PREDICATION DU DIMANCHE 15 JANVIER 2022  Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 15 JANVIER 2022 Rév. Dr Joël Hervé BOUDJA

Textes : Esaïe 49, 3-6 ; 1 Corinthiens 1, 1-3 ; Jean 1, 29-34

« Et moi je ne le connaissais pas » : quelle parole étonnante ! Bien sûr, Jean Baptiste connaissait Jésus. C’était son propre cousin. Depuis longtemps il savait qu’il était le Messie, et il avait préparé sa venue, tracé son chemin, c’est lui qui avait tressailli dans le sein de sa mère lorsque Marie est venue à la rencontre d’Élisabeth. Alors que veut dire cette parole ?

Jean Baptiste se faisait une représentation du Messie, comme tous les juifs de son temps. Il croyait à ce Messie qu’on attendait. Pour cela il fallait se convertir, préparer son cœur pour l’accueillir : « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres, tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu » (Mt 3, 10). Il le présente comme un vanneur, qui va nettoyer son aire à battre le blé, qui sépare la paille du grain. Il va garder le grain et brûler la paille dans un feu qui ne se consume pas.

Le Messie est celui qui vient accomplir un jugement, il annonce un jour où tout va être remis en ordre, mais à quel prix ? C’est lui qui va baptiser dans l’Esprit Saint et le feu, qui va séparer les bons et les méchants, comme le feu du jugement dernier. C’est pourquoi en voyant Jésus venir à lui, pour se faire baptiser à la suite des pécheurs, Jean Baptiste s’exclame : « c’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi !» (Mt 3, 14).

Jésus répond : « pour le moment, laisse-moi faire. Il faut accomplir toute justice ». Il faut souligner ce paradoxe : celui qui vient se faire baptiser dans les eaux de la mort, c’est lui qui vient apporter le baptême dans l’Esprit Saint. Le feu va descendre dans l’eau. Le feu de l’Esprit Saint nous est donné à travers l’eau de la repentance, non pas après mais dans le baptême.

« Et moi, je ne le connaissais pas ». Jésus se manifeste d’abord à Jean Baptiste, comme ce Messie serviteur souffrant qui prend les péchés, les souffrances des hommes. Il le manifeste en descendant dans l’eau de nos péchés. Jean Baptiste le désigne comme l’Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde. Il ne le connaissait pas comme cela. Là il le découvre comme serviteur souffrant. C’est la nouveauté de la nouvelle Alliance, mais pourtant annoncée par les prophètes. Quel chemin a dû faire Jean Baptiste !

Ce n’est pas fini pour lui, car quand il sera en prison, il attendra encore la manifestation glorieuse du Messie. Mais apprenant les signes que Jésus opérait, ce qui ne correspondait pas à ce qu’on attendait du Messie, il dit : « Es-tu celui qui doit venir ou bien devons-nous en attendre un autre ?».

Ce chemin que Jean Baptiste a vécu, tout croyant doit le vivre dans son cœur, l’accueillir dans sa vie. Jésus nous déroute mais il est bon qu’il en soit ainsi. C’est cette image de Jésus qu’il faut faire nôtre, qu’il faut nous approprier. Comme pour ces gens qui lisent toujours le même journal, parce qu’il dit ce que l’on veut entendre, Jésus nous invite à sortir de nos habitudes. Jésus nous déroute parce qu’il ne va pas toujours dans le sens de nos opinions. L’Église de Jésus Christ d’Orient et d’Occident, qui rassemble tous les hommes, n’est ni de droite, ni de gauche ; elle n’est ni d’un côté ni de l’autre, ni traditionnelle, ni progressiste ; mais elle nous donne ce qu’il y a de meilleur dans chacun de ces courants, tout en les purifiant de ce qui n’est pas bon.

Avons-nous peur de ce que Jésus nous dit et qui nous déroute ? Sommes-nous capables d’accueillir en nous cette parole ?

Sommes-nous prêts à ce chemin de désinstallation de nos idées sur le Christ, l’Église, la Parole de Dieu?

Voilà la question que nous pose Jean Baptiste. Un chemin qui n’est pas sans douleur. Aujourd’hui où nous accueillons parfois des frères, des sœurs, qui sont d’autres confessions que nous et témoins d’autres traditions, engagés sur le même chemin du Christ, notre communauté doit s’ouvrir à la plénitude du Christ qui nous dépasse, nous dérange, nous appelle. Sachons accueillir les aspects du visage du Christ, dans les différents visages du monde. Tout cela est la Parole de Dieu. Accueillons-la dans notre cœur.

