PREDICATION DU DIMANCHE 05 FEVRIER 2023  Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 05 FEVRIER 2023 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA

Textes : Esaïe 58,5-10 ; 1 Corinthiens 2, 1-5 ; Matthieu 5, 13-16

Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. »

Cet évangile contient deux paraboles, deux images : le sel et la lumière. Pour le prédicateur, c’est une de trop ; il doit choisir ; aujourd’hui, je choisis le sel. Commençons par un petit rappel.
Le 1er usage du sel, c’est de le mettre dans les aliments, afin de les rendre savoureux. Ce plat est fade ? Ajoute une pincée de sel, il sera mangeable ! C’est pourquoi le sel est devenu le symbole de la sagesse : un homme est sage quand il a le talent de rendre la vérité appétissante.

Le 2ème usage du sel, c’est d’y plonger les aliments : on sale les viandes et les poissons pour les conserver, puisque le sel détruit les microbes. C’est pourquoi le sel est aussi le symbole de la purification. Ainsi avant d’offrir des sacrifices à leur dieu, les Anciens les salaient pour purifier leur demande.

Or pendant des millénaires, jusqu’au XVIIIe siècle, le sel était rare donc cher. Il fallait travailler dur pour se l’offrir (c’est l’origine du mot « salaire »). Le sel était le symbole d’une chose aussi indispensable que précieuse. Aussi la Bible l’utilise-t-elle à toutes les sauces. Par exemple : « partager le sel » avec quelqu’un signifie : entrer en amitié avec lui ; « manger le sel » de quelqu’un, c’est carrément vivre chez lui ; quant à « un pacte de sel », c’est une alliance indissoluble.

Les auditeurs de Jésus savaient tout cela. Pourtant grand fut leur étonnement d’entendre Jésus utiliser cette image du sel pour décrire la mission de ses disciples. En effet, nulle part dans l’Ancien Testament, le sel n’est associé au peuple d’Israël. C’est à ses disciples — à eux seuls — que Jésus annonce : « Vous êtes le sel de la terre. » Et cette image du sel dans la terre est encore plus forte que celle du levain dans la pâte, car la terre, c’est l’univers entier, d’une extrémité à l’autre.

Moi, dit Jésus, je vous envoie en ce monde pour y agir comme le sel avec les aliments. Mêlez-vous à lui, intimement, afin de le purifier, et l’empêcher de se putréfier ; afin de le bonifier, et lui révéler le sens de l’existence ; afin de le sauver de sa fadeur et le relever comme je me suis relevé d’entre les morts !

Seigneur, quel programme… comment cela se fera-t-il ?
Cela se fera simplement, par votre façon de vivre : votre fidélité, votre pureté, votre courage.

Frères et Sœurs dans le Seigneur,

Certains articles dans la presse ne vous auront sans doute pas échappé ces derniers temps. Ils traitaient de notre trop grosse consommation de sel. « Le français consomme trop de sel » titrait un grand quotidien en ligne, si bien qu'une association de consommateurs plaide aujourd'hui pour une harmonisation de la politique nutritionnelle au niveau européen sur le sel. Vous imaginez ! Il paraît qu'en moyenne, nous consommons chaque jour le triple de ce dont nous avons réellement besoin... Il convient donc d'être mesurés avec le sel ! Mais pas seulement avec cet aliment... avec le soleil et lumière également ! Dans quelques mois, au cœur de l'été, la presse nous invitera probablement à faire attention au soleil. Et les titres seront : les français utilisent trop peu de crème solaire, ne font pas assez attention au soleil...

« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » nous dit l'évangile. Faut-il faire le régime de ce que nous sommes et de ce qui nous fait vivre ?

Dans notre culture du contrôle, qui se méfie volontiers de tout, le sel et la lumière ne sont pas regardés de la même manière que du temps Jésus. En effet, dans l'antiquité, le sel et la lumière étaient deux réalités considérées comme tout à fait essentielles. D'après un vieux proverbe latin, « il n'y a rien de plus utile à la santé que le sel et le soleil ». Aussi les médecins de l'époque prescrivaient-ils constamment l'usage du sel ! Les choses, vous le savez, ont bien changé !

