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© Camer.be : Samuel Mben Mben
- 20 Mar 2023 16:37:08
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CAMEROUN :: M. Johnson : « J’ai considéré qu’il faut arrêter là l’hémorragie culturelle. » :: CAMEROON
« DEVOIR DE MÉMOIRE », c’est le titre de l’excellent ouvrage qui viendra à coup sûr enrichir la littérature camerounaise en général et la culture Banen en particulier d’autant plus qu’un accent est mis sur la sauvegarde du patrimoine immatériel de son peuple.
Pouvez-vous vous présenter auprès de ceux qui ne vous connaissent pas encore ?
Dr Madeleine Johnson, ethnobotaniste diplômée de l’université de Hambourg (Allemagne) , chercheure, écrivaine, désormais SA La Reine Banen. Promotrice du FestiBanen Ɛngánda (festival Culturel du peuple banen), Fondatrice de l’association Hisendji. Responsable du pôle culture de l’Agence Yinindi. Depuis 2003 œuvre pour la construction d’un muséum d’histoire naturelle des Banen
On parle beaucoup de la sortie de votre nouveau livre. Est-ce vrai ?
Oui le livre est là. Il est disponible aux Editions clef à Yaoundé, mais pour une bonne organisation de la distribution (traçabilité), il faut que les intéressés passent des commandes par mail (maajohson@yahoo.fr).
Qu’est-ce qui vous a motivé à publier un nouveau livre ?
Il y a toujours plusieurs raisons qui motivent un auteur, un écrivain. Les miennes sont comme je l’ai toujours dit :
Elles sont d’une part, professionnelles. En tant que chercheure c’est tout à fait normal de faire des publications, des productions ….
D’autres part, privées et personnelles. Ayant perdu mon frère de façon brutale, j’ai été confrontée à des rites de purification, comme on le fait chez les Banen en pareil cas. Par la suite, j’ai voulu comprendre le pourquoi du comment du principe actif des plantes dans le domaine des soins ou de la santé…
Ce nouveau livre rentre dans la continuité du second, intitulé « Plantes et rites sacrificiels chez les Banen du Cameroun »… une suite de notre entreprise de collecte et de conservation, où plusieurs questions ont été soulevées lors de la dédicace et dont les réponses ont d’une part suscitées des commentaires et des analyses plus poussées et qui ont nécessité un rendu tout en prenant en compte les nouvelles suggestions pertinentes qui ont été faites.
Par ailleurs il y a intérêt à recueillir et à documenter les récits des témoins de l’histoire du peuple banen qui sont encore en vie. Nous avons déjà beaucoup perdu avec le départ de la plupart de nos anciens et leur témoignage est perdu à jamais. J’ai considéré qu’il faut arrêter là l’hémorragie culturelle et commencer une œuvre de sauvegarde et peut-être même de reconstitution. Des événements ont marqué le peuple banen et es jeunes ne les connaissent pas. Nous estimons que ces événements entrent dans a composition de ‘identité et qu’il est nécessaire de collecter et de conserver du matériel qui pourra servir aux chercheurs de demain. Aujourd’hui, une partie du travail porte sur la préservation du territoire et les guerres de l’est. Demain, il pourra s’étendre sur les guerres de l’ouest et procéder à une collecte de ‘information sur le maquis à Nitoukou, Ndokbanol et Yingui
Qu’est - ce qui vous a inspiré le titre « DEVOIR DE MÉMOIRE ? »
Nous ne devons pas perdre de vue que notre principal objectif est de découvrir, de collecter et d’archiver les éléments du patrimoine du peuple Banen disséminés sur le territoire national et ailleurs.
Le projet s’appuie sur des éléments concrets : restituer les bribes d’histoire ancienne et récente du peuple banen, ses guerres pour la conservation de l’intégrité du territoire et en même temps, honorer des personnages qui représentent les différentes facettes de cette culture : D’où le titre « Devoir de Mémoire »
Dans cet ouvrage vous mettez un accent sur la sauvegarde du patrimoine immatériel du peuple Banen. Qu’en est-il exactement ?
Comme dans toutes les autres publications, il a toujours été question de la valorisation, la promotion et la sauvegarde du patrimoine immatériel du peuple Banen.
Dans la valorisation : c’est ce que nous avons commencé il y a plus de 2 décennies à répertorier puis à documenter ; car on ne peut valoriser que ce qu’on connaît et surtout ce à quoi on attribue une certaine valeur (publications/livres).
Comme je l’ai esquissé plus haut, le pays Banen est non seulement diversifié et vaste, mais fort heureusement riche également. Il faut toute une vie pour pouvoir dévoiler ses contours culturels et historiques.
