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© Intégration : Jean-René Meva’a Amougou
- 07 Jun 2022 11:03:57
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RUSSIE :: Rencontre Macky Sall-Vladimir Poutine: trois leçons :: RUSSIA
Macky Sall en Russie vendredi dernier. En annonçant sa rencontre avec Vladimir Poutine, la présidence sénégalaise avait déjà donné l’allure de poème à l’ordre du jour: «discuter de la guerre en Ukraine, notamment du blocage des exportations de céréales de ce pays vers l'Afrique». La manœuvre était suffisamment significative pour souligner la préoccupation première et actuelle de tout un continent: «cette visite qui fait suite à la réunion du Bureau élargi de l’Union africaine le 10 mai 2022, s’inscrit dans le cadre des efforts que mène la Présidence en exercice de l’Union pour contribuer à l’accalmie dans la guerre en Ukraine, et à la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains», avait fait savoir la présidence.
S'il y a bien une première leçon à retenir de cette visite du président sénégalais en Russie, c'est que la situation est grave et n’augure pas de perspectives brillantes pour l’Afrique. «Le continent pourrait plonger dans la stagflation, une combinaison de croissance lente et d'inflation», a alerté Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), qui vient de publier ses nouvelles prévisions économiques.
On apprend que le PIB africain devrait croître de 4,1 % en 2022 mais avec une inflation qui va accélérer à 13,5 %, sous la pression des prix des matières premières, de l'énergie et des denrées alimentaires. La BAD craint autre chose: «la flambée des prix des engrais – principalement produits en Russie, en Ukraine et en Biélorussie – pourrait provoquer un effondrement de 20 à 50% des rendements céréaliers en Afrique cette année», a-t-elle projeté. Seconde leçon: face à ce que l’Onu appelle «possible ouragan de famine», tous les pays du continent parlent enfin d’une même voix.
«Nous avons reçu mandat de l’Afrique pour aller à Moscou et à Kiev pour demander au président Vladimir Poutine de créer les conditions qui permettront à l’Ukraine d’exporter ses graines dont nous avons besoin, mais également pour que certaines sanctions infligées à la Russie soient levées. Cela va nous permettre de commercer avec elle et d’acheter des fertilisants indispensables pour notre agriculture», a déclaré Macky Sall lors de la cérémonie officielle d’ouverture de la 54e session de la Commission économique pour l’Afrique tenue du 11 au 17 mai dernier au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) de Dakar.
Troisième et dernière leçon: en débarquant à Moscou, Macky Sall porte la voix d’une Afrique qui joue les équilibristes. Tiraillé entre le regard de l’Union européenne et le besoin de ménager ses relations avec la Russie, voici un continent à la fois dans une démarche offensive et défensive. Au-dessus de sa tête, l’Europe qui lui en veut de n’avoir pas voté pour elle, et sous ses pieds, Moscou qui lui rappelle qu’il reste son meilleur amant. Dans ce contexte, aller à Moscou peut sembler une solution pragmatique. Sauf que, même si M. Poutine veut «percer» en Afrique, il reste libre de donner suite ou pas aux suppliques africaines.