Invitation au village : la maxime du palmier à huile 
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« Mon cher Koffi, la maxime du palmier à huile te questionne au plus haut point. Tu es appelé à occuper un poste de responsabilité. De plus, tu hérites du trône d’Adoumkrom, village que tu as vocation à gouverner ». Ainsi parlait Nanan Ban Kouadjo, chef du village d’Adoumkrom, une véritable bibliothèque vivante, comme l’entendait Amadou Hampâté Bâ.  Sa Majesté Nanan Ban Kouadjo s’adresse ici à son petit-fils Koffi, un jeune intellectuel plein de ressources qui vient de décrocher son doctorat en Sciences politiques. La vie sourit au jeune Koffi, avec de grandes responsabilités en perspective, professionnelles, certes, mais aussi coutumières. Il est appelé à hériter du trône, telle est la volonté du chef Nanan Ban Kouadjo, son grand-père qui sent sa santé décliner de plus en plus vers la dernière heure. Comme souvent en ces circonstances, le grand homme est préoccupé par sa succession. Qu’adviendra-t-il de son peuple, de son royaume, de l’œuvre accomplie durant son règne ? Son légataire saura-t-il se montrer bon envers ses sujets ? Sera-t-il un homme sage, vertueux ? Car comme l’enseigne la maxime du palmier à huile, « C’est les palmes qui font la force du palmier ». Ces palmes qui puisent dans la sève du tronc pour s’alimenter à satiété, sont toujours robustes et toutes vertes même en période de canicule. Et le chef Kouadjo d’expliquer à son dauphin qu’en reconnaissance de sa générosité, de son attention matriarcale, mère couveuse et nourricière, les palmes font vœu de loyauté et restent dévoués jusqu’à l’ultime sacrifice à leur reine, la palmière, et ce même après sa mort, même après qu’elle ait été abattue.

On le sait, les palmes du palmier ou les souches qu’il en reste forment autour du tronc une véritable cuirasse épineuse, qui fait que même le bûcheron le plus aguerri, le cueilleur de vin ou de noix doit réfléchir par deux fois avant de pouvoir l’affronter. Les épines des palmes du palmier à huile sont d’ailleurs des plus redoutés dans les campagnes africaines. A la moindre négligence, le malheureux paysan qui s’est fait piquer peut voir la « morsure » dégénérer rapidement en une lésion suppuré, d’une douleur lancinante, qui peut occasionner une sorte d’abcès susceptible de nous compliquer la vie pendant plusieurs semaines, avec en prime la fièvre et les ganglions qui vont avec. Nous avons mentionné le mot « morsure », c’est une transition idoine pour une autre mise en garde : les palmes ou les souches cornées qu’il en résulte ne sont pas étroitement collées au tronc. Elles laissent comme à dessein un petit creux dans lequel se nichent souvent de petits et parfois gros serpents, qui sont des consommateurs invétérés des noix du palmier à huile, et qui deviennent eux aussi de facto des « gardiens du temple ». Ainsi, il peut arriver à un paysan de dégringoler de son échelle (Aïe le dos !), si, monté là-haut pour couper un régime de noix, il se retrouve nez à nez avec un mamba qui de sa langue fourchue l’invite avec insistance à venir faire bisou bisou.

Le palmier à huile est protégé comme un chef, c’est le cas de le dire. Et le chef Kouadjo a raison de s’en inspirer justement pour l’initiation du jeune Koffi, destiné aux commandes de son peuple. Il dit : « C’est en reconnaissance de sa générosité, de sa bonté et surtout à son sens de l’équipe que ses palmes lui vouent [au palmier] un attachement, une loyauté et une fidélité sans réserve. […] Un chef qui sait faire preuve de modestie, d’humilité et de bienveillance est assuré de pouvoir compter sur le zèle, la loyauté et la fidélité de ceux qu’il dirige pour mener à bien sa mission. »

C’est au total trente-deux enseignements, trente-deux proverbes savamment développés qui seront ainsi dispensés en autant de soirs au jeune Koffi par le chef Nanan Ban Kouadjo. « Le vieil homme estime qu’à son petit-fils qui n’a reçu que des connaissances purement académiques, il manque un atout essentiel pour affronter les réalités de la vie : la sagesse. » Précisons ici « la sagesse africaine ». Fodjo Kadjo Abo, l’auteur de l’œuvre (Mon grand-père me disait…) nous apprend dans l’avant-propos qu’ « après un peu plus d’un mois de séjour à Adoumkrom, Koffi repart à Abidjan muni d’un répertoire de trente-deux proverbes dont la signification et la moralité sont résumés dans cet ouvrage qui se veut un livre d’initiation à la sagesse. »

A partir de là, pour ceux qui comme nous autres aiment jouer à trouver la clef de l’énigme, il ne nous reste plus qu’une inconnue à cette équation, c’est le jeune Koffi, qu’il nous tarde de découvrir dans l’univers des possibles. Vérification faite, nous avons en effet appris qu’Adoumkrom est un village réel, qui existe bel et bien sur la carte territoriale de la Côte d’Ivoire ; et devinez qui en est le chef… Nanan Fodjo Ababio, Fodjo Kadjo Abo à l’état civil, qui n’est autre que le dépositaire de l’œuvre, Mon grand-père me disait…, ouvrage dans lequel le chef Nanan Ban Kouadjo tient vraisemblablement le rôle de l’auteur dans la vraie vie, du moins celui de chef du village d’Adoumkrom, car Fodjo Kadjo Abo a aussi une autre casquette, celle de magistrat hors hiérarchie.

