PREDICATION DU DIMANCHE 1ER AOUT 2021 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 1ER AOUT 2021 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : exode 16,2-4.12-15 ; Ephésiens 4,17.20-24 ; Jean 6, 24 – 35  

Le dimanche passé, Jésus a multiplié les pains pour rassasier la foule qui l'entourait. Aujourd'hui commence le long discours de Jésus où il explique la signification de ce qu'il vient de faire. Derrière son discours, et derrière les questions des juifs, il y a l'histoire de la manne que nous avons entendue dans la première lecture. Israël est dans le désert, dans une terre stérile, sans eau et sans nourriture, et Dieu donne au peuple à manger. C'est un miracle, mais c'est aussi une métaphore. De même que nous avons besoin de bien manger pour bien vivre, pour bien fonctionner au niveau physique, nous avons besoin de quelque chose pour bien vivre au niveau plus personnel. Comme on le disait autrefois, si on a besoin d'une nourriture physique, on a besoin aussi d'une nourriture spirituelle. Cette métaphore semble quasi naturelle.

On peut dire plus ou moins la même chose en parlant de la faim. Autrefois, Il y avait en Afrique du Sud aussi un grand désert aride. Il y avait un peuple qui habitait ce désert. Ces gens avaient du mal à vivre ; la nourriture n'était pas facile à trouver. Pour eux, la faim était un élément central et quotidien de la vie. Ils avaient un vocabulaire intéressant : ils parlaient de la grande faim et de la petite faim. La petite faim était la faim, l'absence de nourriture, tandis que la grande faim, la faim la plus importante, est ce qu'on pourrait appeler une faim spirituelle, l'absence de Dieu. Ce n'est pas difficile à comprendre. La faim, l'absence de nourriture, c'est l'estomac vide, et c'est la fatigue, la faiblesse et la douleur qu'il entraine. Quand on a faim on doit manger, il n'y a pas de repos, pas de paix, avant qu'on ne se remplisse la bouche.

Mais, après un certain temps, on s'y habitue, on ne sent plus le manque de nourriture, on s'engourdit. C'est comme si on avait mangé, comme si on n'avait plus besoin de nourriture, mais la faiblesse et la fatigue restent. Il peut sembler que la faim est vaincue, parce que cela ne fait plus mal. Mais c'est parce qu'on n'est plus assez vivant pour souffrir, la machine du corps a déjà commencé à s'arrêter, la vie commence à s'éteindre. On cesse de chercher la nourriture. Il peut y avoir une sorte de confort dans cette condition, parce qu'on ne sent plus rien, mais en fait, c'est le triomphe de la faim ; on n'est pas loin de la mort. La grande faim, la faim de Dieu, est semblable ; il s'agit d'un vide, d'une lassitude, d'une faiblesse. Mais ce n'est pas la faim de la nourriture. Le vide n'est pas dans l'estomac, mais dans la vie.

La vie semble dépourvue de sens, elle ne nous nourrit pas. On est lassé par les tâches multiples de chaque jour, qui semblent de plus en plus lourdes et embêtantes. Le monde devient gris et plat, et l'existence devient pénible. Il est possible de s'habituer à ce vide de sorte qu'on ne le remarque plus. Alors le vide semble la condition humaine naturelle, et on ne remarque pas qu'il manque quelque chose, on ne cherche plus. On comprend la vie et le monde comme si ses besoins spirituels n'existaient pas, comme si Dieu n'existait pas. Il y a une sorte de bonheur dans cette condition, mais c'est le bonheur de l'oubli, c'est le triomphe du vide. Il y a donc une grande ressemblance entre ces deux faims, c'est pourquoi il est naturel d'employer le mot « faim » en parlant des choses spirituelles.

Mais il y a aussi une différence importante, et c'est une différence qu'indique Jésus. Quand on a l'estomac vide, on peut, si les circonstances le permettent, travailler pour se rassasier. On peut aller à la chasse des bêtes sauvages, on peut cultiver des plantes. Par son travail, on peut se nourrir. En fait, les premières pages de la Bible font le lien entre manger et travailler : Dieu dit à Adam « Le sol sera maudit à cause de toi. C'est dans la peine que tu t'en nourriras tous les jours de ta vie... A la sueur de ton visage tu mangeras du pain ». En revanche, le vrai pain dont parle Jésus ne sort pas du sol, il tombe du ciel. On ne doit pas travailler pour le produire, et on ne peut pas. C'est gratuit, et cela a l'aspect d'un don ; Dieu le donne. Si on veut être rassasié, il faut d'abord s'ouvrir à recevoir le gratuit.

Quand les juifs demandent à Jésus « Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? », lui répond « L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé ». Mais croire en Jésus n'est pas travailler, c'est cesser de travailler, cesser de s'occuper de ce qu'il faut faire, pour s'ouvrir, pour se permettre de recevoir le don de Dieu. La première lecture dit la même chose : les cailles descendent sur camp après le coucher du soleil, après la fin de la journée, quand on ne travaille plus. Et la manne est déjà là le lendemain quand les gens se lèvent. Dieu donne dans la nuit, et la nuit est le temps de repos, où on ne travaille pas. Dans un monde qui prône la valeur du travail et du non-gratuit, de ce qu'on achète, il n'est pas toujours facile d'être simplement passif, ouvert à recevoir le gratuit, d'accepter le fait que notre nourriture ne vient pas de nous-mêmes, mais c'est ce qu'il faut. Il faut accepter le gratuit, et en reconnaître la gratuité en disant merci.

