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© Camer.be : Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
- 20 Mar 2022 12:39:34
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FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 20 MARS 2022 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
Textes : Exode 3, 1-8a. 10. 13-15 ; 1 Corinthiens 10, 1-6. 10-12 ; Luc, 13, 1-9
Chez l'évangéliste Luc les chapitres 12 et 13 sont comme symétriques. Le chapitre 12 est une sorte de large exposé sur la vie. Le chapitre 13 est une longue réflexion sur la mort. Luc aborde ce mystère qu'est pour l'homme l'arrêt de la vie en relatant deux faits divers traitant de la destinée de l'homme. Ceux-ci permettront à Jésus de faire un enseignement sur la relation entre la mort et le péché.
Le premier est un fait rapporté à Jésus par les gens. Ponce Pilate, 5ème. Procurateur de Judée de l'an 26 à 36 a fait massacrer en son temps, des galiléens venus à Jérusalem offrir leur sacrifice. Ils devaient être impurs à ses yeux parce que zélotes nationalistes, les terroristes d'alors ou parce qu'ils étaient des gens au sang mêlé à des non-juifs. Le deuxième fait est fourni par Jésus lui-même. Un jour une tour s'est effondrée à Siloé, un beau quartier du sud-est de Jérusalem, où existait une piscine qu'Hérode avait entourée d'une colonnade. Deux catastrophes. L'une est née du vouloir d'un homme, Pilate, dont les victimes furent des provinciaux. L'autre qui demeure sans explication et qui atteignit les habitants de la capitale.
Commentant ces 2 évènements, la vieille théologie d'Israël refait surface, la vieille spiritualité de la rétribution, à coup sûr, ces victimes le sont parce qu'elles ont péché. Pécheurs, pécheresses : Dieu les punit ! Citant ces évènements, Jésus remet les choses en place. C'est que tous sont pécheurs et que tous sont atteints par la mort. Succombant à la tentation et voué à la mort, tel est bien le sort humain de chacun.
Personne ne peut tirer une leçon de la chronologie de la mort, on meurt jeune ou âgé, ni de la modalité de celle-ci, mort naturelle ou violente, consciente ou inconsciente, paisible ou angoissée. Nul n'a plus désormais à porter un jugement sur la mort et à en tirer des conclusions religieuses. Une seule chose importe : marcher droit vers le but que l'on atteint différemment. Jésus refuse d'établir un lien entre le péché et la mort. La mort est le secret de Dieu. Secret qui nous sera livré de l'autre côté. Dieu ne condamne pas le pécheur au malheur ni à la mort. Il ne l'enferme pas dans son échec. Pour attester de cela, Jésus nous donne la parabole du figuier stérile. La symbolique juive nous aide à la comprendre.
La vigne est le symbole végétal d'Israël, comme la colombe en est le symbole animal. Le figuier, planté au cœur de la vigne et qui offrait son ombre aux vendangeurs devient dans la thématique juive le symbole de la loi de Moïse, du temple et du culte, dans ce cas-ci, il s'agit de Jésus lui-même. Le vigneron qui demande un délai symbolise l'extraordinaire patience de Dieu révélée en Jésus-Christ.
Le sens de la parabole est clair. La loi, le culte ne produisent pas les fruits de conversion et de sainteté que Dieu en attendait. Mais l'attachement au Christ dans la foi, parce qu'il nous révèle l'amour miséricordieux, peut seul nous soutenir dans notre conversion quotidienne. La parabole est l'exemple d'un retour à la vie parce que nous croyons en l'amour patient de Dieu. Le péché ne nous condamne pas à la mort, mais il nous invite à la conversion du cœur et Dieu l'attend avec patience.
Ainsi, Jésus nous éclaire lui-même sur le sens chrétien du péché. A propos de l'existence et de la notion du péché, on a tout entendu, depuis sa prétendue non-existence, on a même défendu la perspective d'une morale sans péché, jusqu'au reproche fait au christianisme de nourrir un sens névrotique de la culpabilité dans un univers morbide de la faute. La parabole dit tout le contraire. Le mot hébreu qui exprime le mot faute veut dire littéralement « manquer sa cible », tirer à côté, un peu dans le sens où les jeunes parlent d'être à côté de la plaque, à côté de ses pompes.
