PREDICATION  DU DIMANCHE 17 AVRIL 2022: FÊTE DE PÂQUES PAR LE REV DR JOEL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 17 AVRIL 2022: FÊTE DE PÂQUES PAR LE REV DR JOEL HERVE BOUDJA

Thème : La résurrection

Textes : Exode 15, 1-11 ; 1Corinthiens 15, 1-11 ; Luc 24, 1-12

Frères et Sœurs dans le Seigneur,

Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, Luc fait nettement allusion à ce récit lorsqu’il raconte la venue des femmes au lieu du sépulcre, « le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore ». Ce qu’il veut souligner, c’est qu’avec la Résurrection de Jésus, nous assistons à une nouvelle création, un nouveau monde, un recommencement de l’histoire. Tout comme la terre était « informe et vide » le premier jour de la première création ; de même en cette nouvelle création, la vie jaillit d’un tombeau vide. Pourquoi le passage par la mort ?

Pour revêtir l’image de Dieu, nous devons nous dévêtir de l’image du néant, de ce qui ne sert à rien, de ce qui n’est rien. Pour aller ailleurs, il faut quitter ce lieu-ci. La nais­sance à la lumière est mort à la vie embryonnaire. C’est à la résur­rection que Dieu peut dire vraiment à Jésus « aujourd’hui, je t’ai engendré ».

La création doit en effet intégrer, « digérer », surpasser notre mal et notre mort. La Pâque est réellement exode, c’est-à-dire arrachement à nos servitudes et « passage à travers » notre mort. (C’est le sens du mot Pâque).

À vrai dire, depuis le commencement, la mort n’est justement pas au centre de l’Évangile. La foi commence par l’annonce d’une Vie plus puissante que la mort : « Il est ressuscité ! » En compagnie du Christ, alors, mourir peut devenir un langage capable d’exprimer le don total de soi. Par son existence, Jésus nous enseigne « la loi du grain de blé » : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12,24).

Pour nous, ce jour de Pâques est jour heureux, où nous célébrons la résurrection de Jésus, qui nous donne la vie. Mais pour ces femmes, ce premier matin de Pâques n'était pas un moment de joie.

Ce n'est pas difficile à comprendre. Imaginez-vous que quelqu'un que vous aimez, et qui est mort, ressuscite. Est-ce que ce serait de la joie pure ? Je ne le crois pas. La mort est un aspect douloureux de notre vie, qui nous touchera tous, et qui touchera aussi, ou a déjà touché, tous ceux que nous aimons et qui nous aiment. C'est douloureux, mais c'est aussi certain.

La mort est la chose la plus certaine et la plus définitive de notre vie. Personne n'y échappe, et personne n'y survit. La mort est vieille, nous la connaissons. La mort est inscrite dans notre nature, dans la nature qui nous entoure, et dans notre vision du monde. Elle est inscrite aussi dans la mentalité de ces femmes qui arrivent au tombeau.

Pour elles, comme pour nous, la mort va de soi ; c'est pourquoi elles viennent au tombeau avec leurs parfums embaumer Jésus, pour compléter les rites de la mort, pour affirmer la mort certaine du crucifié. Il n'est pas question de croire qu'il soit redevenu vivant. Mais, il est ressuscité, leur dit l'homme vêtu en blanc, il n'est plus mort.

L'impossible est arrivé. Cela ébranle toute certitude, cela bouleverse l'ordre des choses. Tous les repères anciens sont perdus, on est émerveillé, mais aussi désorienté, choqué, bouleversé, et cela fait peur. Autrement dit, on est confronté ici, au milieu du monde naturel, au milieu de la nature dans laquelle nous vivons et qui nous ordonne aussi la mort, avec quelque chose qui dépasse la nature, et le surnaturel, le divin, fait trembler.

Après la fin de l'évangile, la peur des femmes cédera à la joie, à une bonne nouvelle qu'elles annonceront à leurs amis et puis au monde ; c'est pourquoi l'Eglise est là aujourd'hui. La bonne nouvelle de la résurrection est de nous montrer que nous ne sommes pas enfermés dans la nature, dans la mort, dans le vieux ; dans le Christ, il y a quelque chose de neuf, il y a la vie qui se renouvelle. Mais si la résurrection est quelque chose de joyeux, cette joie n'est pas une joie naturelle, qui fasse partie de l'ordre naturel des choses ; c'est une joie qui a à son centre un choc, le fait que l'impossible est, par impossible, arrivé, que la mort, qui est inéluctable et définitive, n'est pourtant pas définitive, que la vie, si courte, si fragile, a triomphé.

Si la résurrection du Christ ne nous choque pas comme elle a choqué les femmes au tombeau, si elle ne nous ébranle pas, c'est peut-être parce que nous la contemplons en sécurité, à distance, à travers les siècles. Et nous l'avons inscrite dans le normal, dans le naturel. C'est devenu quelque chose d'habituel. Nous l'annonçons et la célébrons tous les ans, même tous les dimanches.

