Cameroun : Journée du 8 mars dans le Sud-ouest , "même les femmes sont invisibles dans les rues"
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Cameroun : Journée Du 8 Mars Dans Le Sud-Ouest , "Même Les Femmes Sont Invisibles Dans Les Rues" :: Cameroon

Raids des hommes armés, mises en gardes des leaders anglophones, patrouilles des forces de l'ordre, … Les femmes du Sud-ouest ne fêtent pas la journée internationale de la femme. Le pagne du 8 mars 2019 n'existe pas dans cette région anglophone du cameroun. Visite guidée dans une zone où tout le monde vit désormais la peur dans le ventre.

“Nous ne fêtons plus le 8 mars ici depuis 2 ans. Que ceux qui distribuent les pagnes du 8 mars sachent que nous allons les mettre à la poubelle” : dans le centre-ville de Mutengene, dans la région du sud-ouest, cette femme, grande opératrice économique et agent immobilier vit la peur au ventre.

Elle craint les représailles des autorités locales pour avoir refusé de vendre le pagne du 8 mars comme elle en avait l'habitude avant le début de la crise anglophone. Elle craint aussi les “ les groupes armés des Amba Boys”, basés de façon éparse dans la forêt des régions anglophones du Cameroun, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, qui ont pris les armes fin 2017 pour réclamer leur indépendance. Ces derniers ont demandé à toutes les femmes de rester cloîtrer chez elles ce 8 mars.

Cette femme d'affaire qui veut rester anonyme, loge depuis deux ans chez ses parents à Mile 17, un quartier frondeur de la ville de Mutengene.

Son lit est encerclé par des sacs remplis de sable, à côté d’une valise et quelques ustensiles de cuisines éparses. Dans la pièce qui sert de salle séjour, quelques portraits des leaders anglophones sont visibles. Ngom Jua Augustin, Solomon Tandem Muna etc...Non loin, une assiette-thermos garde quelques restes du repas de la veille. Il paraît que le repas se conserve pendant plusieurs jours dans cette assiette-thermos.

Des nuits cloîtrée dans la chambre

“Je passe des nuits blanches dans ma chambre et des journées entières sur place. Une manière de prouver aux yeux de la population qui a basculée entièrement dans les revendications indépendantistes que je suis avec elles”, explique-t-elle.

Depuis plusieurs jours, une vidéo circule entre les portables des habitants de la région. On y voit plusieurs femmes, s'exprimant en langues locales et en pidgin (Francanglais), invitant les femmes du NOSO à ne pas porter les pagnes du 8 mars et à rester chez elle ce jour.

Très tôt ce matin, malgré le renfort des troupes de l'armée camerounaise du début de cette semaine, des coups de feu ont été entendus à Buéa road, un autre quartier chaud de Mutengene. Hier, dans l'après-midi, un stock important du pagne du 8 mars a été brûlé à Mutengene market main gate (Marché central de Mutengene) par des inconnus nous confie une autre source.

“Personne d’ordinaire n’oserait contester les amba boys”, continue notre source. Ils sont plus écoutés que les forces de l'ordre de la "Riporblik" ( La république).

Face à la dégradation du conflit, Yaoundé n’a répondu qu’en opérant un déploiement massif de forces de sécurité. Les deux camps sont accusés d’exactions sur les civils, pris entre deux feux.

Plus de 500 civils ont été tués depuis le début du conflit, selon le centre d’analyses International Crisis Group (ICG). Quelque 500.000 personnes ont fui leur domicile.

“Pas les mêmes uniformes”

La crise séparatiste a changé la paisible Buea, autrefois réputée pour son calme et sa fraîcheur, nichée sur les flancs du Mont Cameroun. “Buea souffre”, se lamente un animateur sur un programme populaire d’une radio locale.

Et surtout les petites entreprises, note un commerçant. Celles-ci sont contraintes de respecter les journées ville-morte imposées par les séparatistes tous les lundis, puis de façon continue depuis quinze jours, avec menace de représailles.

“Même les prostituées ont disparu”, témoigne un conducteur de moto taxi. Un seul choix est offert à ces populations martyres: partir, au risque de perdre leurs biens sur place.

A Limbe, ville portuaire à une vingtaine de minutes de route de Buea, où les carcasses de voitures brulées jonchent la chaussée, les déplacés du conflit se bousculent.

Dans un des lycées de la ville, on repère les élèves d’ici et d’ailleurs : ils n’ont pas les mêmes uniformes. “Ils viennent des villages d‘à côté, (alors) on tolère”, lâche un enseignant.

A Limbé, quand la nuit tombe sur Down Beach, l’agréable baie où touristes et habitants viennent se détendre en fin de journée, les poissons braisés continuent toutefois d’attirer les badauds mais, la foule d'antan a disparue

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