Approché pendant la préparation de cette chronique, l’écrivain-magistrat nous renseigne que son village natal, Adoumkrom, est un village du nord-est de la Côte d’Ivoire, situé dans la sous-préfecture d’Appimandoum, le département de Bondoukou, la région du Gontougo et le district du Zanzan.

Et voici pour vous une petite carte touristique du village Adoumkrom. C’est une invitation au voyage !

GÉNÉRALITÉS

L’agglomération d'Adoumkrom est situé à 1,5 km au sud de Krébio Kessé, à 3,5 km au nord de Domiambra, à 2 km à l’est de Yakassé Akidom et à 3,5 km à l’ouest de Koffitiakrom, premier village ghanéen après la frontière ivoiro-ghanéenne. Sur le plan coutumier, il appartient au canton Ahinvié, ayant pour chef-lieu Zanzan, par ailleurs premier village abron en côte d’ivoire. Avec une superficie de 1,17 km2, Adoumkrom est peuplé de 1011 habitants selon le recensement de 2021. Il dispose d’une école primaire publique fondée en 1960.

HISTOIRE D’ADOUMKROM

Les habitants d’Adoumkrom sont originaires de Zanzan, village historique situé à 12 km de Bondoukou. À la recherche de terres arables, ils se sont établis à Krébio, en zone forestière, où ils pratiquaient la culture de colatiers.

Leurs plantations étaient loin de cette localité, ce qui était pour eux une grande préoccupation. Pour s’approcher de la sienne, Koffi Adoum créa un campement à proximité de la rivière Tchrébio, qui a donné son nom à Krébio. Il fut rejoint par les autres ressortissants de zanzan. Très vite, son campement se développa et devint un village.

Le nom de ce village dérive de celui de son fondateur, Koffi Adoum, dont le père est natif de Krébio. Krom qui veut dire village en langue bron (ou abron), Adoumkrom signifie le village d’Adoum.

CHEFFERIE DU VILLAGE

Adoumkrom a pour chef Nanan Fodjo Ababio, connu à l’état civil sous le nom Fodjo Kadjo Abo. Intronisé le 17 août 2019, il est assisté dans l’accomplissement de ses missions par des notables ayant tous prêté serment conformément à la coutume abron.

Depuis octobre 2021, le village dispose d’un nouveau palais de la chefferie d’une capacité de 450 places. Toutefois, la célébration du culte traditionnel lors de la fête de l’igname et certaines cérémonies ont lieu dans l’ancien palais de la chefferie.

Dans ses efforts de développement du village, la chefferie bénéficie de la contribution de Kahi-Dabi, la mutuelle de développement économique, social et culturel d’Adoumkrom, créée en 1979.

ACTIVITES ECONOMIQUES

Adoumkrom est un village agricole. On y pratique des cultures vivrières et des cultures de rente.

Les principales cultures vivrières sont l’igname, la banane, le taro, le manioc et le maïs. Les cultures de rente étaient anciennement constituées de colatiers ; à l’époque, le commerce de cola entre le royaume abron et celui du Soudan, dans l’actuel Mali, était très florissant.

Avec le temps, la cola a perdu sa primauté au profit du café et du cacao. Aujourd’hui, comme dans presque tout le district du Zanzan, l’anacarde est la principale culture de rente pratiquée dans ce village.

CULTURE

Les habitants d’Adoumkrom, connus pour leur attachement aux traditions ancestrales, parlent exclusivement le bron, appelé abron par déformation administrative. Chaque année, la fête de l’igname, appelée Mouroufié, y est célébrée au mois d’octobre ou de novembre, en fonction du calendrier abron (ou bron).  

Le village compte deux écrivains, Fodjo Kadjo Abo, magistrat, et Appiah Adou, enseignant-chercheur. Il compte également un artiste chanteur, Simon Affi.

RELIGION

À l’instar des autres villages abron, la religion traditionnelle était la seule pratiquée à Adoumkrom. Comme un peu partout en Afrique, cette religion a perdu la plupart de ses adeptes au profit des religions révélées, notamment du christianisme.

Le village compte aujourd’hui une Église catholique et une Église évangélique, l’Église Pentecôtiste. Leurs fidèles respectifs vivent de façon pacifique.

Les adeptes des religions traditionnelles sont tout de même nombreux à résister à l’influence des religions modernes. Ils pratiquent leur culte sur l’Autel des mânes des vénérables ancêtres ainsi que sur les divinités de Zanzan et de Bôffa, lesquelles sont logées dans un bois sacré situé à proximité du village.

Fodjo Kadjo Abo est aussi l’auteur de Que ne ferait-on pas pour du pognon, finaliste dans la Catégorie Recherche à l’édition 2015 du GPAL (Grands Prix des Associations Littéraires).

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