Jean Michel Nintcheu - Résolution de l’Union Européenne : Le parlement européen n'a rien inventé
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Ce que dit le Parlement européen n'est pas nouveau. Après les partis politiques de l'opposition notamment le Sdf, les organisations internationales, les Ong, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, il a fallu que le Parlement européen reprenne à son compte les différents griefs formulés à l'endroit du régime de M. Biya pour que Yaoundé se comporte en pleureuse, comme si l'Union européenne avait créé un événement inédit au Cameroun. Tout ce que le Parlement européen a mentionné dans ses dernières résolutions sur le Cameroun n'est que le résumé de ce que tous ceux que je viens de citer ont toujours reproché au régime trentenaire en matière de gouvernance globale.

Les élections truquées, l'absence de code électoral consensuel, l'absence de dialogue politique national inclusif sur la crise anglophone, l'interdiction systématique des manifestations publiques des partis politiques de l'opposition, l'usage disproportionné de la force pour réprimer les manifestations publiques, etc. Le Parlement européen n'a rien inventé, n'a rien créé. Le Parlement européen n'est pas en train de monter un coup contre le Cameroun, comme certains rossignols tendent à le faire croire au peuple camerounais. La conférence de presse du ministre de la communication à la suite des résolutions du Parlement européen étaient guignolesques. De quelles libertés publiques parle-t-on dans notre pays quand les meetings publics des partis politiques de l'opposition sont systématiquement interdits, en violation de la loi ?

En tant que responsable politique, j'ai essuyé plusieurs interdictions de manifestations publiques pourtant déclarées, conformément à la loi du 19 décembre 1990 portant régime des manifestations publiques. En tant que Député de la Nation, il est de notoriété publique que j'ai déjà été victime plusieurs fois et de manière récurrente de l'essentiel des observations inscrites dans les résolutions du Parlement européen. A titre d'illustration :

  • J'ai déposé en mars 2017 une demande de manifestation publique pour marquer mon soutien à nos compatriotes des deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui vivent jusqu'à présent un drame insoutenable du fait de l'autisme et de la condescendance des gouvernants de Yaoundé. Cette manifestation a été interdite. Sept mois plus tard, en octobre de la même année, j'ai essuyé un autre refus de manifester pacifiquement alors que l'objet de la manifestation publique était le même à savoir le soutien à nos compatriotes des deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Toujours le refus servi par le régime.
  • Deux jours avant les résultats définitifs du Conseil constitutionnel relativement à la présidentielle d'octobre dernier, j'ai également déposé une demande de manifestation publique en vue de contester les résultats provisoires qui semblaient se dessiner après les différentes audiences devant cette institution. Toujours le refus servi par le régime.
  • Le 23 janvier dernier, j'ai déposé auprès de l'autorité administrative compétente une demande de manifestation publique en vue d'une marche dans des artères bien précises de la ville de Douala avec pour unique but de dénoncer les détournements massifs de deniers publics ayant entraîné le report de la Can 2019 que devait organiser le Cameroun. Camer.be. Refus catégorique du régime. La manifestation a été dispersée à coups de gaz lacrymogène. Plus grave, malgré mon écharpe aux couleurs de la Nation, j'ai été brutalisé et jeté comme un malpropre dans une pick-up par des hommes en tenue qui m'ont baladé durant plus de 5h de temps dans la ville de Douala.

Sauf pour les esprits irrationnels, il est évident que toutes les manifestations publiques de l'opposition sont formellement et systématiquement interdites.

Rebelote

Pour me résumer sur cet aspect des manifestations publiques, en 10 ans, j'ai déposé 52 demandes de manifestation publique. Toutes les 52 demandes ont essuyé une interdiction ferme de l'autorité administrative. Aucune autorisée. Les arguments du ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, sont tout simplement spécieux et ridicules. Il se parlait manifestement à lui-même. Parlant des recours initiés auprès des tribunaux administratifs à la suite d'une interdiction de manifestation publique, ils ne servent absolument à rien puisque la justice est aux ordres de M. Biya.

Ces recours sont jetés dans la poubelle. La preuve est qu'après l'interdiction de manifestation publique de mars 2017, j'ai initié par devant le tribunal administratif de la région du Littoral une procédure qui est jusqu'ici encore pendante. Il est donc clair qu'au Cameroun, les interdictions de manifestations publiques de l'opposition sont la règle et les autorisations sont uniquement décernées au parti au pouvoir et ses alliés. En tant que parlementaire, j'ai été abasourdi d'entendre le ministre de la communication prétendre que « le processus de décentralisation connaît une accélération certaine » du fait que « la loi des finances de 2019 est venue donner corps à cette dynamique, en allouant un budget de 45 milliards Fcfa au département ministériel en charge de la décentralisation et du développement local » et que « le Premier ministre a signé en date du 22 février un décret fixant à près de 50 milliards de Fcfa, la Dotation générale de la décentralisation ». L'info claire et nette. Comme pour dire que le débat sur la forme de l'Etat n'a pas sa place dans les revendications formulées. Une vraie moquerie doublée d'une insulte à l'endroit des élus locaux. Ce qu'il refuse de mentionner est que cette dotation représente environ 1% du budget global de l'État pour le compte de l'exercice en cours et que le volume global des ressources transférées par l'Etat aux collectivités territoriales décentralisées ne dépasse guère 3% du budget global. Il convient de préciser que malgré cette observation récurrente d'année en année, l'Assemblée nationale a toujours refusé d'inscrire le débat sur le fédéralisme à l'ordre du jour. Même les questions orales y relatives sont systématiquement éludées et ne sont pas suivi d'effets.