Le péché, c'est rater Dieu, c'est l'existence d'une rupture au sein de l'Alliance, d'une incohérence, d'un désordre entre Dieu et nous. Et, quand on rate Dieu, croyant trouver son petit bonheur immédiat, tout seul, on se fourvoie soi-même. Aussi, plus que nos vertus toujours imparfaites, ce qui nous rend juste aux yeux de Dieu, c'est son pardon qui nous devance toujours. Plus que nos efforts toujours limités, ce qui nous rend saint aux yeux de Dieu, c'est sa miséricorde infinie qui suscite notre pénitence. La doctrine chrétienne du péché est une théologie, un discours sur Dieu, sur un Dieu rédempteur et sauveur. Le péché lui-même est une notion révélée
C'est parce qu'il se révèle un Dieu Sauveur que Dieu nous révèle la vraie possibilité de péché comme le sens du mal et la signification de la seule mort éternelle : le rejet définitif de Dieu. Dieu révèle la faute pour nous restituer à notre vraie dignité. Toujours pécheur, toujours pardonné, invité à être à notre tour toujours pardonnant. Finalement le seul péché, c'est de refuser de se laisser aimer, c'est de ne plus croire à l'amour de Dieu. Face au mal, au péché, à la mort, nous dit la parabole du figuier stérile, il y a la patience de Dieu, la faiblesse de Dieu : sa miséricorde. Face à la faute, la parabole rejette toute fixation, toute crispation obsessionnelle sur notre narcissisme déçu pour nous ouvrir à la confiance et à la gratitude.
Dans un monde porté trop vite aux dérives suicidaires, puisse la charité des enfants, inspirés de la stratégie de Dieu qui est patience et compassion, n'exclure jamais personne parce qu'il est pécheur, car une Eglise dans laquelle le pécheur n'aurait pas sa place ne serait plus l'Eglise de Jésus-Christ. Puisse notre tendresse, à l'instar de Dieu, faire que toute vie humaine, même dégradée, découvre un jour son printemps. La patience obtient tout disait Thérèse d'Avila. La patience, cette délicatesse du cœur est la doublure de l'âme comme l'écrivait si joliment Tertullien.
Bien-aimés dans le Seigneur,
Nous passons notre vie à courir. A force de courir après le temps, nous devenons impatients, tout va trop lentement et nous ne respectons même plus les gens et leurs propres rythmes d'avancement dans la vie. Il faut aller vite, très vite. Peut-être trop vite ce qui conduit à une certaine violence d'impatience. Mais finalement n'avons-nous pas un mauvais rapport au temps. N'est-il pas préférable d'ajouter de la vie au temps plutôt que du temps à la vie.
N'est-ce pas une illusion de croire que plus nous aurons de secondes disponibles à dépenser, plus nous serons heureux. Donner plus de temps à la vie ne nous appartient pas. C'est la nature qui le décidera. Par contre donner de la vie au temps est du ressort de notre propre liberté. La qualité de l'occupation de mon temps m'appartient. C'est à moi, en lien avec celles et ceux qui m'entourent, de décider comment je vais l'occuper.
Alors plutôt que de courir après le temps, n'est-il pas nécessaire, voire vital, de reprendre le temps de vivre, de ne pas s'enfermer dans une spirale d'impatience. Finalement de laisser le temps au temps pour vivre de cette espérance qui habite au plus profond de nos êtres. Mais comment remettre de la vie dans le temps, se demandent sans doute certains ? Tout simplement en réintégrant la mort dans la vie, en reconnaissant cette limite ultime et certaine par laquelle toutes et tous nous passerons sans exception. Nous ne sommes pas des êtres immortels, nous sommes des êtres appelés à recevoir l'éternité, don de Dieu par excellence. Telle est notre espérance de la mort. Comme le disait un jeune que j’ai rencontré à une veillée funèbre : " Moi la mort, j'y pense beaucoup. Cela me donne le cafard ".
Et je le comprends car nous sommes là face à un mystère qui nous dépasse et dont nous ne savons rien par définition. La mort est un non-savoir par excellence. Nous ne pouvons qu'espérer et croire que Dieu nous proposera quelque chose de merveilleux où nous pourrons chacune et chacun poursuivre ce que nous avons commencé sur cette terre. Ce qui est en tout cas clair à partir de l'évangile de ce jour, c'est que la mort ne se mérite pas. Elle n'est pas une punition due à certaines mauvaises actions. La mort nous surprend tout simplement parfois de manière paisible, parfois de façon tragique aussi et les événements en les événements de la vie nous le rappellent. La mort nous surprendra toujours. Telle est notre condition humaine.
La vie nous a été offerte, ne soyons donc pas fatalistes car être fatalistes c'est subir les événements, c'est comprendre la vie comme un destin, à l'image de ces gens dans l'évangile. Or il n'y a rien de pire qu'un destin. Le destin se subit, la destinée se vit et s'accomplit. Dieu nous invite à vivre notre destinée. Cette dernière varie de personne à personne. C'est à chacune et chacun de découvrir sa propre destinée, son chemin d'accomplissement.
C'est pour cette raison précise que la mort donne sens à la vie, car elle nous permet de vivre un recentrement sur l'essentiel. En d'autres termes, prendre conscience de sa propre mortalité, nous permet de vivre une conversion intérieure car s'il n'y a pas de fatalité, de déterminisme, mais bien une destinée, alors tout être humain peut accomplir son chemin de manière libre tout en prenant le temps. Il ne nous reste plus qu'à réintégrer la mort dans notre vie pour, tout simplement, ajouter de la vie au temps.
Amen.
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