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© Camer.be : Rév. Dr Joel Herve BOUDJA
- 26 Feb 2023 08:30:09
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FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 26 FEVRIER 2023 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
Textes : Genèse 2, 7-9 ; 3,1-7 ; Romains 5, 12-19 ; Matthieu 4, 1-11
Chers frères et sœurs dans le Seigneur,
Le carême est souvent présenté comme un simple temps de recentrement, de ressourcement, de retour à l’essentiel… Un peu comme s’il s’agissait d’une période de régime, d’amaigrissement de l’ego. Une petite cure de detox en somme — et un temps de quarantaine — pour éviter les tentations et renaître à Pâques ! Ce n’est pas totalement faux bien entendu, mais c’est toujours un peu moralisant. Il y a certes le temps du carême, mais il pointe surtout vers les lieux où jeûner trouve réellement sa pertinence ! Il s’agit de visiter ces lieux où il nous faut vaincre notre envie de maîtrise, ces lieux, ces relations sur lesquelles il nous faut poser un regard différent, neuf !
Je ne sais pas si vous avez fait attention aux différents lieux où se situent les tentations que nous avons entendues. Ils ne sont pas choisis au hasard. Dans l’évangile, les tentations de Jésus sont éprouvées respectivement dans le désert, mais aussi dans la Ville sainte, et sur la montagne. Dans la symbolique biblique, ce sont justement des lieux de rencontre avec Dieu, autant de lieux où le sacré se révèle…
Dans l’évangile de Matthieu, les tentations ne sont donc pas situées dans des lieux neutres, loin du sacré, a priori éloignés de Dieu. L’évangéliste place justement le tentateur là où l’homme biblique a l’habitude de chercher Dieu : au désert, dans la ville sainte, dans le temple : là où peut-être nous nous croyons parfois plus proches de lui…
Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut jeûner d’église, ne plus fréquenter les lieux de cultes et se mettre en quarantaine comme si un mystérieux virus régnait dans les endroits sacrés. Non, mais c’est bien là toute l’ambiguïté de la tentation, et l’œuvre du diviseur et du serpent. La tentation et la convoitise se développent justement dans les lieux que nous idéalisons, les personnes que nous admirons, dans nos lieux de sécurités, de confort, de sacré, …
N’est-ce pas bien souvent lorsqu’on croit qu’une relation est solide et indestructible, qu’elle nous échappe et qu’on éprouve de la solitude ? N’est-ce pas souvent lorsqu’on a des certitudes — sur soi ou sur Dieu — que nos proches sont là pour nous rappeler qu’elles sont illusoires et que nous sommes ainsi ramenés à notre finitude ?
Et c’est peut-être là toute la complexité des lectures de ce jour. Elles nous invitent à lutter — utilisons le mot — contre toute tentative de maîtrise, de sécurité, de preuve, de toute-puissance… Elles nous invitent à visiter les lieux de nos idéaux, les lieux de pouvoir afin d’y faire place au manque. C’est ce combat que Jésus, au désert, dans la ville sainte et sur la montagne, a remporté. Il n’a pas voulu entrer dans la maîtrise, mais bien dans la maitrise de sa maîtrise. Et tel peut être l’enjeu de notre carême. Il s’agit — dans tous les lieux où nous espérons être épanouis, où nous voulons réussir ou être comblés — de jeûner du désir d’être rassasié ! Permettez-moi l’expression paradoxale… Il s’agit de jeûner du désir d’être pleinement rassasié.
Avec cette clé, je vous invite à revisiter tous vos lieux de vie… Au boulot ? Il s’agit de jeûner du désir d’être pleinement satisfait ! En couple ? Il s’agît de jeûner du désir d’être pleinement heureux ! Avec Dieu ? Il s’agit de jeûner du désir d’être pleinement comblé ! Désire ce que tu as, et tu auras alors tout ce que tu désires nous rappelle la sagesse ! Il nous adresse donc cette question toute simple. En quoi, en qui, où places-tu ton désir le plus profond ? Qu’est-ce qui te nourrit ? Ce pour quoi tu serais prêt finalement à « sacrifier » ta vie et à la rendre finalement sacrée ? N’y a-t-il pas un jeûne salutaire à faire ? N’est-ce pas dans un de ces lieux qu’il faut jeûner de notre désir d’être comblé ? Et qu’il faut laisser de la place à Dieu ? Chez certains, ce sera le jardin d’éden, d’une relation idéalisée ou d’une famille rêvée ; chez d’autres, ce sera la ville sainte d’une religion, d’une église dont il faudrait faire le deuil ; chez d’autres encore, ce sera la montagne d’un projet aussi idéalisé qu’irréaliste.
