

-
© Camer.be : Rév. Dr Joël HERVE BOUDJA
- 06 Feb 2022 07:35:42
- |
- 6598
- |
FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 06 FEVRIER 2022 PAR LE REV DR JOËL HERVE BOUDJA
Textes : Esaïe 6, 1-8 ; 1 Corinthiens14, 12-20 ; Luc 5, 1-11
Frères et sœurs en Jésus-Christ,
Nous le savons tous pour en avoir fait maintes fois l'expérience : il y a dans notre vie des « jours sans », des jours où rien ne nous réussit, où tout va de travers. Au moment de prendre le volant de notre voiture pour aller au travail, voilà que la batterie a décidé de nous lâcher ; ou alors c'est un enfant qui tombe malade. À l'heure où nous attendons des invités, la mayonnaise ne veut pas prendre ou le cake au chocolat, pourtant toujours réussi refuse obstinément de monter. « Journée sans » également pour le disciple Pierre quand, pour d'obscures raisons, le poisson ne mord pas à l'hameçon et qu'il faut rentrer chez soi la botte vide et la tête basse.
Pour le pêcheur à la ligne qui s'amuse à taquiner le poisson pour passer son temps, un tel insuccès, pour décevant qu'il soit, n'a rien de tragique. Pour des pêcheurs professionnels qui vivent et font vivre leurs familles du produit de la pêche, cela peut être plus que navrant. Tel était le cas pour un certain Simon et pour ses associés qui tiraient leur subsistance des eaux poissonneuses du Lac de Génésareth, appelé aussi Mer de Tibériade. Ce matin-là, ils étaient rentrés bredouilles. Avoir travaillé toute la nuit pour rentrer à vide, c'est bien ce qu'on peut appeler « une nuit sans ».
Bien sûr, il y en avait eu d'autres. Mais si notre évangile en parle ici, c'est parce que cette nuit frustrante allait déboucher sur une journée non seulement gratifiante, mais décisive pour la carrière de Simon et de ses compagnons, comme pour l'histoire du salut qui nous concerne tous. La rencontre avec Jésus se situe à l'endroit du rivage où les pêcheurs sont en train de laver, de contrôler de raccommoder leurs filets. Comme par hasard, c'est en cet endroit, probablement peu distant de Capernaum, sa ville, que Jésus s'adresse ce jour-là à la foule qui le presse de tous côtés.
Profitant de la présence des pêcheurs, il monte dans l'une de leurs barques, en l'occurrence celle de Simon. Après avoir achevé son enseignement, Jésus ordonne à Simon d'avancer en eau profonde et de jeter les filets. Il ne s'agit pas là d'une récompense pour service rendu, mais d'un véritable défi. De nos jours encore, la pêche à certaines espèces de poissons et en certaines périodes de l'année se pratique de nuit. Simon, qui connaît bien son métier, ne peut être que déconcerté par l'ordre que lui donne Jésus. Aussi sa réponse témoigne-t-elle d'une étonnante confiance en ce prédicateur itinérant. Il est vrai que, lors d'une rencontre antérieure, Simon l'a vu guérir sa belle-mère (Luc 4,38 s.). Mais sa réaction n'en est pas moins surprenante : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais jeter les filets. » Ce « mais sur ta parole », expression d'une foi audacieuse, conditionne et prépare le raz-de-marée qui va déferler sur la vie de Simon et qui va lui donner un tout nouvel avenir.
Dès que les filets sont jetés à l'eau, ils s'emplissent jusqu'à se déchirer et leur contenu suffit à remplir deux barques au point qu'elles risquent de chavirer. Sans doute Jésus était-il resté assis dans le bateau de Simon. C'est donc là, devant cette masse de poissons tout frétillants, débordant des filets comme d'une corne d'abondance, que se produit la grande rupture : « A cette vue,- — dit l'évangile, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : “Seigneur, éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur ».
