Obsèques : Le dernier concert de Nkodo Sitony
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Décédé le 21 de décembre 2021, à l’âge de 62 ans, des suites de maladie, l'artiste musicien de bikutsi sera inhumé demain samedi 23 avril dans son village natal. 

La morgue de l’hôpital central de Yaoundé était noire de monde hier jeudi 21 avril 2021, lors de la levée de corps de Nkodo Sitony. Sur des poteaux qui soutiennent la partie extérieure de la bâtisse, sont fixés des supports sur lesquels des photos géantes de l’artiste sont gravées. Les commentaires s’emparent des gens agglutinés en petits groupes aussi bien à l’intérieur, qu’à l’extérieur de la clôture. Les ministres du Commerce, Luc Magloire Atangana ; et de la Défense, Joseph Beti Assomo, s’échangent de paroles sous leurs masques de protection de couleur blanche. Une chaise vide sépare les deux membres du gouvernement de l’ambassadeur itinérant, Roger Milla, qui arbore un boubou tailleur noir. Comme bien d’autres personnalités, ils sont venus faire leurs adieux à cette grande voix de la musique camerounaise. 

Hommages

L’orchestre de la fanfare, composé de 8 musiciens (à vent et à percussions), jouent en instrumental, des chansons les plus populaires du défunt. Un clown s’improvise danseur et attire toute l’attention avec ses gestes fantaisistes. Il parvient à arracher le sourire à l'une des enfants du disparu. Cette dernière a les yeux bouffis et les joues inondées de larmes. Malgré tout ce cirque, l’une des proches de Nkodo, quant à elle, reste inconsolable. « C’était tout pour moi. Je me demande encore comment je vivrai sans lui », éclate-t-elle en sanglots, avant de se jeter dans les bras de son frère qui essuie ses larmes à l’aide d’un mouchoir. Tout comme elle, l’auteur-compositeur, Ange Ebogo Emérant, abattu, n’a plus de force. Le moindre passage de vent le déséquilibre, si bien qu’un membre du protocole le tient par ses mains, le fait faufiler entre des participants et le fait s’asseoir sur une chaise capitonnée. Acculé par des questions de journalistes, il parvient à glisser quelques mots : «à ce moment précis, j’ai une douleur indescriptible. C’est insupportable de savoir que je ne verrai plus l’un de mes meilleurs amis et frères », déclare-t-il en tremblotant. C’est les cas de Jean pierre Essome et de Ledoux Marcellin, qui rappellent qu’ « un monument du Bikutsi s’en est allé». 

Même son de cloche avec le président de la Sonacam (Société Nationale Camerounaise de l'Art Musical), Ateh Bazore. «Le deuil de Nkodo Sitony nous touche encore. C’est une perte irremplaçable parmi les artistes. Après avoir balisé le chemin du Bikutsi, il était aussi attiré par la paix entre les artistes. Nous ne pouvons que prier afin que son âme repose en paix». Il est suivi par Govinal Essomba qui a baptisé le défunt de « maître ». 

Le concepteur du cercueil où réside désormais Nkodo Sitony peut se frotter les mains. Joe La Conscience, menuisier et par ailleurs artiste musicien, avait la charge de fabriquer le cercueil de Nkodo Sitony. Un travail dont il se satisfait aujourd'hui. Surtout qu'il a rempli l’un de ses voeux les plus chers. « Le cercueil de Jacob Desvarieux du groupe Kassav laissait à désirer. J’ai pris l’engagement de faire celui de Sitony en forme de micro avec son jack pour que cela soit à l’image du grand chanteur qu’il a été, et qui demeure une source intarissable d’inspiration pour des jeunes. Je l’avais déjà fait pour Nkotti François », explique-t-il, en précisant qu’il s’agit en fait d’un sarcophage. L’artiste dit être entré en contact avec la famille qui a accepté sa proposition sans rechigner. « Je me suis inspiré des ghanéens qui font des cercueils en fonction du métier que pratiquait un défunt. Cela m’a pris 4 mois pour sa réalisation ». 

Itinéraire

Un tour de ville s’impose au sortir de la morgue. Le véhicule-balaie lance des sirènes en se dirigeant vers la basilique Marie Reine des Apôtres de Mvolye, dans l’arrondissement de Yaoundé 3. C’est sous le regard des curieux qui n’ont pas manqué d’immortaliser l’oeuvre de Joe La Conscience, en la photographiant à l’aide des smartphones. Le reste du cortège qui le suit est composé d’une Hummer immatriculée SN (Sureté nationale), et portant le cercueil et d’un véhicule de sonorisation. La consigne donnée étant d’aller à la vitesse d’une tortue. « Une messe a été dite à la basilique pour que la terre de Dieu léguée aux ancêtres lui soit légère ». Après un tour de propriétaire à son domicile à Odza, hier 21 avril, sa dépouille prendra le chemin de son village (Ka’a par Olanguina, dans le département de la Mefou-et-Afamba, région du Centre), ce jour et y sera inhumée demain 23 avril. 

C’est autant de raisons qui expliquent le fait que le corps de l’artiste, décédé le 21 décembre 2021, ait mis autant de temps à la morgue. « Il fallait bien préparer ses obsèques », indique David Sitony, l’un des fils qui lui emboite le pas dans la musique. Il déclare que son père a des enfants disséminés partout dans le monde, au point de ne pas dire avec exactitude leur nombre. David Sitony a salué l'action des artistes qui ont participé à la grande veillée musicale au Palais polyvalent des sports de Yaoundé, de 19h à l’aube, avec plus de 100 artistes invités ayant offert un spectacle live aux nombreux fans du défunt.

D’abord Tony Frac, il a été rebaptisé Nkodo Sitony. De son vrai nom Tobie François, il est né le 25 août 1959 à New-Bell (un quartier de l’arrondissement de Douala 2). Ses collègues musiciens lui reconnaissent le mérite d’avoir donné une autre âme au bikutsi à partir des années 1990. Son enfance et ses débuts le prédestinaient à une carrière riche et brillante telle qu’il l’a connue. Il a travaillé avec Mongo Faya (le chanteur aux multiples femmes) et avec Albert Breuk's. Il fait ses classes de guitare auprès des aînés et en devient plus tard un virtuose. Il apprend aussi le piano qui l’oriente dans la composition des chansons. Dans la discographie qu'il laisse au public, les mélomanes n’oublieront pas de sitôt des albums tels ; « Mba Mvoe, Metil Wa, Ngoan Ezoum, et Wa Yi Ma Wo Ya ». L’album « 90 degrés de Bikustsi à l'ombre » sorti un an avant, est sacré disque d'or en 1988. Plus loin, sa carrière s’enrichit de nouvelles sonorités. A partir du bikutsi, il mélange des influences afrobeat en langue béti pour finalement obtenir une musique métisse qui se révèle à l’international.  

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