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© Camer.be : Hilaire SOPIE
- 27 Mar 2023 04:32:50
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FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 26 MARS 2023 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
Cinquième dimanche du carême
Ézékiel 37,12-14 ; Romains 8, 8-11 ; Jean 11, 1. 3. 17-44 1
J’aimerais tout d’abord poser quelques enjeux de ce texte : Ce récit de la résurrection de Lazare est situé à un tournant de l’évangile de Jean. La résurrection de Lazare est le 7ème et dernier signe, le plus éclatant probablement que Jésus pose, au point qu’il suscite deux réactions opposées chez ceux qui en sont témoins :
D’une part la foi : « Beaucoup de Juifs, parmi ceux qui étaient venus chez Marie et avaient vu ce que Jésus avait fait crurent en lui. » v. 45
D’autre part, une réaction désespérée de la part du Sanhédrin : « Qu’allons-nous faire ? »
Jésus ne laisse pas indifférent ceux qu’il rencontre. Il dérange les habitudes et remets en question les désirs de pouvoir humain. Par sa parole et les actes qu’il pose, il oblige à se positionner : reconnaître en lui, le Messie ou un usurpateur ; croire en lui ou le rejeter.
Un des enjeux de ce récit est exactement là : qui est Jésus pour moi ? Est-ce que cela vaut la peine, pour moi, de croire en lui ? de lui faire confiance en toutes circonstances ?
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La résurrection de Lazare ouvre sur la passion de Jésus. Peut-être même qu’elle la précipite. Pour que Lazare ressuscite définitivement, Jésus accepte de prendre le risque de l’amour et de passer bientôt par le supplice de la croix, comme pour dire à ses auditeurs et à chacune et chacun de nous que la mort ne peut rien contre l’amour quand celui-ci est vécu totalement. Et le second enjeu est bien là : Existe-t-il quelque chose/quelqu’un qui soit plus fort que la mort ?
***
Lazare, l’ami de Jésus est malade et malgré l’intercession des sœurs, Jésus ne bouge pas, ne fait rien, ne répond pas. Pourtant la cause est juste et la demande légitime ! Et lorsqu’il arrive enfin, c’est déjà trop tard ! La mort a fait son œuvre : « 4 jours » indique qu’il est vraiment mort ; que la mort est définitive ; qu’on ne peut plus en douter.
Qui n’a jamais fait cette amère expérience d’une prière formulée avec ferveur mais qui n’a pas été exaucée ? Est-ce à dire que ça ne sert à rien de prier, d’intercéder ? Ce questionnement fait probablement écho dans notre vie et peut-être même que nous étions quelques fois tentés de passer notre foi par-dessus bord ! Le troisième enjeu de ce texte se trouve dans ce questionnement : Cela a-t-il du sens de prier ? Nos prières sont-elles exaucées ? Qu’est-ce que « prier » ?
***
Marthe vient la 1ère vers Jésus. S’engage alors un dialogue entre Marthe et Jésus, dialogue qui se trouve en position centrale du récit de la résurrection de Lazare : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que même maintenant Dieu te donnera tout ce que tu lui demanderas. »
La 1ère partie sonne comme une déception, une plainte, voire un reproche (?).
La 2ème partie exprime une demande, une parole de foi, une espérance incroyable. Comme si la foi s’exprimait malgré tout : en dépit du désespoir, l’espérance ; en dépit de la déception, la confiance.
Je suis reconnaissant à Marthe pour cette parole. En effet, notre relation au Christ, n’est-elle pas aussi faite de ce mélange de doute et de foi, de désespoir et de confiance qu’il est bon d’oser dire clairement ; parole vraie qui cherche à tisser le lien de la foi au Christ, par-delà l’abîme de la mort, de toutes ces morts symboliques, affectives, relationnelles, etc. qui rythment notre vie. Aussi paradoxal que cela puisse nous paraître, notre foi est nourrie de ces soubresauts de doute et de désespoir qui creusent en profondeur notre être intérieur afin que la source de l’espérance et de la confiance puisse y couler avec générosité.
Comme Marthe, il nous faut apprendre à les accueillir et à les exprimer devant Dieu, de la même manière que nous exprimons aussi nos certitudes, nos espérances, notre confiance ! Malgré sa tristesse et sa déception, Marthe ne remet pas en question son amitié pour Jésus. Elle ne renonce pas à la relation avec lui. Elle ne peut se résigner au silence. Au contraire, elle qui jusque-là avait jugé plus utile d’être active en cuisine lorsque Jésus venait à Béthanie plutôt que de s’assoir à ses pieds comme Marie, recherche maintenant plus que jamais la rencontre et le dialogue avec Jésus. Un dialogue franc et direct comme un corps à corps, un combat pour la vie, une lutte pour sauver et l’amour et l’espérance.