La promotion de ce qui a été, et surtout de ce qui est en train d’être jugé valeureux, a elle aussi été lancée sur différentes plateformes à l’instar du FestiBanen : Ɛngánda où, à travers les différents piliers : danses, chants, contes et contes autour du grand feu, spécialités culinaires, artisanat, connaissances des us et traditions, histoire (conférences/tables rondes) et plongée dans les différents chefferies traditionnelles…on a l’occasion de découvrir et valoriser ce que ce grand peuple, le peuple banen a comme richesses et trésors immatériels et matériels
Enfin sur le plan de la sauvegarde, ce n’est un secret pour personne, surtout pour ceux qui me suivent et m’accompagnent depuis la première heure, que la finalité de ce grand projet communautaire que je porte est la construction d’un complexe muséal en pays Banen.
Ce projet (construction du complexe muséal) fait l’objet d’une démarche auprès du ministère des arts et de la culture à l’époque du Ministre Amah Tutu Muna ainsi qu’avec la Mairie de Ndikiniméki. Je ne voudrais pas revenir sur les circonstances qui ont retardé la mise en œuvre du projet, mais je voudrais souligner avec bonheur qu’un projet similaire vient d’aboutir et qu’on entendra parler bientôt à Ndikiniméki du bâtiment destiné à ce projet de musée. Avec cette initiative parallèle que nous saluons, nous estimons qu’il est en train de prendre corps.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?
Les difficultés sur le terrain sont matérielles et financières.
- Il faut du matériel adapté aux intempéries (délestage, pluie…)
- L’accessibilité des villages
- Les sentiers et routes qui desservent le pays banen sont pour la plupart peu praticables toute l’année.
Avez-vous le soutien de l’élite Banen ?
J’ai toujours bénéficié du soutien inconditionnel de certaines personnes, que vous aurez l’occasion de découvrir dans le livre. Les populations banen et surtout la chefferie traditionnelle banen a vite fait de comprendre l’essence même de ma tâche et de ma mission et m’a élevé au rang de Reine. Une reconnaissance que j’accepte et incarne avec humilité.
Quelles sont vos attentes après la sortie de ce livre ?
Mes œuvres font partie du patrimoine banen. Cet ouvrage est non seulement intitulé « Devoir de Mémoire » il s’agit d’un devoir pour chaque individu amoureux des traditions et cultures étrangères en général et pour chaque munen en particulier de se le procurer.
En se le procurent, le munen fera son devoir de mémoire et de transmission à la génération actuelle et à celle du future des enseignements sur les us et certaines pratiques traditionnelles propres aux banen, et surtout ces générations comprendront que la terre qu’elles ont reçue en héritage et où elles vivent aujourd’hui, a été conservée et protégée à la suite d’efforts consentis (parfois au prix des guerres) et par conséquent, qu’elles ne doivent pas faire n’importe quoi avec ce legs. ……
Quelle lecture faites-vous de l’Agence YININDI où vous êtes la responsable du pôle Culture ?
C’est vraiment une question épineuse. Spontanément j’ai envie de ne pas répondre à cette question qui pour moi relève de la cuisine interne de l’agence. Je vais toutefois me faire violence et vous dire quelques mots. YININDI = Yingui+Nitoukou+Ndikiniméki
C’est un bébé commun à toute la diaspora Banen vivant en Europe. Nous l’avons accouché après de longs sacrifices, mais son fonctionnement aujourd’hui est pour moi source de grande déception. Je suis parmi les membres fondateurs de cette agence, j’ai été membre de la première coordination de l’Agence et responsable du pôle culture.
Nous avons passé des jours et des nuits à réfléchir sur la mise en place d’une structure qui non seulement matérialiserait l’identité Banen en plus et surtout qui servirait à fédérer les efforts fournis par les filles et fils Banen de la diaspora, éclatés dans différentes associations, pour le développement du pays Banen.
Il n’était en aucun cas question d’une superstructure qui venait coiffer et surtout dicter comment devaient fonctionner ces associations déjà autonomes et indépendantes. La première erreur que nous (ayant fait partie de la toute première coordination) avons faite était : l’ingérence.
Nous nous sommes mêlés des affaires internes d’une association autonome et indépendante. L’Agence subit encore aujourd’hui les conséquences de cette ingérence. C’est dommage.
La 2ème erreur, c’est d’avoir une 2nde coordination qui patine. Qui a décidé de ne pas respecter les statuts, où le coordinateur travaille depuis plus de 1 an ½ de ses 2 années de mandat sans impliquer ni les pôles ni le CA.
Comment dénoncer ces agissements sans toutefois être catalogué et même insulté … comme celle ou celui qui défend ses propres intérêts ? Dans le pôle culture, nous échangeons entre nous ; mais comment et où devons-nous communiquer avec le reste du groupe ? C’est vraiment du gâchis…
Je vous remercie