HOMMAGE A MBU PAUL MOUKOUE  ancien chauffeur des ambassadeurs à Paris Par le Rév D Joël Hervé BOUDJA
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FRANCE :: HOMMAGE A MBU PAUL MOUKOUE ancien chauffeur des ambassadeurs à Paris Par le Rév D Joël Hervé BOUDJA

L'événement très couru a eu lieu ce samedi 1er avril dans la commune de Villejuif près de Paris.

Monsieur les chefs de communautés et le collège des notables,

Mesdames et Messieurs, en vos rangs, grades et qualités respectifs,

Frères et Sœurs dans le Seigneur,

Chère famille dans le deuil,

Recevez mes chaleureuses salutations.

 

« Où le silence est plus fort que la parole, tais-toi. Mais si tu as des paroles plus fortes que le silence, parle ». En prélude à cet hommage, permettez-moi de vous rappeler une phrase de Paul Valéry, que certains parmi vous ont eu la chance d’écouter et qui m’a souvent éclairé dans ma vie et mon cheminement existentiel : « Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr ». Le fruit mûr, je vais vous le livrer maintenant.

Il y'a des êtres attachés aux symboles de leurs origines. Ces personnes que Ernest Renan, célèbre historien et penseur français appelle les humus des traditions ; des hommes de grande valeur, qui bien que traversant les fleuves de France, arpentant les berges de Seine, en 50 ans de vie au pays de De Gaulle, ont toujours à l'esprit, la douce musique du ruissellement des eaux sur les montagnes de Bana, les coteaux de Banka, les abords de Bafang ou le bruit enveloppant des célèbres chutes de Bassap. Oui Bassap, contrée emblématique du Haut-Nkam, en terroir Bamiléké au Cameroun, dans ce pays que des esprits à l'humour vif appellent désormais, sur les réseaux sociaux, le Continent.

Il y'a des êtres soudés à la profondeur de leur patrimoine comme l'ongle s'agrippe aux doigts ; ceux qu'un Michelet ou un Sembène Ousmane appellent les résines des us et coutumes. Ces hommes, alliant authenticité et ouverture, qui, sous les ors des palais dans les cérémonies officielles, savourent un fromage fondant, et dégustent un vin de grand cru, sans se départir du goût prononcé pour ces mets que lui concoctaient, au mitan de son enfance, dans les vertes vallées de Bassap, sa mère Céline Tchanga. 

Il y'a des êtres, véritables ambassadeurs de leur culture, qui deviennent, à 6000 lieux de leurs terres natales, des lianes, des ponts, des clés de voûte pour pacifier, réconcilier, fédérer et faire rayonner des communautés en s'inspirant d'un père, tel le chef Moukoué Emlile, de ses preux ancêtres. 

Notre très regretté Paul Moukoué, ’’Tonton Paul’ ’comme nous l’appelions affectueusement, était de ceux-là. Mieux encore, il était celui-là. Prenez le temps de l'échange avec sa progéniture, ses enfants dont il était si fier, l'exprimant avec pudeur, Eliane, Ghislain, Mireille, Dieudonné, Flavien et Loïc. Avec ses petits-enfants aussi.

Prenez le temps du partage des souvenirs avec sa Majesté Montcheu II, roi des Bassap, ces familles prestigieuses dans la même localité auxquelles il appartenait.

Prenez le temps de l'évocation des mille ponctuations de sa vie avec les siens à Douala, à Bertoua au Cameroun, à Paris, à Londres, en Suisse, en Belgique. Ils conteront la bonhomie d'un passionné de la vie, adepte du carpe diem (étymologiquement, c’est une expression tirée des vers d'Horace, philosophe romain de l'Antiquité : "Carpe diem, quam minimum credula postero". Cela signifie "cueille le jour sans te soucier du lendemain, et sois moins crédule pour le jour suivant"). Oui tonton Paul savait que la vie est courte, et qu'il faut se hâter d'en profiter, profiter de la vie au présent, aller à la mer, se délecter d'un repas exquis au restaurant. C’était un amateur turfiste qui s'exerçait au tiercé, aussi bien qu'il mettait un point d'honneur à consolider sa famille autour des valeurs de travail, de tolérance et de partage. 

 

Ils déclameront les louanges d'un homme qui, par pudeur, c'est vrai, n'exprimait pas avec effusion et de façon démonstrative ses sentiments, mais savait montrer de l'entrain pour les réussites et succès de ses enfants.

Ils parleront avec délectation de cet être, dur et froid d'apparence, mais qui était d'une sensibilité vibrante et d'une générosité d'Abbé Pierre. Celui-là même qui mit un point d'honneur à accueillir nombre de ses frères et sœurs, personnes dans le besoin, qu'il accompagna avec entrain et sens des responsabilités, afin qu'ils obtiennent le précieux sésame en France : les fameux papiers qu’on appelle dans le jargon camerounais, les kaolos !  

