PREDICATION DU DIMANCHE 24 AVRIL 2022 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 24 AVRIL 2022 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Actes 5, 12-16 ; Apocalypse 1, 9-19 ; Jean 20, 19-31

Thème : La foi, le doute et l’incrédulité

Une dame m’a dit un jour : Mais comment peux-tu croire à tout cela ? Une vraie perte de temps, ça ne sert vraiment à rien, ce sont des histoires de grand-mère ? Comment peux-tu imaginer aujourd'hui encore croire à cette idée qu'un homme tel que ce Jésus est ressuscité ? Je ne comprends pas que tu puisses avoir la foi ? Oui, sans doute cela te rend la vie plus facile, conclut-elle avec un brin de condescendance, voire de mépris dans le regard. Pauvre de moi, pauvre de nous face à de telles questions, de tels jugements. Comme si c'était si facile de croire « à tout cela ».

La foi n'est pas une certitude, elle est plutôt une espérance, une conviction intérieure que face à tous les mystères de vie qui nous entourent, il doit bien exister une explication. Mais cette espérance ne suffit pas à elle-même, une fois pour toute, comme si tout était dit, comme si notre décision étant sans appel possible.

Non, la foi en ce Dieu trinitaire dont nous célébrons en ce temps de Pâques, le mystère de la résurrection, est à conquérir, reconquérir chaque jour. Elle ne nous est jamais acquise, un peu comme l'amour d'ailleurs. Cette foi, qui par moment nous colle à la peau et à d'autres reste une question, demande que nous nous investissions, elle ne peut se contenter de nos somnolences. En effet, ce Dieu en qui nous croyons et qui est la raison de notre présence en ce lieu, est un Dieu exigeant qui nous offre la liberté de croire, la liberté de répondre au don de la foi.

Ce serait tellement plus facile de ne plus se poser de questions, de vivre une foi de charbonnier mais nous risquons alors de stagner, de vivre en des eaux dormantes, troubles où nous ne partirions plus à la rencontre d'un Dieu, notre Dieu, qui continue de se dévoiler à nous chaque jour dans les signes des temps. Signes qui ne peuvent être lus qu'avec les lunettes de la foi. Une foi qui parfois brûle en nous comme un feu ardent, parfois tout simplement, tout silencieusement comme la flamme d'une bougie.

Ne craignons pas cette dernière, n'est-ce pas elle qui illumine notre espace intérieur, tout empreint de sa présence divine. Elle est là, nous indiquant au plus profond de notre silence, que Dieu ne s'est pas éloigné de nous, qu'il vit en nous. Il nous suffit de reprendre notre pèlerinage pour repartir à sa rencontre. La foi devient alors un peu comme les marées de la mer, elle vient et elle va. L'important, c'est qu'elle soit toujours là et ça, c'est à nous, et uniquement à nous, d'y veiller.

Mais le doute est bien là, me direz-vous ? Et c'est vrai, il est en nous, parfois, de temps à autre ou souvent même. Cela dépend de tant de facteurs. Ce doute peut nous faire peur, faire ébranler un édifice de certitude et pourtant, il est intégralement lié à notre désir de croire. C'est en cela que l'histoire de l'évangile de ce jour est merveilleuse.

L'histoire de Thomas devient ainsi un peu notre histoire. Il n'est pas le jumeau d'un quelconque frère de sang comme nous pourrions l'imaginer, non il est notre jumeau dans la foi, notre jumeau dans l'incrédulité, dans le doute.

Thomas, il est un peu une partie de nous. Il est celui qui doute. Mais heureusement pour lui, heureusement pour nous, lorsqu'il se met à douter, il ne se coupe pas de sa communauté. Il ne jette pas l'éponge, retournant à sa vie d'avant comme s'il n'y avait rien eu. Non Thomas, tout en doutant, reste auprès des autres apôtres. Il sait que la foi ne se nourrit que dans un partage, en communauté. Sans cette dernière, il ne pourrait pas tenir.

