La petite miraculée, ou la fabuleuse histoire d’Esther Bilounga
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La petite miraculée, c’est l’histoire de l’auteure. Ça s’appelle une autobiographie, le genre en question. S’entend que Bilounga y raconte Bilounga (pour pasticher un certain Henry Miller) ; du moins, elle y relate une tranche de sa vie. Celle comprise entre sa venue au monde et sa petite adolescence – douze, quatorze ans par là, pour être précis. Sa tendre enfance, donc, on pourrait ainsi dire ; même si cette douce expression ne sera pas toujours à sa place dans l’histoire de la petite Esther.

Les difficultés dans la vie de notre petite héroïne commencent dès sa naissance. D’ailleurs, dans le cas singulier d’Esther Bilounga, les mots « naissance » et « miracle » pourraient tout aussi bien se confondre. Car c’est véritablement en petite miraculée qu’elle va pousser ses premiers vagissements, ayant sauvé sa mère, et au passage s’étant sauvée elle-même d’une mort que l’on croyait certaine. On n’en dira pas plus ici à ce sujet, pour garder intacte et toujours vive votre envie d’aller découvrir cette histoire pleine d’émotions, mais aussi de plaidoyers. Plaidoyer en faveur d’un meilleur traitement de l’enfant africain, plaidoyer en faveur des minorités (l’auteure se revendiquant elle-même pygmée d’origine), plaidoyer en faveur de la valorisation de la femme africaine, et paysanne en particulier…

C’est triste à dire, mais en milieu rural, s’entend ici dans nos villages d’Afrique, il semble encore de bon ton pour un homme qui se respecte de battre de temps en temps, voire de molester copieusement, parfois avec des envies de meurtre, son épouse. Esther Bilounga l’a vu, vécu, avec sa pauvre mère dans le rôle de la victime, et elle nous le raconte fidèlement dans son livre, son indignation avec. Et désormais écrivain, Esther Bilounga ne peut s’empêcher de tirer des leçons, mais aussi d’en donner – n’est-ce pas le rôle par excellence des gens de plume ? Moraliste, aussi bien sur le cas des violences conjugales que sur d’autres thématiques abordées dans son ouvrage.

Ainsi, par exemple, sur l’environnement et précisément le rapport de l’enfant à l’environnement, Esther Bilounga a cette réflexion : « L’environnement en un sens est notre vieux père, notre vieille mère. Nous devenons alors son gendre privilégié du fait de notre faculté d’imitation depuis le tendre âge. L’imitation permet à l’enfant de développer en lui l’esprit de sélection, car la vie ne fait pas de favoris sur sa table de sélection lorsqu’elle s’impose. »

Sur la honte, Esther Bilounga écrit : « Il y a des gens qui savent donner leur honte aux chiens. Ce sont encore eux qui voudraient qu’on les habille d’une peau d’agneau. Ils font partie de la catégorie d’individus qu’on appelle communément personnes sans foi ni loi. »

Sur la corruption : « La préparation de la lutte contre la corruption ne devrait-elle pas partir d’un préalable ? Ne suffit-il pas de lutter contre le vol des écoliers en milieu scolaire en assistant les offensés et en punissant les offenseurs ? On les trouve plus tard faisant carrière de gangsters ou de « feymen », car la semence de vol a trouvé un terrain fertile, s’est développé avec l’âge et est parvenue plus tard à faire du petit individu un cas social. »

Parlant de l’école justement, la petite miraculée a dû braver monts et vaux, distances kilométriques et même traverser à pied des rivières en crue, pour aller quérir la connaissance. Elle l’a fait avec courage et détermination. Tout comme elle a su se montrer brave dans le « bosquet des règlements de compte » (ceux qui ont fait leurs classes primaires au village en savent quelque chose) ; ce bosquet des luttes sans juge ni chrono, où la petite héroïne était souvent prise à partie et même à la gorge, par des camarades jalouses pour une raison x ou y, ou même par l’idiot du village.

Que l’on se rassure, il y a aussi des moments de détente dans La petite miraculée. Ainsi, on ne peut s’empêcher de rire lorsque notre petite pygmée découvre enfin la télévision, se demandant avec grand étonnement comment ces hommes qui y jouaient au ballon avaient fait pour y entrer, dans cette boîte ; ou encore, pourquoi l’eau qui débordait de la piscine à l’intérieur ne s’écoulait pas de la boîte.

Toujours dans le rayon détente, Esther Bilounga nous fait revivre certaines expériences ludiques qui ont bercé notre enfance, nous autres nostalgiques de ces générations-là, et même qu’elle se propose de faire un petit exposé sur les valeurs éducatives que les enfants en tiraient, sans le savoir eux-mêmes, y compris plus tard, dans leur vie d’adulte. Le pousse-pion, les claquettes, le cache-cache, le tire-tire, le saut à la corde… en chantant. On vous voit déjà sourie d’ici. Vous allez l’adorer.

La petite miraculée d'Esther Bilounga était en lice à l’édition 2019 du GPAL (Grands Prix des Associations Littéraires)

palabresintellectuelles@gmail.com 

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