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© Camer.be : Prisca BARDOT
- 17 Jan 2022 22:59:09
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ARRIVE EN FRANCE POUR ETUDIER, SON REVE SE TRANSFORME EN CAUCHEMAR
Honoré, un jeune Camerounais d’une vingtaine d’années arrive en France en septembre dernier pour suivre des études de sciences à l’université de Lorraine. Mais la bureaucratie à la française va vite mettre à mal son projet. Aujourd’hui seul, sans argent, sans possibilité d’étudier, Honoré est désespéré. Récit de l’odyssée administrative d’un étudiant africain.
Roissy, aéroport Charles de Gaulle le 19 septembre dernier. En descendant de son avion, en provenance de Yaoundé Honoré, le Camerounais, est encore plein d’espoir. Il est sur le point de réaliser le plus grand rêve de sa vie : étudier en France.
Mais à peine débarque-t-il à Nancy que ses illusions s’envolent. Entre les difficultés pour s’inscrire à la fac, les déboires avec l’administration française et les soucis pour joindre les deux bouts, son rêve se transforme vite en cauchemar. « «J’étais très optimiste. Je n’avais jamais imaginé que les choses pouvaient s’effondrer aussi vite », déclare-t-il.
Les problèmes du jeune homme commencent le 20 septembre 2021, jour de sa rentrée universitaire.
L’université de Lorraine vient d’accepter d’appliquer l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires soient 2770 euros au lieu de 170 euros l’année précédente.
Alors qu’il misait sur la possibilité de payer en trois tranches, son responsable de formation l’appelle et lui dit qu’il doit payer entièrement la scolarité ou trouver une alternance dans les plus brefs délais pour pouvoir s’inscrire. « Je me trouvais à ce moment dans une situation très compliquée. C’était impossible pour moi d’avoir les 2770 euros et trouver une alternance dès ma première année en France, c’était une mission difficile voire impossible », déclare-t-il.
Mais optimiste, le jeune homme se rend le lendemain au service de la scolarité de sa faculté en compagnie d’un autre camarade pour essayer de négocier. Mais là encore rien ne se passe comme il l’imaginait. La dame qui le reçoit ne lui laisse même pas le temps de finir d’exposer son problème et se montre très désagréable à son égard : « Elle m’a agressé verbalement. Elle a crié sur moi. J’étais avec un ami.
Elle m’a humilié », raconte Honoré encore marqué par la violence de la scène. « J’ai pris un coup. Depuis, je n’ai plus jamais mis mes pieds à la scolarité » ajoute-t-il
Une galère pour une autre.
Honoré commence malgré tout, les cours avec ses camarades.
Mais pour s’inscrire, il devait pouvoir trouver rapidement une alternance. Il se lance dans une course contre la montre. L’étudiant en agronomie générale envoie son CV aux propriétaires de ferme qu’il trouve sur internet. Mais les retours défavorables se succèdent. Et à chaque fois son espoir de pouvoir régler sa situation en prend un coup.
Une bouffée d’air plus qu’éphémère.
Alors qu’il commence à désespérer, au bout d’un mois et demi de recherches infructueuses, il reçoit une réponse favorable. Un fermier de Landroff, une commune rurale située à l’est de la Moselle, accepte de le prendre.
Mais à 52 km de Nancy, mal desservi par les transports en commun, les conditions sont trop contraignantes et peu avantageuses pour le jeune étudiant. « Je ne pouvais gagner que 60 % du SMIC au lieu des 100 % et je devais travailler le week-end pour compenser mon logement ‘’, affirme-t-il avant d’ajouter : « j’ai accepté parce que je n’avais pas le choix. » Malgré tout, c’est une véritable bouffée d’air pour le jeune homme.
Avec ce travail, il peut enfin s’inscrire dans sa faculté et pourra renouveler son titre de séjour l’année prochaine. Honoré déclare : « J’étais de plus en plus détendu en cours. Je pensais être au bout de mes peines car il ne me restait qu’à signer mon contrat d’apprentissage pour régler ma situation auprès de la scolarité »
Quand la sécurité sociale vient tout plomber.
C’est justement au niveau de la signature de son contrat que les soucis reviennent. Il devait fournir à son futur employeur son numéro de sécurité sociale qu’il n’avait pas encore. A la suite de négociations, sa faculté lui délivre le certificat de scolarité afin qu’il puisse faire sa demande de numéro de sécurité sociale. « J’ai obtenu une inscription provisoire, avec un délai de deux semaines pour fournir mon contrat d’apprentissage à la scolarité », se souvient- il.
Un peu soulagé, le même jour, Honoré fait sa demande, en espérant un retour rapide de l’administration française. « Je croyais qu’une semaine après, je pouvais avoir mon numéro de sécurité sociale provisoire. J’ai attendu une semaine, puis deux, en vain. » L’attente devient longue et pesante. « Je vérifiais mon compte au moins trois fois par jour », affirme-t- il. L’angoisse de perdre cette opportunité le ronge terriblement. Il contacte son entreprise pour essayer de négocier la possibilité de signer le contrat d’apprentissage et de commencer à travailler sans le numéro de sécurité sociale.
Mais son employeur reste inflexible et refuse catégoriquement. Plusieurs jours se succèdent et toujours aucune attestation de sécurité sociale. Alors le jeune étudiant, se rend au siège régional de la caisse primaire de l’assurance maladie pour essayer de faire évoluer son dossier. La personne qui le reçoit lui donne le numéro de téléphone de l’organisme à contacter. « Mon appel est resté en attente au moins pendant 45 minutes.
Au bout du compte, quelqu’un a décroché et quand j’ai expliqué ma situation, il m’a dit que mon dossier allait être traité dans les meilleurs délais », déclare-t-il. Mais il attend encore un mois environ sans obtenir de retour.
Jamais trois sans quatre: le coup de grâce qui vient au mauvais moment.
Honoré se retrouve confronté à la situation qu’il faisait tout pour éviter jusque-là. Le 15 novembre 2021, pratiquement deux mois après sa rentrée universitaire, il reçut un mail de son responsable de formation.
Ce dernier lui explique que l’entreprise qui avait accepté de le prendre, lassée d’attendre avait fini par embaucher une autre personne à sa place. Et par conséquent, dans le même temps, il n’était plus autorisé à suivre les cours. Pour le jeune homme, figé devant son écran, le coup est terrible, difficile à encaisser. « Je ne pouvais plus rien faire. Je suis resté là, comme ça », se souvient Honoré.
En plus de perdre son contrat, il est renvoyé de sa faculté. Il se retrouve dans l’impasse, complètement désespéré. Mais ironie du sort, le jour suivant cette terrible nouvelle, il vérifie sans intérêt son compte: ‘’ On m’a arrêté à la fac aujourd’hui, le lendemain mon numéro de sécurité est sorti.’’ Mais c’était maintenant trop tard. Le train de la sécurité sociale avait eu un jour de retard, un jour crucial qui avait déjà condamné Honoré : « Je m’étais dit que c’était fini pour moi. Il fallait que je retourne dans mon pays » affirme-t- il en pensant qu’il n’avait plus aucune raison de rester en France sans aucun statut et sans argent. Actuellement, le jeune Camerounais est toujours sur le territoire français et espère encore pouvoir trouver une solution à son problème.
Plus autorisé à suivre les cours, il passe désormais ses jours, enfermé dans sa chambre. « Je suis triste. Je ne sors même plus. Je suis désespéré » déclare-t-il.
BARDOT Prisca,stagiaire