Bien-aimés dans le seigneur,

Il y a quelques années, j'ai vécu au cours d’un culte une expérience quelque peu étonnante, voire même étrange. Il y avait devant moi, un jeune homme qui n'arrêtait pas de me fixer de son regard. Et cela depuis le début du culte. Il m'était impossible de l'éviter. Chaque fois que mes yeux balayaient l'assemblée, je croisais les siens. J'étais dérangé parce que je n'arrivais pas à comprendre la fixité et l'intensité de son regard à mon égard. Quelques mauvaises pensées m'ont même traversé l'esprit au cours de la prière eucharistique lorsque je constatais qu'il continuait de me regarder de la sorte. Un peu comme si en paraphrasant le texte de Raoul Follereau, chaque fois, que je le voyais, je savais par lui que j'étais vivant.

Bien vivant puisque je sentais en moi monter un certain énervement. Quelle ne fut pas ma surprise après lui avoir donné la communion de découvrir lorsqu'il s'est retourné qu'il portait des appareils auditifs et que depuis le début du culte, il lisait sur mes lèvres. A cet instant, je compris l'intensité de son regard. C'est par ses yeux qu'il pouvait m'entendre.

Finalement, je me suis rendu compte qu’un regard est rarement neutre. Certains regards nous étonnent, d'autres nous effrayent, d'autres encore nous rassurent Il suffit parfois d'un simple regard pour se trouver bien ou pour être mal. A un moment donné de la vie, le regard de l'autre me façonne, me construit. Et souvent quand il me déstabilise, c'est parce que j'ai peur d'être jugé, incompris, condamné, en fait mal aimé tout simplement. De plus, par mon regard, tu ressentiras toute l'amitié que j'ai pour toi et moi par tes yeux, je reconnais les sentiments qui habitent au plus profond de ton être. C'est dans les yeux de l'autre que nous cherchons des forces pour affronter des moments plus difficiles. Par un simple coup d'œil, je sais que je ne suis plus tout seul.

Quelqu'un est là, il m'aime et me redonne le courage. Ce n'est pas si étonnant que cela, cette puissance du regard, n'est-il pas vrai qu'avec les yeux, nous ne pouvons pas mentir. Un peu comme si ceux-ci étaient le miroir de notre âme. Ils disent quelque chose de nous. C'est pourquoi, j'aime plonger dans le regard de l'être aimé pour retrouver confiance. C'est vrai, il suffit parfois d'un simple regard pour se dire tant de choses. Qui d'entre nous, lorsqu'il était à l'école, par exemple, ne comprenait pas ses voisins de classe par de simples regards ?

Combien de chahuts n'ont pas commencé de la sorte. Le regard est tellement important qu'il n'y a rien de pire que de parler à quelqu'un qui a mis des lentilles de contacts illustrées ou encore quelqu'un dont nous ne pouvons pas voir les yeux cachés derrière des lunettes de soleil. Je trouve cela personnellement insupportable et j'invite toujours la personne à les retirer sauf évidemment si celles-ci permettent de cacher la douleur d'un événement. Dans les autres cas, j'ai toujours l'impression que si la personne cache ses yeux, la relation n'est pas tout à fait vraie. Je ne peux pas véritablement entrer en contact. Tout comme celles et ceux qui lorsqu'ils vous parlent regardent par terre, derrière ou à côté de vous.

Les yeux sont donc essentiels et c'est sans doute la raison pour laquelle Esaïe écrit : " oui, j'ai du prix aux yeux du Seigneur, c'est mon Dieu qui est ma force " ou encore lorsque Raoul Follereau conclut : " quand je la vois, je sais par elle que je suis vivant ". Merveille du regard qui fait vivre. Merveille du regard qui s'attarde. Parce que finalement les yeux, c'est un peu comme la foi.

Dans la vie, toutes et tous, nous voyons des choses. Souvent de manière différente. Certains voient des détails auxquels les autres n'auront pas spécialement prêté attention. Il y a même parfois des choses que nous ne voyons pas du tout, comme si nous avions nos yeux en poche. C'est en cela que les yeux sont un peu comme la foi. Le regard est la lumière de l'amour et de la foi qui voit là où d'autres ne voient rien. Ce n'est donc pas parce que je n'ai pas vu quelque chose que la chose n'existe pas pour autant. Il en va de même pour la foi. Une foi éclairée par l'Esprit qui nous permet, comme Jean le Baptiste lorsque nous posons notre regard sur le mystère du Christ, de reconnaître, nous aussi : " oui, je l'ai vu, c'est lui le Fils de Dieu ". Que par nos yeux nous puissions toujours voir la réalité, la vérité de Dieu. Amen.

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