On aurait pu se représenter Simon fou de reconnaissance, baisant les mains du Maître ou le serrant dans ses bras. Mais non : il est saisi d'effroi, de même que ses compagnons. Simon réalise tout à coup qu'un abîme le sépare de ce Jésus, par l'intermédiaire duquel Dieu vient de manifester son pouvoir et sa bonté. C'est pourquoi ce n'est pas un flot de jubilations qui sort de la bouche de cet homme, mais un confiteor, c’est-à-dire une prière de contrition, un mea-culpa : « Seigneur, éloigne-toi de moi, je suis un pécheur ! »
Ce n'est pas le souvenir d'une faute morale ou de quelque défaillance particulière qui arrache à Simon cette confession des péchés, mais la prise de conscience de toute sa carence face à la sainteté et aux exigences divines. Remarquons bien que cette prise de conscience traumatisante n'est pas l'effet d'une quelconque remontrance ni d'une menace, mais l'écho qu'éveille dans le cœur d'un homme l'ineffable grandeur de la bienveillance de Dieu et de son pouvoir créateur manifesté en Jésus, son Fils.
La « conversion de Simon », si l'on veut désigner ainsi l'aboutissement de cette « pêche miraculeuse », va changer fondamentalement le cours de la vie de cet homme et de ses compagnons. L'effroi qui avait fait suite à leur stupéfaction face au prodige aura été le prélude à leur envoi en mission, même si, dans un premier temps, cet envoi n'est clairement signifié qu'à Simon : « Sois sans crainte, désormais tu seras pêcheur d'hommes » ou bien, selon une traduction rendant mieux le sens des paroles de Jésus : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras vivants » (Chouraqui).
Le pêcheur Simon a été pris lui-même au filet de celui dont le seul dessein est de capturer les hommes dans la nasse de l'amour divin afin de les faire participer à la vie en plénitude. Or, pour la réalisation de ce plan de salut, le Seigneur a besoin d'hommes et de femmes qui soient prêts à le servir en tant que témoins de son grand dessein. Simon et les deux fils de Zébédée ont répondu OUI à l'appel que ce Jésus, qu'ils reconnaîtront plus tard comme le Fils de Dieu, leur adressa ce jour-là au bord du lac de Génésareth. « Ramenant les barques à terre, ils laissèrent tout et le suivirent ».
Grâce au Seigneur, cette journée qui s'était annoncée comme un « jour sans » devint le point de départ d'une nouvelle existence, d'une aventure unique et incomparable sous la direction de celui qui « est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». (Luc 19,10). Nous aussi, sœurs et frères en Jésus-Christ, sommes appelés à entrer au service du Maitre. Dieu laisse à chacun la liberté de suivre ou de ne pas suivre son appel. Sachons seulement que nul n'est indigne de servir la cause de l'Évangile. Comme il l'a dit à Simon, Jésus-Christ nous dit à toi et à moi aujourd'hui : « Sois sans crainte ». Ce que le Seigneur attend de nous, ce n'est pas que nous nous présentions devant lui munis d'un CV irréprochable, mais que nous mettions en lui notre entière confiance, nous fondant sur sa promesse donnée jadis à un autre de ses serviteurs, l'apôtre Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. » (2 Cor.12, 9).
Bien-aimés dans le Seigneur,
Lorsque j'étais aumônier et que j’allais dans les prisons, j'étais toujours frappé par la parole des détenus qui allaient quitter ce lieu soit parce qu'ils arrivaient au bout de leur peine, soit parce qu'ils étaient libérables sous condition. Peu de temps avant leur départ, je m'autorisais à leur poser la question suivante : « et vous, qu'allez-vous faire en premier lieu en quittant le milieu carcéral ? »
Ce qui m'étonnait toujours, c'était que la majorité des détenus avaient la même réponse. « Quand je sortirai, Monsieur l'aumônier, j'irai voir la mer ». Et oui, la mer. Mais pourquoi la mer ? Leur demandai-je. « Parce que la mer offre un grand sentiment de liberté. Il n'y a pas de murs dans la mer. Il n'y a plus de frontières visibles dans les océans. Seulement l'horizon, à perte de vue. Sur la mer, nous partons au large ».
Je nous invite alors à nous poser la même question. Et si j'étais, moi, dans cette situation, après avoir été enfermé, dans mon corps ou dans mon âme, pendant plusieurs mois, voire des années, que ferais-je à l'instant de ma propre libération ?
