Les prisonniers du président - Nina Christelle Pemha : Changer dans la paix
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La jeune mère qui rêve d’un avenir meilleur pour son pays qu’elle aime a été arrachée à son bébé de huit mois.

Ceci aurait pu être une histoire comme toutes les autres. L’histoire souvent racontée ces derniers jours dans ces colonnes, mais toujours aussi kafkaïenne, de ces personnes qui sont sorties un jour de chez elles comme d’ordinaire, qui ont fait ce qu’elles devaient faire et qui ne sont jamais rentrées à la maison. L’histoire de ces habitants de Douala qui, tranquillement à leur lieu de service ou déjà rentrées chez elles, ont reçu la nouvelle selon laquelle leur leader était en danger alors qu’il se trouvait chez l’un de ses alliés dans la ville de Douala. Pour elles, il n’y avait rien de plus normal que d’aller sur place s’enquérir de la situation. Un crime ? Elles se posent encore toutes la question aujourd’hui. Comme d’autres militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc) vivant à Douala donc, Nina Christelle Pemha a reçu le 28 janvier 2019 le message selon lequel le domicile de M. Albert Dzongang au quartier Ndogbong à Douala était encerclé par les forces de l’ordre et que le président du parti, le Pr Maurice Kamto, s’y trouvait.

Elle était à son lieu de service. Après le travail donc, elle a décidé d’aller voir ce qui se passait. La suite, vous pouvez l’imaginer. La police qui somme d’ouvrir le domicile où sont rassemblés des militants et sympathisants du Mrc et même d’autres curieux. Les hommes en tenue qui une fois le portail ouvert saisissent les pièces personnelles de toutes les personnes qu’ils trouvent sur les lieux, avant de les embarquer manu militari, d’abord pour les locaux de la Direction régionale de la police judiciaire du Littoral à Bonanjo, puis pour Yaoundé, nuitamment.

Perte de connaissance

Sauf que Nina Christelle Pemha, qui atterrira dans un premier temps au Groupement spécial d’opérations (Gso), est un cas bien à part. En quittant son domicile ce lundi-là pour son lieu de travail, elle a laissé un tout petit bébé. La fillette qu’elle a mise au monde huit mois plus tôt et qu’elle allaite encore. L’enfant, aujourd’hui âgée de 10 mois a été privée de la chaleur de sa maman depuis plus de deux mois. Le portail des camerounais de Belgique. « Ma fille avait huit mois lorsqu’on m’a interpellée et elle était allaitée. Donc vous imaginez la souffrance qui a été la mienne. J’en ai beaucoup souffert », dit la jeune maman. Et elle n’est pas la seule. Ses proches en prendront également un coup. Son père notamment qui va faire une crise. Nina Christelle Pemha ne se laissera pourtant pas directement abattre. Mais le cours des événements finira par avoir, à un moment donné raison de sa force. Il y aura surtout la nouvelle de la crise de son père qui la plonge elle-même pratiquement dans une crise. «Le jour où j’ai appris la nouvelle, j’ai moi-même perdu connaissance. Ça a créé un choc au sein des autres personnes incarcérées.

L’autre choc sera l’arrivée à la prison centrale de Yaoundé à Kondengui. Sous les menaces et huées des autres détenus. «Quand nous sommes arrivées on nous criait dessus. « Ce sont eux ! », lançaient les gens, menaçants. L’accueil ici est vraiment spectaculaire. «Vous croyez que vous allez changer quoi ? », ajoutaient-ils ». En fait, le fait d’être d’un parti de l’opposition était une tache de plus pour les nouvelles détenues qui en plus des conditions rudes de détention devaient faire face à la rage d’adversaires politiques eux-mêmes détenus. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs étaient vêtus de tshirts du parti au pouvoir. Elle ajoute : « On a reçu toutes sortes de menaces. On nous parlait de sorcellerie. On avait la peur au ventre et on devait se protéger. Heureusement que nous étions en groupe ».

Menaces

Mais, la jeune femme devra en prison subir une autre particularité à laquelle elle ne s’était certainement pas attendue. Son origine ethnique lui vaudra un traitement particulier. «Du fait que je suis originaire du Littoral, on m’attaquait encore plus. Certaines personnes me disaient que je n’avais que ce que je mérite et me demandaient ce que j’étais allée faire dans un parti de Bamiléké », relate-t-elle. Et puis, il y aura la découverte de l’environnement où elle devait s’installer. «J’ai craqué quand on m’a dit que je dormirais au niveau de la porte », précise Nina Christelle Pemha.

Le local dans lequel elles sont conduites est en effet surpeuplé. Il y a plus de 48 personnes incarcérées dans cette pièce d’environ 20m2. La solution ce sera donc la cour où Nina Christelle et ses codétenues dorment depuis près de deux mois. Elle a eu le temps de s’adapter progressivement à ce décor. Et c’est d’ailleurs une personne pleine de vie que nous avons retrouvée dans l’espace réservé aux visites du quartier des femmes de la prison centrale de Kondengui le 4 avril dernier. Mais cette santé apparente, cache mal les pensées que la jeune femme a pour toutes ces personnes qu’elle a dû quitter brutalement. Sa fille notamment qu’elle aimerait revoir au plus tôt. Elle a d’ailleurs une pensée particulière pour sa maman qui, malgré son mauvais état de santé a dû la suppléer auprès de son bébé. Elle lui est fort reconnaissante, comme à toutes ces autres personnes qui ne ménagent aucun effort pour faciliter leur séjour en détention.

« J’aimerais remercier tous nos amis politiques qui font un énorme travail dehors. Je dis un gros merci à ces personnes qui s’occupent de nous. On ressent leur soutien. Je dis aussi merci à ma maman qui s’occupe de ma fille malgré sa maladie », déclare Nina Christelle Pemha. Un autre environnement auquel elle doit forcément manquer depuis ce fatidique 28 janvier 2019 est son lieu de service, l’entreprise Socafer, où elle est responsable Qualité, sécurité et environnement (Qse). Née le 7 octobre 1988, Nina Christelle Pemha a fait ses études primaires à Douala, précisément au Groupe scolaire le Marseillais au quartier Bonamoussadi. C’est également dans le chef-lieu de la région du Littoral qu’elle fera son cycle secondaire. D’abord au collège Les Lauréats, puis à l’Ippb. L'info claire et nette. Après son baccalauréat, elle s’inscrit à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Dschang où elle obtiendra une licence en droit. Retour sur Douala où elle complète sa formation supérieure par un master en qualité, sécurité, hygiène et environnement (Qhse). Sur le plan politique, elle fait ses débuts. Il y a juste cinq mois qu’elle a adhéré au Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc). Elle y est allée pour, dit-elle, «changer le Cameroun dans la paix, l’amour pour mon pays et le programme de société réaliste ».

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