PREDICATION DU DIMANCHE 28 MARS 2021: THEME: LE DEPOUILLEMENT PAR LE REV DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 28 MARS 2021: THEME: LE DEPOUILLEMENT PAR LE REV DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Esaïe 50,4-7 ; Philippiens 2, 5-11 ; Marc 11, 1-11   Thème : Le dépouillement

Frères et Sœurs, Nous nous retrouvons pour la première fois dans ce Temple en ce jour de la fête des Rameaux, après une longue période d’absence due au confinement et aux travaux de restauration de la paroisse.

Mais durant toute cette période, nous avons participé aux différents cultes non en présentiel, mais connectés les uns avec les autres via zoom. Le nouveau slogan : L’Eglise, lieu de connexion.  

Pour entrer dans cette connexion du mystère de la Passion, en cette période de confinement, permettez-moi de reproduire des interrogations à la manière de Dupont et Dupond dans Tintin. L’un de dire : « tu crois qu'on peut comprendre », et l'autre d'ajouter : « je dirais même plus, tu comprends qu'on puisse croire ».

En effet, par la mort du Christ, les disciples sont comme abasourdis, anéantis. Les mots leur manquent pour exprimer l’indicible.  Nous aussi nous pouvons vivre ce type d'expérience lorsque nous sommes confrontés à la douleur de la maladie, à l’effroi d’une pandémie, aux échecs récurrents, à la mort de l'être aimé parti bien trop tôt.

Nous sommes alors comme déchirés en nous. Nous pouvons aller jusqu’à nous sentir abandonnés par ce Dieu qui nous semble tellement absent, tellement impuissant à transformer le cours des événements que nous traversons. Il nous reste alors la confiance et surtout l'espérance. En effet, durant ces dernières semaines nous nous sommes passionnément carêmisés, c’est-à-dire que nous avons accepté de nous laisser transformer par ce Dieu qui s’agenouille face à nous.  

La grammaire de notre foi nous a conduit à découvrir que le langage de l’amour se décline sous de multiples formes : sourire d'amitié, regard de douceur, geste de tendresse, parole réconfortante. Le Christ est mort par amour pour nous, c’est pourquoi nous ne pouvons entrer dans ce mystère que par notre cœur. 

Ce dimanche est un jour de fête malgré les circonstances qui nous empêchent encore de nous saluer en nous donnant la main, de nous rassembler pour accueillir le Sauveur dans nos vies, de vivre la communion. Mais, il vient. Il approche, juché sur un ânon, acclamé par les foules et par nos cœurs. Il nous rejoint là où nous sommes. Jour de fête où celui qui entre dans la ville est salué comme Messie. Mais, fête ambigüe où en 4 jours, la foule qui proclame « « Hosanna. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »

Cette foule criera 4 jours plus tard « Crucifie» ! «Vous trouverez un petit âne attaché…Détachez-le et amenez-le ici. Et si quelqu’un vous demande: «Pourquoi faites-vous cela?», dites-lui: «Le Seigneur en a besoin et il va le renvoyer tout de suite ici». Ils partirent donc et trouvèrent un âne dehors, dans la rue, attaché à la porte d’une maison. Ils le détachèrent.

Quelques-uns de ceux qui étaient là leur demandèrent: «Que faites-vous? Pourquoi détachez-vous cet ânon?». Ils leur répondirent ce que Jésus avait dit et ces gens les laissèrent aller». Détacher ce qui est attaché, pour les disciples. Parce que le Seigneur le demande. Laisser aller pour les propriétaires du jeune âne qui servira de monture royale à l’entrée du Christ. Parce que le Seigneur le renverra tout de suite. Détacher au point de se dépouiller joyeusement et solennellement.

C’est ce que font ceux et celles qui étendent leurs vêtements sur le chemin. La pratique indique qu’ils souhaitent faire un tapis pour le passage de celui qui vient en roi, avec l’idée de participer à la création de ce chemin, de marquer un signe de disposition et de soumission à la puissance royale de celui qui passe, de profiter de sa bienveillance, de l’expansion de sa gloire voire même d’une grâce qui pourrait guérir et bénir celui qui pose ses vêtements sur la voie. Se dépouiller veut dire que nous pouvons nous détacher et assumer que nous ne passons pas en premier, mais les autres.

Cet autre qui est le Roi. Se renier donc non pas dans l’idée d’une pure abnégation altruiste qui nous effacerait, nous, mais plutôt, la joie de célébrer notre liberté nous dépouillant et mettant librement en jeu ce que nous sommes.

Se dépouiller veut dire que nous ne sommes pas concernés par tout. Que nous pouvons nous détacher librement de ces angoisses et de ces regrets qui finalement ne sont pas à nous. Que nous n’avons pas à porter le monde et que nous pouvons nous dépouiller ayant la confiance que Celui qui porte le monde ne nous laisserait jamais nus ni dépouillés lorsque nous engageons ce que nous sommes dans la joie de son chemin. Se dépouiller veut dire que nous sommes ici. Que nous sommes arrivés jusqu’ici.

Mais que nous ne sommes pas condamnés à nous agripper et à nous attacher à ce que nous sommes, car il nous est réservé encore cette surprise heureuse de «pouvoir être». Encore nous-mêmes, autrement. Autrement nous-mêmes chaque jour. Sans nous attacher à notre image, à notre forme, à nos formalismes, à nos positions.