Et Jésus lui dit : « Ton frère se relèvera de la mort. » Il affirme clairement la résurrection de Lazare. Marthe n’en semble pas déroutée mais sa réponse lourde de la profondeur de sa déception est significative : « Je sais qu'il se relèvera lors de la résurrection des morts, au dernier jour. »
« Au dernier jour », dans un avenir lointain ! Une espérance qui se conjugue au futur. Piètre consolation ! Or la vie se joue au présent, ici et maintenant ! C’est aujourd’hui qu’elle a perdu son frère et qu’elle a besoin d’une parole, d’une promesse qui aide à se relever et à reprendre pied ! A quoi bon cette espérance lointaine ? Elle n’apaise pas la douleur de l’absence présente ! Les bons sentiments, les paroles pieuses, les affirmations de promesses pour un futur lointain et hypothétique ; en quoi peuvent-ils aider à vivre ?
Et pourtant, combien nous en prononçons dans les moments de souffrance et de deuil ! Pour quoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Pour nous rassurer nous-mêmes ? Pour interdire à celui qui souffre ou qui est en deuil de s’exprimer, de se plaindre, de crier à l’injustice ?
Marthe ne se tait pas mais exprime sa déception et son reproche à Jésus. Pour Marthe, il est clair que si Jésus avait été présent aux côtés de Lazare malade, il aurait pu le sauver. Maintenant que Lazare est mort, le miracle est devenu impossible… en tous cas, jusqu’au dernier jour ! Entre le présent et ce dernier jour, la mort a gagné et marque la limite de la puissance de celui qu’elle appelle « Seigneur ».
Sa confession de foi confesse presque une déception : « Oui, il ressuscitera… mais au dernier jour ! A quoi cela m’avance-t-il aujourd’hui ? En quoi, cela peut-il me consoler et m’aider à vivre l’absence aujourd’hui ?
Au futur de Marthe, Jésus répond par un présent. Plus qu’un présent, il lui dit une Présence : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Dans ce présent, Marthe reconnaît une Présence. A la question de Jésus : « Crois-tu cela ? » Marthe répond par une confession de foi impressionnante et risquée à la fois : « Tu es le Messie, le Fils de Dieu ! » Elle reconnaît en Jésus, la Présence de Dieu, le Sauveur, c’est à dire celui qui ici et maintenant peut répondre à ses besoins existentiels ; qui peut guérir ses blessures intérieures et faire revivre ce qui est mort en elle. Pouvons-nous en dire autant ? Qui est Jésus pour toi ?
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« Tu es le Messie, le Fils de Dieu ! » est la réponse de Marthe à Jésus. Belle confession de foi, certes, mais qui tombe un peu à côté du sujet. Elle ne répond pas à la question de Jésus qui lui demande si elle croit qu’il est, lui, la résurrection et la vie. Elle affirme autre chose, quelque chose de vrai, certes, mais presque stéréotypé, comme sil elle récitait encore un catéchisme.
Or, la foi, la vie avec Jésus n’est pas déconnectée des événements de la vie. La foi que nous confessons n’est pas apprise par cœur, n’est pas une récitation de catéchisme mais elle nous est révélée à chaque moment de notre vie, dans cette rencontre personnelle avec le Christ. Mais si Marthe donne cette réponse décalée par rapport à la question, n’est-ce pas dû à sa perplexité devant le caractère scandaleux de l’affirmation de Jésus ?
Au moment décisif, a-t-elle peur de s’engager dans une relation trop intime avec le Christ ? Est-ce que cela l’arrange de repousser à plus tard ce qu’elle ne peut croire pour elle-même, pour le présent, à savoir la résurrection et la vie dès maintenant, dans sa vie ?
N’est-il pas plus confortable de réduire sa foi, son espérance à une sorte d’affirmation toute théorique mais qui n’a pas d’incidence dans la vie présente. N’est-il pas plus rassurant de faire de la résurrection une utopie pour la fin des temps plutôt que d’en faire l’expérience au quotidien ? Jésus, en la questionnant « crois-tu cela ? » cherche à conduire Marthe à faire de sa foi et de son espérance, une réalité pour elle-même, pour aujourd’hui, pour le présent ! A l’incarner, à la/en vivre !
En cherchant à se consoler dans une espérance projetée dans l’avenir, Marthe risque de manquer le présent. De rater le présent. De rater Jésus Christ. De passer à côté de la vie, de la résurrection, alors qu’elle est debout, en face d’elle. Manquer la cible. Rater le coche, c’est littéralement ce que signifie le verbe que nous traduisons par « pécher ».