Assemblée nationale

Le gouvernement, par la voix du ministre René Emmanuel Sadi, prétend que le Cameroun est un État démocratique. A quelle démocratie fait-il allusion quand tout un député de l'Assemblée nationale ne peut même pas exprimer ses idées et ses opinions à l'Hémicycle ? Peuvent-ils nous dire où sont passées:

  • La proposition de loi du Sdf relative au contrôle de l'action de la présidence de la République. (Session de novembre 2009)
  • La proposition d'amendement constitutionnel N°004/AN du Sdf modifiant et complétant l'article 53 de la loi 2008/001 du 14 avril 2008 portant révision de la Constitution du Cameroun pour limiter l'immunité du Président de la République et préciser les crimes dont il est responsable durant l'exercice de son mandat. (Session de juin 2012)
  • La proposition de loi du Sdf relative à la camerounisation des postes de directeurs généraux des grandes entreprises stratégiques et à la protection des entreprises à capitaux nationaux. (Session de mars 2010) Le groupe parlementaire du Sdf a également déposé au secrétariat de cette institution plusieurs autres propositions de loi :
  • Une proposition de loi modifiant et complétant la loi N° 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail au Cameroun : le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) doit être remplacé par le Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). (Session de mars 2014).
  • Une proposition de loi modifiant et complétant la loi N° 2004/17 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation pour la suppression du poste de délégué du gouvernement et l'instauration du poste de maire de la ville qui doit par ailleurs être élu par le conseil de la mairie de la ville. (Session de mars 2014)
  • Une proposition de loi modifiant et complétant la loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral (institution du bulletin unique). (Session de mars 2014).
  • Une proposition de loi modifiant et complétant la loi N° 1968-LF-3 du 11 juin 1968 portant Code de nationalité au Cameroun. (Session de mars 2014)
  • Une proposition de résolution portant constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur l’acquisition par le gouvernement du Cameroun sur prêt préférentiel de la CHINA EXIM BANK de deux aéronefs de type XIAN MA-60 pour le compte de la Camair-Co. (session de mars 2014).
  • En novembre 2017, le groupe parlementaire du Sdf a initié une motion préalable pour qu'on inscrive la question de la crise anglophone à l'ordre du jour de l'ouverture de la session budgétaire.

La majorité obèse et mal acquise du parti-Etat a opposé une fin de non recevoir catégorique au point de quitter l'Hémicycle en mondovision. Les images vidéos de cet ostracisme parlementaire digne des Républiques bananières existent encore et sont consultables dans les réseaux sociaux. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. Toutes ces propositions de loi, toutes les propositions d'amendement constitutionnel, la proposition de résolution portant constitution d’une enquête parlementaire, bref toutes les initiatives parlementaires du Sdf n'ont jamais franchi l'étape de la recevabilité par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, en violation flagrante du Règlement de l'Assemblée nationale qui dispose en son article 27 alinéa 3 que « lorsque, à l'issue de deux sessions ordinaires, une proposition de loi n'a pu être examinée, celle-ci est de plein droit examinée au cours de la session ordinaire suivante ». Ils refusent l'examen de toutes ces propositions de loi et d'amendement constitutionnel parce que le parti-Etat sert des intérêts autres que ceux des Camerounais. À quelle démocratie fait-on allusion dans ce pays quand l'organe en charge des élections est une antichambre du bureau politique et du comité central du parti-Etat auquel il appartient. La loi portant création de cet organe prescrit fermement l'exigence de neutralité et d'impartialité.

Ces deux critères devant précéder la nomination. Ce qui n'a jamais été le cas puisque le tout premier critère valable aurait été de n'avoir jamais appartenu à un parti politique. A quelle démocratie fait-on allusion quand les gouvernants de notre pays pourtant à l'économie pratiquement exsangue refusent d'instituer le bulletin de vote unique - qui coûte pourtant moins cher- afin de parer aux achats de conscience et à la corruption active et passive ? Pour terminer, sur le chapitre de la démocratie et des libertés, les résolutions du Parlement européen auront au moins eu un seul mérite : celui de révéler les réels talents de prestidigitateur de ceux qui nous gouvernent. Ce qui est constant est qu'il n'y a ni liberté ni démocratie au Cameroun.

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