Se dépouiller veut dire que nous sommes à disposition. Prêts. Prompts. Cette agilité vient de la légèreté que l’on gagne quand on se dépouille et l’on se détache. O combien de temps nous vivons la vie comme la lourde responsabilité de porter des choses, de nous habiller pour paraitre, de garder une image. «Beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin et d’autres y mirent des branches vertes qu’ils avaient coupées dans les champs».

Ils se défont de leurs vêtements, de leurs attaches formelles, de leur paraître. Ils se dépouillent et chantent allégés parce que disponibles, disponibles parce que allégés des charges superflues. Le verbe grec kenoô utilisé par Paul parlant aux Philippiens, signifie littéralement «se vider, se dépouiller» et sert, dans la Bible, à dire le choix d'abaissement volontaire du Christ.

Jésus se met sur le chemin, il met sa gloire et sa condition sur le chemin de la volonté de Dieu et sur le plan de la grâce. Il s’incarne et mène son obéissance jusqu’à la croix, signe suprême du total dépouillement. En se dépouillant, le Seigneur devient pleinement humain. Semblable à nous, dira la bible. Il n’est donc pas un Dieu philanthrope qui ferait quelque chose pour nous n’étant pas des nôtres, mais d’un acte de liberté qui consiste précisément en la capacité de se dépouiller pour devenir pour l’autre, avec l’autre, comme l’autre.

Il ne nous regarde pas du balcon, mais se met, pour nous et avec nous, sur le chemin. Cela se traduit en notre vie. L’amour du Christ est total, à ce point qu’il vit seul le chemin de sa totale obéissance, jusqu'à la mort, pour que tout homme et toute femme aient la vie, soient en vie, aiment la vie. Suivre Jésus dans ce dépouillement c'est une question de foi et une question de choix. La foi est un choix de vie.

Comme Jésus se remet en pleine et totale confiance entre les mains de son Père, ainsi aussi, tous nos chemins de croix peuvent être transformés en chemins de foi, si nous sommes capables de nous libérer de nous-mêmes, de nous dépouiller de nos attachements, de devenir comme le Christ, libres et humains. La force de la vie ne se trouve donc pas dans cette capacité instinctive de rester bien habillés dans un coin de la vie, sans rien lâcher, en prenant tout. Mais la vie est dans la communion avec celui qui entre en gloire pour initier le chemin de sa totale disponibilité.

Pour nous, la vie est dans cette aptitude à mettre ce que nous sommes à la disposition de ce Jésus qui passe. En posant –symboliquement- nos vêtements sur le chemin, pour qu’il avance en gloire, nos vies s'unissent à sa vie dans une communion d’abandon, d’obéissance, de souffrance, de chance et de promesse de vie. Se dépouiller veut dire que nous ne nous attachons plus à la convoitise préhensile de notre vie, fausse sécurité de nos mains qui serrent fort. Se dépouiller veut dire que nous nous détachons, pas avec une indifférence pour ce que nous sommes et ce que nous avons, mais avec la joie d’avoir les mains libres pour reprendre des branches et les agiter devant le passage du Roi.

Se dépouiller veut dire que nous mettons ce que nous sommes, ce que nous pouvons, ce que nous avons – notre vie, nos amours, nos forces, nos vêtements- sur le sur le chemin du Seigneur, dépouillé de nous-mêmes pour le recevoir, lui, et pour proclamer sa gloire. «Béni celui qui vient au nom du Seigneur. Hosana. Gloire à Dieu au plus haut des cieux».

Chers frères et Sœurs dans le Seigneur, Laissez-moi alors vous conter l'histoire suivante. Sentant sa mort venir, un roi convoqua ses trois fils et leur dit : «  Je donnerai mon royaume à celui qui sera capable de remplir la grotte se trouvant au fond du parc. Pour ce faire, je donne à chacun une pièce d'or ». Le fils aîné qui était grand et fort, acheta du bois et le coupa.

Mais hélas, il ne remplit qu'une moitié de la grotte. Le deuxième acheta des plumes mais la grotte ne fut remplie qu’au trois-quarts. Le troisième avait quant à lui un grand cœur. En chemin vers le magasin, avec sa pièce d'or, il acheta de la nourriture pour les uns, des vêtements pour les autres et il offrit encore mille et une autres choses à toutes ces personnes de qui il se faisait proche.

Arrivé au magasin, il ne lui resta qu'une toute petite piécette avec laquelle il acheta une bougie. Il revint vers la grotte, alluma la bougie et la lumière de la flamme emplit toute la pièce. C'est lui, grâce à l'élan de son cœur, qui hérita du royaume.

Cette histoire n'est qu'un conte mais nous aussi aujourd'hui nous sommes devant une grotte, celle où Dieu le Fils a été déposé. Par sa mort, il nous appelle à embraser le monde par des actes d'amour, des gestes d'amitié, des paroles de tendresse et des regards de douceur.

Nous deviendrons ainsi œuvre divine au cœur de notre humanité.  

Puissions-nous ne jamais oublier que c’est par la flamme de notre cœur que nous entrerons dans le mystère de Pâques. «Béni celui qui vient au nom du Seigneur. Hosana. Gloire à Dieu au plus haut des cieux».

Amen.   

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