Le péché, c’est refuser de croire à la vie et à l’amour possible, ici et maintenant. C’est douter de l’amour du Christ qui veut nous donner la force et l’énergie pour vivre et pour aimer. C’est renoncer au compagnonnage avec le Christ qui a affronté la souffrance et traversé les ténèbres de la mort pour nous révéler que le sens de notre vie et ce qui lui donne un goût d’éternité, c’est l’Amour ; l’Amour dont nous sommes aimés de Dieu et qui vivifie et fait grandir notre amour pour les autres. « Crois-tu cela ? » dit Jésus.
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« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Jésus n’en dira pas plus mais signera cette affirmation par un acte. Il se rend au tombeau et donne l’ordre d’enlever la pierre qui ferme la grotte. Tout d’un coup, Marthe semble prendre peur, peur d’être exaucée, peur de l’inconnu, peur d’un présent bouleversé. Et elle essaie de dissuader Jésus : « Seigneur, il doit sentir mauvais, car il y a déjà quatre jours qu'il est ici. »
Elle semble préférer se résigner à la mort plutôt que d’accepter de s’ouvrir à la vie ! Cette hésitation de Marthe, n’est-elle par l’expression même de toute l’ambiguïté du désir qui espère en même temps qu’il craint d’être exaucé ?
Car l’exaucement, bouscule, transforme le présent et oblige à le repenser, à changer ! Devant sa crainte, Jésus fait appel à sa mémoire : « Ne te l'ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » C’est à la croisée de la foi (si tu crois) et de la présence de Jésus Christ que s’opère alors le miracle. Et ce qui suit est d’importance. Ce n’est pas Jésus qui miraculeusement soulève la pierre, mais ce sont ceux-là même qui ont intercédé auprès de lui qui enlèvent la pierre. Comment comprendre cela ?
Notre prière ne peut se contenter de mots. Elle exige de nous que nous soyons prêts à nous impliquer dans ce que nous demandons à Dieu. Être acteurs de notre prière, être conséquent avec ce que nous demandons.
Croire, c’est aussi faire notre part, rouler la pierre qui fait obstacle dans notre vie, au miracle de la vie, et par-delà, au miracle du pardon et de l’amour. Marthe, Marie et tous les autres, deviennent acteurs de leurs prières, passent des paroles aux actes ; deviennent eux-mêmes des vivants qui font place à la vie, à l’amour qui ouvre pour Lazare le chemin vers la vie, le chemin de l’amour ! Ils sont eux-mêmes déjà des ressuscités qui s’engagent pleinement pour faire place à la Vie !
Avant même que le miracle de la résurrection de Lazare ait lieu, le miracle de la Vie qui met en mouvement à la rencontre de l’autre, a eu lieu dans le cœur de Marthe, Marie et les autres. Et finalement, Marthe ne cherche plus à discuter, à rétorquer, à hésiter, à argumenter. Elle laisse ouvrir le tombeau, elle accepte d’accueillir la vie telle qu’elle se présente, même dans ses aspects les plus sombres (l’obscurité du tombeau) et les moins glorieux (les bandelettes), elle se fait complice de celui dont elle a dit : « Tu es le Messie ! Le Fils de Dieu ! »
En faisant confiance à Jésus, en acceptant de devenir actrice de sa prière, elle vit déjà en ressuscitée ! Marthe a été exaucée, non pas comme elle l’entendait mais bien au-delà de tout ce qu’elle avait exprimé.
***
Il aura fallu 43 versets de gestation ! 43 versets durant lesquels la foi de Marthe se développe et s’éprouve ; foi qui devient manifeste lorsqu’elle fait confiance et participe à l’ouverture du tombeau ; foi au présent, foi fondée sur une promesse, foi qui est consentement à la Vie ! Et alors ce n’est plus seulement Lazare qui ressuscite mais tous les intervenants qui ont cru que celui qui se tient devant eux, est vraiment la Résurrection et la Vie.
***
C’est à ce même cheminement de foi que nous sommes invités aujourd’hui. La maladresse de notre foi n’est pas un obstacle pour Dieu pour exaucer notre prière, pour déplacer avec nous des montagnes, pour ressusciter en nous ce qui est mort et nous entraîner à célébrer la Vie avec le Christ et autrui, pour rouler les pierres de nos fautes qui nous rendent malades, qui brisent des amitiés et des amours, qui nous séparent des autres, nous empêchent d’aller à leur rencontre et nous font courir le risque de rater notre vie, de manquer la cible du pardon et de l’amour.
Dans nos détresses, n’oublions pas d’avoir le réflexe de Marthe qui consiste à aller vers le Christ, à lui confier notre misère et tout ce que nous avons sur le cœur. Faisons-lui confiance et croyons que le souci permanent du Christ est de nous maintenir debout, comme il le fait avec Lazare, avec Marthe et tous les autres. Amen
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