avec ces questions : immédiateté ou fidélité ? immortalité ou éternité ? C'est en répondant correctement à cette question, que nous pourrons-nous dire les uns aux autres : heureux sommes-nous car nous sommes devenus des aventuriers de la vie, des aventuriers de Dieu.

Amen.

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