Ils tresseront tous les lauriers d'un acteur majeur du développement de Bassap, autant que d'un VRP (Vendeur, Représentant et Placier) du patrimoine, un consul des traditions et un envoyé spécial des valeurs profondes des us et coutumes, traditions positives africaines, camerounaises et Bamiléké en terre française. Ce qui lui valut d'être élevé à la dignité de MBU MOUKOUE en 2005. 

C'est armé de ce bouclier des traditions qu'il prit, au début des années 70, le chemin de l'Hexagone. Depuis son CEPE, dans la ville de Makénéné, charnière entre la chaîne montagneuse de l'Ouest et la zone forestière du Cameroun, il brulait d'envie, en homme pratique, plus soucieux d'actes, d'actions, que de théories et paroles, de s'exercer à un métier, celui de chauffeur. Ces maîtres du volant qu'il avait vu à l'œuvre, aussi bien dans les films de Daniel Kamwa ou de Dikongué Pipa, pères du cinéma camerounais, que sur les routes de cette contrée, Makénéné, qui allait devenir une étape essentielle du tracé de la route nationale N°4 au Cameroun, le fameux axe-lourd Yaoundé-Bafoussam, traversant la Lékié et le Mbam dans le Centre-Sud et desservant le Ndé, la Mifi dans l'Ouest. 

Le jeune Paul Moukoué fait alors ses premières classes, dans un métier exigeant, au sein d'une entreprise emblématique de l'histoire économique moderne du Cameroun : l'Union Camerounaise des Brasseries du magnant Kadji Defosso. Il se distingue par son dévouement, sa capacité à vite apprendre et une rigueur à tout rompre. Ce n'est pas encore le temps de la fameuse bière Kadji, mais à ses heures de repos, il peut savourer une boisson prisée de l'UCB, fier de son professionnalisme salué de sa hiérarchie. 

Doté d'expérience, il explore d'autres routes. Celles de France et Navarre s'ouvrent à lui. Son oncle, Jean-Marie Emaleu, le prend en selle à Dunkerque dans le Nord de la France, sur ces terres dites désormais des Hauts de France où les usines, les fourneaux, bref l'industrie tourne à flot. Il y travaille, continuant d'apprendre inlassablement auprès de ce parent. 

4 ans plus tard, en 1976, il prend le chemin de l'Ile-de-France. Après une escale chez ses autres proches, Léon et Brigitte Tcheutchoua à Gennevilliers, il s'installe aux Invalides, sacro-saint lieu de l'histoire militaire française à Paris.

Son ambition saine, sa bravoure et ses aptitudes professionnelles le font recruter à l'ambassade du Cameroun. C'est au temps où elle est logée à la rue de Longchamps. Il y sert, à partir de 1979, l'Etat du Cameroun et les ambassadeurs successifs en chauffeur attitré. Ces figures de la diplomatie du pays d'Eugène Njo Léa, qui de Koh Etoungo, à Pascal Biloa Tang, en passant par Jacques Roger Booh Booh, Salomon Bakoto et bien d'autres qui sont accrédités à Paris. Il est témoin de nombreuses mutations, de la construction d'une nouvelle ambassade à la rue d'Auteuil, en passant par la fin de la Mission économique de la rue d'Iena ou de l'apogée et du déclin de la Camair en France. 

Homme d'honneur et de principes, il se distingue dans sa vie professionnelle et encadre avec dignité et grandeur la communauté Bassap dont il sera le chef de famille autant que représentant du roi en Europe. Il s'investit, tout aussi, avec efficacité, au sein du regroupement des ressortissants Haut-Nkam à Paris.  

Après des années de service, où ce père de famille dévoué a vu grandir, dans le 16ème arrondissement de Paris, ses merveilleux enfants, il releva un nouveau challenge, dans le sillage de son installation à Courbevoie, en région parisienne : auto-entrepreneur et chauffeur taxi. Il atteint cet objectif avec brio, s'investissant avec entrain, sérieux et détermination : une autre réussite, symbole d'une capacité d'adaptation, de travail et de dépassement de soi légendaire. Fidèle à cet adage en fèfè : Mbī'tū mɑ́ pó nzī wèn tɑ́ á zī nā ì. Moralité : aide-toi, le ciel t'aidera !

Que ceux qui l’ont aimé, gardent cet amour !

Que ceux qu’il a aimés lui demeurent reconnaissants !

Que ceux qu’il a offensés lui pardonnent comme Dieu nous a pardonné.

Et que ceux qui l’ont offensé reçoivent de Dieu le pardon de leurs offenses.

 

Votre serviteur, fils, frère et ami,

Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA

Christi servus in patriam aeternam

Serviteur du Christ dans la patrie éternelle !

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