A chacune et chacun d'entre nous d'y répondre. Reconnaissons que si nous n'avons pas fait l'expérience du monde carcéral, nous pouvons malgré tout être également enfermés en nous-mêmes par une foule d'éléments, certains très préoccupants et d'autres plus anodins. Nous pouvons, nous aussi, avoir le sentiment d'être envahis, submergés par notre propre petit monde. Il y a parfois tant de mondes différents qui habitent en nous que nous n'avons plus l'impression d'exister par nous-mêmes comme si notre prénom était devenu « foule » : f.o.u.l.e. Foule d'événements difficiles à vivre, foule de souffrances et de maladies qui n'en finissent pas, foule d'énervements et d'impatience. Tant de foules foulent aux pieds de nos existences. Heureusement, pour nous, il y en a d'autres plus heureuses : les foules de moments d'amour et d'amitié, les foules de gestes de tendresse et de parole de réconfort, les foules de regards de douceur offerts.
Et avec le temps laissé au temps, nous ne les voyons plus toujours. Nous sommes trop pris par l'événement de l'instant présent. Pour nous retrouver, nous devons oser prendre le risque de quitter toutes ces foules qui nous compressent en nous-mêmes. Nous sommes conviés à partir au large de nos histoires respectives. A l'instar de Jésus, dans l'extrait d'évangile que nous venons d'entendre. Lui aussi ressent le besoin de quitter la foule un instant. Non pas pour s'en éloigner à jamais mais plutôt pour reprendre une certaine distance qui lui permet de mieux voir, de mieux percevoir la réalité de leurs désirs et de leurs attentes.
En effet, même pour l'ascensionniste, une montagne est souvent la plus claire vue de la plaine. S'il en est ainsi, alors éloignons-nous aussi de nos foules intérieures quelques soient joyeuses ou encombrantes. Prenons le large de notre cœur pour mieux nous réapproprier ce qui fait à la fois la richesse de nos vies et la dureté de certaines périodes à traverser. Quittons ces diverses foules et prenons quelques instants ce large pour partir à la rencontre de nos profondeurs. Dans la profondeur de nos existences, au large de nos foules personnelles, nous pouvons alors découvrir ou redécouvrir la richesse et l'essence même de nos existences.
Dans les eaux profondes de nos mers intérieures, nous traversons des tempêtes apaisées et des moments de grand calme. Dieu le Fils nous invite à remonter sur les barques de nos vies et de partir vers cet horizon en toute confiance comme ses disciples ont pu en faire l'expérience. Tout comme eux, offrons notre confiance à Dieu et naviguons avec Lui sur les mers de nos histoires blessées. En plongeant dans la profondeur de notre âme et de notre cœur, nous retrouverons un ensemble de richesses qui font la beauté de notre pèlerinage terrestre.
En nous, jetons les filets de la mémoire et de l'espérance pour trouver ou retrouver les énergies nécessaires qui nous permettront à la fois d'affronter nos expériences présentes mais aussi d'être à nouveau capable de nous réjouir de ces multitudes de petits bonheurs qui parsèment nos journées lorsque nous prenons le temps de nous arrêter pour nous en rendre compte.
Tout comme les disciples, cette mise au large de nos foules personnelles ne se fait plus seul. Nous sommes accompagnés par le Fils qui nous guide dans cette voie au cœur de nos plus profondes profondeurs. Que l'Esprit de Dieu souffle en nous pour que nous partions sans crainte et en toute confiance vers ce lieu intérieur où se noue la rencontre entre Dieu et nous. Que la mise au large éclaire nos vies d'une lumière nouvelle vers un horizon sans frontières avec l'espérance que le Seigneur s'est embarqué avec nous dans l'aventure de la vie. Amen.
Lire aussi dans la rubrique RéLIGION
Les + récents
39ème anniversaire de la disparition de Sekou Touré:La Fondation Moumié invitée en Guinée le 26 mars
Une Start Up camerounaise met au point un engrais biologique pour booster la production
Les raisons cachées de l’extraction de Maxime Eko Eko de sa cellule à Kondengui
Le Comité d’enquête de Russie entame une procédure pénale contre plusieurs magistrats de la CPI
Dérive tribale: Roger Mbassa Ndiné dénonce et condamne des appels aux journées mortes
POINT DU DROIT


Albert Dzongang: "A TOI CHER DAKOLLE DAISSALA"
- 02 Nov 2022
- /
- 20735



Comment contester un testament ?
- 02 Jan 2021
- /
- 107103