L'incertitude se transforme en certitude au contact de nos pairs, de celles et ceux qui nous entourent et partagent nos convictions. Grâce à cela, il se laisse approcher par le Ressuscité et dépasse son incrédulité. De son doute, va naître son cri, déchirure au cœur de lui-même, lorsqu'il dit au Christ : « mon Seigneur et mon Dieu ». Pour la première fois, Jésus est reconnu Dieu par l'un des siens. Il aura fallu qu'il passe par le mystère de la croix pour être reconnu comme tel.

Bien-aimés dans le seigneur,

Merci à l'apôtre Jean d'avoir osé rapporter dans son Evangile le témoignage d'un apôtre qui a vécu l'incrédulité. Thomas a connu le doute qui travaille le cœur du croyant. A ce titre, comme il nous ressemble avec son besoin de réel et de tangible, sa méfiance pour tout savoir qui n'a pas de prise sur le quotidien !

Thomas est un homme qui se fie à son bon sens, voire à ses cinq sens tout court et qui se méfie du Seigneur. Comme l'homme moderne et l'esprit positif, il a besoin d'évidence sensible. Si l'épisode est historique, j'imagine que les apôtres ont essayé de faire partager à Thomas leur certitude, en lui disant à peu près « Thomas, nous sommes là dix hommes que tu connais, comment peux-tu penser que nous voulons te tromper. Tu pourrais te méfier d'un témoignage unique, mais pas de celui de dix frères ! » Et Thomas répondrait « Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais que voulez-vous, je suis fait ainsi. Je ne serai sûr qu'à condition de voir et de toucher. »

Voilà une attitude imparfaite, sans nul doute, puisque Thomas s'entendra reprocher par Jésus ce manque de confiance dans la foi. Mais, si dans la foi de Thomas, il y a une imperfection, il y a aussi une attitude humainement respectable. On ne croit pas simplement parce que les autres croient. Si nous croyons en Jésus, c'est parce que nous percevons sa présence vivante et agissante dans nos vies et dans le monde. Aussi, Jésus ne parlera-t-il pas à Thomas comme aux Pharisiens. Il ne dit pas « Malheur à ceux qui n'ont pas cru sans avoir vu ». Il dit seulement, dans un reproche teinté d'ironie « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

L'incroyance du monde ou nos incroyances personnelles momentanées ressemblent-elles au scepticisme des Pharisiens ou à l'exigence d'expérience de Thomas ? En fait, l'apparent scepticisme de Thomas nous apprend comment la foi chemine au cœur de l'homme. Thomas l'incrédule nous enseigne à ne pas être trop vite crédule et à ne pas donner sa foi à n'importe quel discours ou témoignage. Il faut penser aussi que sa revendication n'était pas si déplacée puisque le Seigneur va y répondre. Mais pas tout de suite.

En effet, le soir de Pâques, lors de la première apparition du Seigneur à ses disciples, Thomas était absent. Il avait exprimé son scepticisme à ses frères. Une semaine après, un dimanche, Jésus réapparaît et Thomas est présent. Mais tout ne se passe pas comme Thomas l'avait prévu. Que se passe-t-il au juste ?

A ce moment-là, Thomas ne mettra pas sa main au côté blessé du Seigneur. C'est le Seigneur qui, lui-même, l'invite à ce geste. Thomas ne songe plus à exiger les conditions qu'il avait lui-même fixées à sa foi. Il est comme arraché et soulevé de tout son être par une certitude fulgurante. Pour lui, il ne s'agit plus de preuves mais d'une lumière venue d'ailleurs. C'est une lumière intime qui donne au cœur sa certitude et il s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Que fut cette lumière pour Thomas ? Nous sommes un dimanche. Les apôtres sont réunis pour la célébration eucharistique. Jésus vient au cœur de ce rassemblement où il est fait mémoire du sacrifice de la Croix, avec les stigmates de sa Passion. Ce que Thomas comprend, c'est que la résurrection échappe à la perception humaine. Le toucher est devenu inutile. Thomas comprend qu'on a la foi, c'est à dire que l'on fait l'expérience de la Résurrection du Seigneur et que celle-ci descend dans la vie quand on la célèbre dans un témoignage d'amour.

