De l’arnaque à la filouterie d’espoir
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Derrière les motivations de Jean-Bruno Tagne à écrire “L’arnaque”, l’ouvrage bilan des deux premières années de Samuel Eto’o à la tête de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), il  y a sans doute une volonté d’éteindre les rumeurs au sujet de sa relation avec ce dernier. Cette relation qui, pour beaucoup dans l’opinion publique,  trouve son fondement dans un pacte pécunier déçu. Une affaire de promesses non tenues qui aurait incité l’auteur de “Programmer pour échouer” et “La tragédie des Lions indomptables” à dégainer sa plume, une fois encore, pour brocarder l’un des footballeurs les plus talentueux que l’Afrique ait connu. L’auteur, dans son ouvrage de 270 pages, publié aux Editions du Schabel, consacre, à ce sujet, tout un chapitre sur l’ensemble des quatorze que le livre compte pour déconstruire l’argumentaire des tenants de la thèse d’une vengeance pure et gratuite.

Le chapitre qu’il consacre à sa relation avec Samuel Eto’o, sous le titre évocateur de “J'étais dans le vestiaire avec le 9”, revient en détail sur les péripéties de sa relation avec celui qui, était encore à ce moment là, candidat à la présidence de la Fecafoot. Il détaille à l’occasion leurs différentes interactions et précise les motivations qui l’ont conduit  à embrasser le projet de Samuel Eto’o qui selon l’auteur était une opportunité “d’offrir autre chose aux Camerounais, donner une leçon de tolérance à nos compatriotes et à ces propriétaires du pays…”. Il voit son engagement au-delà de la simple élection  à la présidence de la Fecafoo et la positionne comme ”un acte politique”. 

Passée cette étape de mise au point, le livre revisite les étapes de la conquête de la Fecafoot par le Pichichi et ses premiers mois dans la rôle qu’il tant convoité.

Au passage Jean-Bruno Tagne profite pour égratigner quelques personnes notamment son “ami” Ernest Obama qu’il présente comme “L’exécuteur”,  Un Second couteau aux yeux de Samuel Eto’o qui “Dans l’art de l’insulte gratuite et des outrages, (il) n’a pas son pareil. Dans la galaxie  d’Eto’o, il ne sert pas à autre chose qu’à cela: aider l’ancien capitaine des Lions indomptables à régler ses comptes…” ou encore Valère Bessala taxé de “bavardeur du dimanche”.

L’ouvrage est un récit chronologique qui, avec des détails d’insider, la qualité et la méticulosité d'un enquêteur ayant le sens de la précision et du détail, immerge le lecteur dans les différentes manœuvres et artifices comme l’élaboration de la stratégie de campagne de Samuel Eto’o fils. Il nous ouvre le contenu du travail de benchmarking effectué par l'agence de conseil en marketing et communication qui avait effectué un travail d’analyse, “Histoire de proposer, à manière d’un médecin une thérapie adéquate pour venir à bout des problèmes qui pourraient plomber sa victoire”.  Un diagnostic sans concession est dressé. Il  met juste en lumière des qualités connues du candidat à la présidence de la Fecafoot . On retient les forces du candidat: “son charisme, son impressionnante carrière de footballeur, son rayonnement et sa popularité”. Mais également des défauts. “Beaucoup”.  L’auteur cite comme aspérités : “Il est rempli de lui même et n’a jamais été une personnalité qui rassemble, il est parfois arrogant, belliqueux, brutal, impulsif, rancunier, hostile à la moindre critique, totalement inapte à la moindre remise en question de lui-même. Il a été souvent mêlé à des scandales y compris de mœurs… plus grave il n’a aucune expérience managériale connue”.

Difficile de sortir de cet ouvrage sans être bouleversé, voire choqué, par les cas de Parfait Siki et de Liliane Mbog Binyet que l’auteur présente comme les “Les prisonniers du président”. Ils occupaient respectivement les fonctions de chef du Département Communication et cheffe du département Marketing au sein de La Fecafoot à la prise de fonction de Samuel Eto’o. Parfait Siki passera 6 mois en détention préventive à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé pour une histoire de “PV de la discorde” et Liliane Mbog Binyet y échappera du fait de l’intervention de son père, sous-préfet à la retraite, âgé de plus de 90 ans qui viendra à sa rescousse pour lui éviter la geôle.

Le livre s'attarde également sur les programmes des candidats Seidou Mbombo Njoya et Samuel Eto’o Fils. Ainsi, ce dernier, dans son ambition de “redonner au football camerounais sa grandeur”, avait l’ambition de l’amélioration de la gouvernance et de la démocratie au sein de l’instance dirigeante du football camerounais, la construction de nouvelles infrastructures, l’afflux de nouveaux sponsors que l’attractivité retrouvée des compétitions nationales auront séduits, l’amélioration des conditions de vie des footballeurs…

C’est au regard de toutes ces promesses que le journaliste Jean-Bruno Tagne dresse, en épilogue, un bilan à mi-parcours de celui qui se fait désormais appeler “Dadis Camara” tant les faits sur sa dérive autoritaire, ses frasques et mises en scène douteuses, nécessitent plus que les doigts d’une main pour être énumérés: recrutements et nominations en marge des procédures et textes régissant la Fecafoot, licenciement abusifs emprisonnement et de collaborateurs, violation des textes encadrant le fonctionnement de la Fédération camerounaise de football, soupçons de fraude sur les résultats des matchs de football… 

Ce dernier chapitre donne, sans doute, tout le sens au choix de “L'arnaque” comme titre de cet ouvrage. Ce livre rend sans fards, la dérive autoritaire d’un individu qui s'apparente désormais, comme résumé par le philosophe Fridolin Nké, et pour de nombreuses personnes à une “filouterie d’espoir”. 

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