Alors, quelle pertinence donner à ce symbole proposé par l'évangile ? Permettez-moi aujourd'hui de m'attarder sur ce symbole du sel, que nous avons à être chaque jour davantage !

Être du sel, c'est vivre le paradoxe de la vie, c'est conjuguer en même temps deux dimensions apparemment contradictoires. Car le sel est, d'une part, ce qui permet de garder et conserver les aliments, et d'autre part, ce qui attaque et purifie.

Le sel est d'abord ce qui conserve. Être salin, vivre de l'évangile, c'est avoir tout d'abord une capacité de garde et de veille. Il y a au fond de chacun et chacune d'entre nous un trésor à conserver.

Être du sel, c'est parvenir à garder ce qui nous nourrit : des paroles et des gestes qui nous ont façonnés. Des valeurs aussi, qui nous ont fait grandir. Être sel de la terre, c'est bien discerner l'essentiel, ce qui dure, au-delà du sucré et du mielleux.

Être sel de la terre, c'est, avec très peu de choses - avec des gestes tout simples et tout ordinaires - donner du goût à la vie, offrir de la saveur à nos existences. Il faut quelques grains de sel pour changer un plat, ou le rater.

Être salin selon l'évangile, ce n'est pas conserver de l'ancien dans du neuf, c'est avoir cette capacité de toujours garder et regarder l'essentiel. Vous le savez, nos histoires se construisent sur des rencontres. Heureuses ou douloureuses, nous ne pourrions avancer, si nous n'avions pas cette capacité à chérir et conserver au fond de nous ce qui nous a fait grandir : toutes ces rencontres qui nous ont façonnés, sans nier ces moments plus difficiles que nous avons traversés.

Être du sel, c'est conserver, reprendre à soi son histoire plutôt que de la rejeter ou de lutter contre ce qui ne peut plus être changé.

Être du sel, c'est avoir cette capacité de se souvenir, de faire mémoire. 

Mais d'un autre côté, et dans le même mouvement, pour être sel de la terre, nous avons le devoir d'attaquer, d'éliminer ce qui nous empêche d'avancer. Le sel est en effet ce qui peut purifier, ronger, attaquer.

Être du sel, c'est parfois s'inscrire en faux contre ce qui fausse l'humain. Il est tentant parfois, de se laisser absorber, de se dissoudre : « Tout le monde le fait, alors pourquoi pas moi ? ». Il ne s'agit pas d'être caustique ou destructeur, mais il s'agit de développer en nous cette capacité à dire « Non ».

Voilà donc le paradoxe du sel. Capacité à dire oui à la vie et à dire non à ce qui fausse l'humain. Conservateur et purifiant, tout l'art est dans l'équilibre de ces deux dimensions. Si certains se posent en étant des agents conservateurs figés, d'autres se posent en s'opposant, en mordant, en attaquant. Il y a les uns qui veulent une société pour l'homme tel qu'il est et qu'il faut conserver, d'autres pour l'homme qu'il devrait être.

L'évangile est plus subtil que cette alternative. Il nous invite à créer un monde, c'est à dire le royaume, pour l'homme tel qu'il peut être et devenir. Voilà la soif que procure le sel de l'évangile, la soif d'aimer et d'exister.

On dit qu'il faut trois grammes de sel maximum par jour. Alors je nous invite à faire le régime évangélique : à mettre chaque jour trois grains de sel dans nos vies :

- un petit grain d'évangile pour vous conserver dans nos cœurs celles et ceux que nous aimons, même si nous ne les voyons peut-être plus.

- mettons aussi notre petit grain de sel, pour oser nous inscrire en faux contre ce qui autour de nous fausse l'humain... ?

- et enfin, un dernier grain de sel évangélique, pour vous donner le goût de vivre, la soif d'aimer...

Voici le programme de l'évangile que nous sommes invités à vivre ! Bon régime... mais attention aux excès... pour éviter l'hypertension spirituelle... Amen !

 
 

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