Oui, il nous faut jeûner du désir — tellement humain — d’être comblé. L’humain ne grandit que lorsque son désir de puissance est vaincu, que lorsqu’il met des limites à l’illimité de son désir. Bien entendu, « il ne s’agit pas de refuser le désir, mais le désir de tout désirer. Il ne s’agit pas de refuser d’être excellent — ou d’être à la pointe dans une discipline, par exemple — mais de refuser d’être dans la toute-puissance. » Il s’agit peut-être, simplement, d’inviter Dieu à notre table. Paul Beauchamp a une belle expression pour résumer la première lecture : « l’être humain peut manger de tout… il ne peut manger le tout » !
Alors, je vous invite à revisiter tous vos lieux — à commencer par votre cœur — qui aspirent où il faut passer par un temps de jeûne.
Le jeûne amène toujours un petit creux, comme un tombeau vide invitant à une renaissance. Vécu comme cela, ce carême nous nourrira réellement, nous donnera faim, nous restaurera.
Bien-aimés dans le Seigneur,
Au-delà de ces quelques considérations, je voudrais avec vous, ce matin, insister sur les bienfaits du jeûne puisque le Christ l'a vécu durant quarante jours, nous rappelle l'évangile. Très vite, lorsque nous avons la chance de pouvoir vivre un temps de jeûne, nous découvrons des manques. Et ces derniers sont essentiels pour nos vies. Me revient en mémoire cette histoire de Jacques Lacan (médecin et psychanalyste français) qui assistait à un colloque sur sa propre pensée.
Au fur et à mesure des interventions, il avait l'impression que tout avait été dit, que tout était comblé, qu'il n'y avait plus lieu d'ajouter quelque chose. Dans sa conclusion, il dévoile à l'ensemble des participants cette réalité : « en vous écoutant, j'ai ressenti que le manque commençait à me manquer ». Il n'y a rien de plus terrible lorsque le manque nous manque. Cela signifie que nous sommes devenus pleins de tout. Il n'y a plus aucun espace en nous. Nous nous confrontons alors au comble du manque, c'est-à-dire le manque du manque tellement celui-ci est comblé. Il est vrai que cette situation peut nous rassurer.
En effet, il n'est pas toujours facile de marcher au milieu de son propre désert marqué par tant de vide. Nous pouvons être épris d'un certain vertige. Il en va d'ailleurs du désert comme du jeûne. Ce dernier ne concerne pas seulement la nourriture. Il nous est effectivement loisible de jeûner de tant de chose. Dans un hôpital, combien d'entre nous ne sont-ils pas confrontés au jeûne de la santé. Elle vient à manquer et nous cherchons à la restaurer. Un tel jeûne nous fait également entrer au plus profond de notre être, vivre une certaine forme de retraite intérieure pour retrouver l'existentiel de nos existences.
L'épreuve de la maladie, de la perte d'un être cher peut nous laisser un grand vide tout en nous ramenant à nos manques essentiels. Il est vrai que certains ne pourront plus jamais être comblés et qu'il y a une forme de béance en nous. Dans la foi, osons alors croire et espérer qu'au plus profond du fond de nos manques, nous ne sommes pas seuls. Par l'exemple de cet épisode au désert, le Christ s'invite au cœur de nous-même. Il est cette présence discrète, respectueuse, un souffle fragile qui vient susurrer au creux de notre ombre : « non, tu n'es pas seul, je suis avec toi car je suis descendu au creux de tous tes manques. Je reconnais cette béance qui t'habite et je m'autorise à venir m'y reposer pour qu'un jour, à ton rythme, lorsque tu le sentiras, tu pourras toi aussi vivre de ma présence au cœur de ton cœur ».
De manière symbolique, le tentateur de l'évangile ne permet pas ce temps de ressourcement. Il nous enferme en cherchant à nous combler de faux besoins. En effet, par rapport à la première tentation, le Christ nous rappelle que tout être humain a plus besoin d'amour que de nourriture. A la seconde tentation, Jésus nous demande de ne pas entrer dans un processus de négociation avec le Père. Celui-ci se vit en nous au plus intime de notre intimité. Enfin, le refus de la troisième tentation est de reconnaître que notre Dieu qui s'est révélé en Jésus-Christ est un Dieu qui s'agenouille auprès de nous en étant cette présence toute intérieure qui illumine nos manques véritables d'une espérance que rien ne pourra jamais venir éteindre. Entrons alors ensemble dans ce merveilleux temps de Carême, il est pour chacune et chacun de nous, où que nous en soyons dans nos vies, ces jours offerts pour que le manque nous ramène toujours vers l'essentiel de notre histoire, c'est-à-dire l'amour. Amen
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