Florence Sawadogo : De Kaya à Paris, itinéraire d’une conductrice de Taxi !
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Parmi les quelques 17 000 conducteurs de taxi dans la ville de Paris, il y a Florence Sawadogo. De 6h à 19h, tous les jours de la semaine, la jeune burkinabè sillonne les rues de la capitale française, au volant de son taxi.

Native de la ville Kaya au Burkina, elle est arrivée en France en 2002.

Rencontre avec la jeune femme de 37 ans, qui loin du pays, arrive à tirer ses marrons du feu, malgré les difficultés.

C’est la ville de Kaya qui l’a vue naitre et grandir. C’est aussi dans cette ville qu’elle a dû abandonner les classes, avec son frère, par manque de soutien, après le décès de son père. Kaya, c’est aussi la ville où elle rencontre son mari avec qui elle part vivre en France. En juillet 2002, avec le père de son enfant, Florence Sawadogo débarquait alors dans l’hexagone à l’âge de 22 ans.

C’est une femme souriante, qui parle un mooré (langue locale du Burkina faso) bien satiné, que nous avons rencontrée en milieu de matinée du 5 juin à Paris, porte de Versailles, ou elle nous a donné rendez-vous à bord de son taxi, son gagne-pain.
Avant d’exercer ce métier, la conductrice travaillait sur une base de loisir, avec les Juniors du club de football de la capitale française, PSG (Paris Saint-Germain). Puis, encouragée et conseillée par sa tante qui y exerçait déjà, elle décide de franchir le Rubicon. Mais il ne suffit pas de savoir conduire et avoir un taxi pour être conducteur de taxi dans la capitale française. Il faut suivre une formation. Elle entrera alors à l’école de taxi pour une formation de 6 mois.

Locataire dans une société au début en 2007 quand elle commençait, Florence est depuis 2010, un artisan, c’est-à-dire qu’elle travaille à son propre compte, avec son taxi. « J’aime le côté social dans le milieu du taxi. On rencontre des gens de milieux complètement différents, ça me plait beaucoup » précise-t-elle. Même si ce n’est pas le métier de rêve qu’elle avait toujours voulu exercer. Notre interlocutrice rêvait de travailler dans le monde de la mode, être styliste. On n’obtient pas toujours ce qu’on veut, mais le job lui permet de gagner dignement sa vie, avec une recette journalière de 270 euros (environ 176850f CFA) en moyenne. « En tant qu’artisan, on a énormément de charges. On achète une licence pour exercer, on achète notre droit de travailler. Une licence de taxi, en ce moment a baissé, mais à l’époque quand j’achetais, il a fallu emprunter à la banque. Ce sont des mensualités très élevées. Il y a des mois ou je gagne bien ma vie, comme aux mois d’Avril, juin, juillet, janvier, décembre. Par contre pour certains mois, c’est plus difficile ».

« Marginalisée ? Pas du tout ! »

Dans un domaine « traditionnellement » réservé aux hommes, Florence a pu trouver et tracer sa voie. « Je ne me sens pas du tout marginalisée, ici la femme a quand même sa place dans la société ». Elle s’empresse tout de même de reconnaitre que c’est surtout entre collègues que c’est souvent difficile, « les hommes n’aiment pas quand les femmes font les mêmes métiers qu’eux, mais je ne me laisse pas faire », clame-t-elle.

Cependant, les mésaventures ne manquent pas. Comme cette nuit, où elle conduit un client, raciste. « Il n’aimait pas les noirs, j’ai subi toutes les injures du monde. J’ai porté plainte, l’affaire est allée au tribunal et j’ai eu gain de cause. Sur cent clients, il y en a peut-être un ou deux de ce genre ». Cela n’entame pas sa détermination car, avance la jeune dame, cela arrive dans tous les milieux. 
La difficulté véritable réside dans le manque de temps à accorder à la famille. Comment allier le travail, qu’elle commence chaque jour à 6 h pour finir à 19h, et sa famille ? Difficile équation que la « taxi woman » n’arrive pas à résoudre. « C’est un métier difficile pour les femmes. Nous n’arrivons pas à gérer les horaires de travail par rapport à ceux de nos enfants. La vie de famille en prend un coup. Mon dernier client, je ne sais pas où il ira. Je peux prendre un client que je vais déposer juste à côté de chez moi, là je suis contente. Tout comme je peux prendre un dernier client que je dois conduire à 80 km de chez moi. La famille attend tous les jours pour manger, finalement elle dine toute seule, et quand j’arrive, je suis toute fatiguée ».Malgré tout, environ 15% des conducteurs de taxi dans la ville de Paris sont des femmes. Comme la native de Kaya, il y a 4 autres femmes burkinabè dans le domaine.

Ses liens avec le Burkina

Ainée d’une famille de 4 enfants, Florence dit avoir gardé de bons liens avec sa famille restée au pays, « heureusement d’ailleurs. J’ai une mère formidable qui a toujours su être là dans les moments difficiles. Quand je décide d’arrêter parce que je suis fatiguée, elle me redonne le courage, l’envie d’y aller encore ». Florence n’a pas oublié son pays qu’elle visite régulièrement. Les événements d’octobre l’ont par exemple trouvée au pays, elle est revenue en févier et reviendra au mois d’aout. 
Des visites régulières qui préparent un retour définitif au pays ? Certainement. « Ma licence me permet de travailler encore deux ans, après je vais me reconvertir à autre chose, mais je pense surtout rentrer ». Même si elle n’a pas de projets en tête pour le moment, elle compte glaner des informations sur des secteurs porteurs ou elle pourrait investir au pays.

« Même l’Europe est foutue »

13 ans de vie dans l’hexagone et Florence Sawadogo s’est faite une conviction. « Ce n’est pas l’eldorado, on ne s’en sort pas facilement. On pense souvent que quand on arrive en France, on trouvera du travail tout de suite et on gagnera de l’argent. Ce n’est pas vrai ». Elle estime qu’il faut se battre partout et ce n’est pas seulement en Europe qu’on peut tirer son épingle du jeu. « Il faut se battre, il faut que les portes s’ouvrent pour ceux qui sont courageux, qui veulent travailler, qui veulent gagner leur vie » estime la conductrice, mais en face, il faut « qu’on leur tende la main » pour se réaliser. « Même l’Europe est foutue »(Rires).

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