C'est pourquoi tout à l’heure, nous allons nous réunir autour de cet autel, pour recevoir à cette table le pain que Jésus nous donne, et pour en rendre grâce. Frères et Sœurs dans le Seigneur, Quand la relation n’est plus qu’alimentaire …. En amour, espérez-vous être rassasiés ? Espérez-vous que quelqu’un vienne pleinement combler votre attente, votre espérance, votre soif d’amour ? Pensez-vous que votre époux, votre épouse sera cette personne qui rassasiera votre faim d’aimer ? Pensez-vous que vos enfants seront ceux qui définitivement vous combleront ? Attendez-vous quelqu’un qui étanchera votre soif d’aimer ? Faisons une lecture spirituelle de l’Exode comme le périple de la vie où la soif qui tiraille est celle d’aimer et la Terre promise vers laquelle on tend est l’épanouissement personnel auquel nous aspirons tous : la plénitude d’amour, une terre où abonde le lait et le miel dira l’Écriture. Les Hébreux, nous dit-on, ont été libérés de leur esclave, de tout ce qui entravait leur épanouissement, qui les empêchait d’aller vers cette Terre promise, lieu de repos et de plénitude ultimes.

Et ils sont là qui errent dans le désert et qui ont faim et soif. Peut-être avez-vous déjà constaté que toute libération, que la fin de tout esclavage, est suivie d’un passage à vide, de tiraillements, de récriminations - tous ceux qui ont surmonté une dépendance le savent : il y a une période de dépression après une libération. Ils sont là au désert et ils récriminent contre Dieu et contre Moïse : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! ». Ils sont en plein processus de libération et ils ne pensent qu’à retourner à leur semi-confort d’avant, quand ils étaient esclaves. Peut-être cela fait-il écho chez certains qui sont passés par une période de sevrage : « c’est trop dur de me libérer, il vaudrait mieux retourner à ma dépendance. » Dieu pourtant leur donne de quoi tenir. Et plus loin dans le passage de l’Exode, on dira qu’il n’y a pas lieu de faire des réserves, la manne viendra chaque jour, avec double ration les veilles de sabbat. Nous ne sommes pas encore en Terre promise, sauvés par Dieu.

Sur cette Terre, nous aussi sommes en exode, au regard de la plénitude d’amour à laquelle nous aspirons tous. Et la manne c’est la vie et l’amour dont Dieu nous gratifie chaque jour. La manne c’est ce qui nous fait vivre et aimer alors que nous marchons, parfois tiraillés par le désir d’amour, parfois tiraillés par le désir de vivre plus pleinement, en récriminant contre Dieu et contre tous. Mais pourquoi devons-nous passer par là ? Pourquoi nous faut-il avoir soif d’aimer et d’être aimés ? Pourquoi nous faut-il passer parfois par de terribles soifs de vivre ? Et pas simplement recevoir la vie et l’amour en plénitude. Pourquoi toujours le désert ? le manque ? la faim, la soif ? Il s’agit de reconnaître le donateur au-delà du don. Sinon la relation n’est plus qu’alimentaire. C’est la réponse que donne l’Évangile : « Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. » dit Jésus après la multiplication des pains. Vouloir être rassasiés, de pain comme d’amour, c’est avoir le désir des effets plutôt que le désir du donateur. Vouloir être rassasié c’est aimer pour ce que l’on éprouve plutôt que d’aimer l’autre en soi, c’est désirer l’autre pour le bien qu’il nous fait et non pour qui il est.

Vouloir être rassasié c’est aimer être amoureux, ou aimer, plutôt qu’aimer. Vouloir être rassasié c’est confondre plaisir, satisfaction et bonheur. Les êtres humains ne se rendent pas toujours compte à quel point ils s’enferment quand ils cherchent le bonheur en le faisant dépendre d’un désir de satisfaction immédiate à laquelle ils se soumettent de plein gré. Pourtant, il reste entravé celui qui préfère consommer de l’amour plutôt qu’aimer, enchaîné dans une relation qui n’est plus qu’alimentaire. Comment savoir que nous aimons les autres pour eux-mêmes et non pas pour les effets qu’il y a à les aimer ? Comment discerner que nous ne sommes pas esclaves du sentiment d’aimer plutôt que donnés à l’amour ? C’est en reversant la logique et constatant que l’amour persiste, au-delà des désagréments d’une relation.

Qu’il arrive à vos enfants, à vos conjoints, à vos proches de vous blesser, vous continueriez à les aimer. La libération de l’esclavage d’une dépendance au sentiment d’amour est certainement là lorsque l’être aimé vous crucifie et qu’encore vous l’aimez. C’est ça revêtir le Christ. Finalement, il n’y a qu’en Dieu que peut se trouver rassasiée notre soif d’aimer. Et c’est cet amour que vient nous donner le Christ quand il se donne lui-même à nous. Aimer Dieu pour les guérisons, le soutien ou le bien-être qu’il apporte ce n’est pas encore aimer Dieu pour lui-même. C’est là aussi s’enfermer dans une relation purement alimentaire. Le salut n’est pas un don reçu du Christ ; il est le Christ lui-même. « Moi, je suis le pain de la vie.  Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » « Seigneur, donne-nous de ce pain-là ! »

Amen. 

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