Nous avons peut-être oublié que ce que nous célébrons est impossible. Mais il l'est, et c'est pourquoi il vaut la peine de le célébrer. C'est incroyable, et c'est pourquoi il vaut la peine de le croire ; c'est choquant, et c'est pourquoi on le fête. Et on le fête encore maintenant parce que le renouvellement et la vie qu'amène le Christ par sa résurrection nous touche à travers les siècles.

A cause de la résurrection, nous ne sommes pas enfermés dans le vieux, dans la mort, dans ce que la Bible appelle le péché. Nous aussi pouvons être renouvelés, en nous ouvrant à la vie du Christ, à la vie que nous avons reçue lors de notre baptême.

Bien-aimés dans le seigneur,

Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la loi de Murphy ? Le nom de cette loi vient d'un ingénieur américain -Edward Murphy- passé à la postérité pour son extrême pessimisme. Le principe de Murphy veut que « Si une chose peut mal tourner, elle va infailliblement mal tourner. » Si vous voulez, c'est le pessimisme, la fatalité érigée en loi, en loi de retombement.

Voilà peut-être un sentiment dans lequel nous sommes parfois emprisonnés. Une espérance déçue. Un souvenir douloureux qui refait inexorablement surface. Une peur de grandir, voire une peur de vieillir. Sans doute que cette loi de dépression était celle des disciples d'Emmaüs : leur regard sombre et triste ne parvenait plus à voir un avenir. Et pourtant, c'est dans une rencontre inattendue, que « leurs yeux s’ouvrent » à l'espérance.

L'événement que nous célébrons ce dimanche de Pâques n'est pas un retour en arrière. La résurrection n'est pas le retour du même, du vieux ou de l'identique. C'est la traversée de la mort... c'est-à-dire l'arrivée de quelque chose de radicalement neuf !

C'est un événement qui s'accomplit chaque fois lorsque la tristesse est transfigurée en joie ; quand la perte de l'être aimé n'est plus vécue comme un abandon, mais comme un doux souvenir qui nous pousse à aimer davantage. C'est à cette destinée-là que nous appelle le souffle de Pâques !

Ce à quoi nous sommes conviés, c'est à ouvrir nos yeux, pour sortir de nos morts et faire déjà l'expérience de cette vie divine, non pas immortelle, mais éternelle, qui nous amène toujours du neuf et de l'inédit. Jamais, pour parler de la résurrection de Jésus, les Evangiles n'utilisent le terme de seconde vie (anabiosis), de reviviscence.

La résurrection n'est pas un retour à ce qui a été, comme un passé heureux qui referait surface. La joie des disciples d'Emmaüs n'est pas celle de l'accomplissement de leur première attente. Elle est justement la disparition de leur nostalgie, cette force qui les tirait en arrière et qui mettait de la mort dans la vie. Au contraire, la résurrection passera toujours par l'arrivée d'un horizon nouveau, d'un inattendu, du dévoilement de quelque chose qui est bien là, mais reste caché.

La résurrection, c'est le jaillissement d'une réalité invisible, qui nous précède, cachée dans le visible, lorsque l'indicible vient habiter nos silences, et lorsque que l'absence nous ouvre paradoxalement un sens nouveau.

C'est pourquoi, ce que nous fêtons aujourd'hui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Il ne s'agit pas en ce jour de faire mémoire, mais de découvrir qu'une promesse de bonté toujours nouvelle peut s'accomplir en nous. Finalement, aucun mot n'est à même d'exprimer adéquatement cette espérance qui dépasse par définition tous les mots.

Les mots sont toujours trop étroits pour dire l'indicible, l’indéfinissable, l’indescriptible, l’ineffable, l’inexprimable. Les premiers chrétiens, pour exprimer leur foi en la résurrection, ont d'ailleurs utilisé une multitude de mots : gloire, exaltation, réveil.

Personnellement, j'aime l'expression de réveillance. Réveillance, car il y a de la mort et du sommeil dans nos vies. Il y a de la lassitude, consciente ou non, de l'endormissement, du retombement, de l'insensibilité parfois. Il y a un potentiel de vie qui sommeille et n'arrive pas toujours à bourgeonner, il y a quelque chose d'hivernal qui n'arrive pas à éclore. Nous pouvons parfois éprouver, au fond de nous, ce sommeil-là, cet endormissement-là qui nous tient coupé de la Vie.

Mais la réveillance, au contraire, nous éveille à l'espérance. Elle transforme nos déceptions en espérance. Elle nous éveille à la confiance. Elle réveille en nous le courage d'aimer. Elle nous invite à nous mettre debout, à quitter nos peurs et quitter nos tombeaux qui nous font littéralement tomber. La peur et le tombeau, deux mots synonymes en grec et qui le sont aussi dans nos expériences de vie.

La réveillance nous invite donc à la victoire sur ces morts et sur nos peurs. Pour cela, comme les disciples d'Emmaüs, osons retourner à nos Jérusalem, c'est-à-dire osons revisiter nos lieux de désillusions, pour relire nos histoires et y entendre cette présence cachée et bienfaisante.  Cette réveillance, cette joie de Pâques nous précèdera toujours. Et si nous suivons le ressuscité, nos peurs seront vides ! Que cette joie de Pâques nous accompagne !

Amen.

 
 

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