Thomas veut dire : « être émerveillé, admirer, se laisser ravir ». Thomas va admirer ce qu'il a compris ! Il a compris que même invisible le Seigneur est là dans sa présence d'amour comme il l'était dans sa Passion. Et les plaies sont les signes de cet amour pour nous.

Thomas nous dit que nous rencontrerons le Christ dans la foi en expérimentant l'amour de Dieu dans la Cène et dans l'amour de nos frères.

La foi, c'est expérimenter la puissance de la résurrection dans la force de l'amour que peut manifester notre vie.

La foi, c'est faire que cette force du Seigneur vivant, par nous, guérisse les plaies de nos frères les hommes.

La foi, c'est relever d'entre les morts toutes les bonnes volontés enlisées dans le deuil. Cet épisode nous dit : la foi ne naît pas d'évidence mais d'amour. On croit parce qu'on aime. Et l'amour ne se nourrit pas de preuves mais d'épreuves. Et l'on comprend Thomas car, même si la lumière de la foi est vive, elle n'est jamais irrésistible.

Un questionnement sans fin nous anime. Tous nous sommes habités par tant d'interrogations et de doutes ! Toutes ces questions font éclater nos frontières étroites et notre être précautionneux.

La foi est une prise de conscience qui a ses raisons et sa justification. Aussi, dans nos doutes, faut-il se dire deux choses :

1. Si Dieu est mystère, Dieu seul peut nous éclairer sur nos doutes et se révéler lui-même. Quand on doute, il faut continuer à prier et à faire confiance au Seigneur. Il ne faut pas être trop fier ou orgueilleux pour croire. Ce supplément d'intelligence que donne la foi sera toujours difficilement accessible à ceux qui sont tentés de se complaire dans la suffisance de leurs dons.

2 Après la prière, le recours à nos frères, à leur lumière et à leur intercession, est le second moyen d'apaiser nos inquiétudes. Seul, Thomas doute, appuyé par ses frères il voit clair.

Croire sans avoir vu ! Bien sûr les yeux de chair ne verront jamais le Jésus de l'histoire. Mais, si le Jésus de l'histoire ne nous est plus accessible aujourd'hui que par les textes, le Jésus vivant aujourd'hui c'est dans le témoignage de la vie des chrétiens que nous devrions le toucher en priorité. Le Christ est mystérieusement présent au milieu des hommes partout où germent des semences de bonheur et de paix. Nous le rendons visible quand nous semons l'amour et l'espérance. Nous le rendons présent par la transparence de notre témoignage de foi, par la valeur de nos services et par la ferveur de nos prières.

Aujourd'hui, témoigner du Christ ressuscité, cela ne veut pas dire que dans le monde, l'enfer n'existe pas (quand nous pensons à tous les points chauds du globe), cela ne veut pas dire qu'en bien des endroits encore les ténèbres ne recouvrent pas la terre, mais confesser sa foi, cela veut dire que nos enfers ont été visités. Il existe quelqu'un qui croit en nous, qui souffre avec nous, qui nous appelle à la vie. Aussi, laissons derrière nous ce qui assombrit notre foi et osons reprendre à notre crédit le cri de ravissement de l'apôtre Thomas et dire « Mon Seigneur et mon Dieu ». Et les feux de cette confession de foi qui est une prière réussiront encore à parsemer la terre de ses merveilles d'espérance et d'amour.

Que de nos doutes à nous, naissent également pareil cri. Alors, c'est vrai, il n'est pas facile de croire tous les jours, mais quand revient en nous cette conviction, cette certitude, cette espérance, la vie reprend ses couleurs vives de Pâques. Amen.

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