Litige foncier : un avocat saisi la maison de son défunt client
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Homme de loi, il s’accapare de la maison de son client après sa mort, sous le prétexte de compenser ses honoraires non payés, qu’il a lui-même fixé.

L’immeuble bâtit de 600m2 située à Douala Ndogbong, objet du titre foncier numéro 8470/W appartenant à Djokwe Isaac, a été violemment vidée de ses habitants en date du 6 décembre 2018 par des hommes musclées. Portes cassées, effets personnels balancées çà et là, et même une voiture garée dans la cour brutalement bousculée est partie défoncer un mur en contrebas de la concession. Pour clore le tout, les deux occupants de la maison, Djokwe Joseph et Tchakoumi Philippe ont été gardés à vue pendant 7 jours au Groupement de la gendarmerie de Douala Bonanjo, pour « reprise d’immeuble. »

Celui qui est derrière ces actes n’est autre que Maître Nguimtsop Jean Bosco, avocat au barreau du Cameroun. Le propriétaire de l’immeuble bâti est Djokwe Isaac, son client, qui n’est plus de ce monde. L’histoire entre les deux remonte à plus de 15 ans, si l’on s’en tient aux écrits de l’avocat lui-même dans l’une de ses requêtes. Une confiance se serait établie de sorte que Djokwe lui confie toutes ses affaires en justice, et il aura été à ses côtés dans tous les tribunaux où il a eu des affaires. Ces affaires qui fleurissaient aussi à l’époque, au point où il avait créé une entreprise, la Cameroon Sporting Wear Manufacturer.

Isaac Djokwe était marié en premières noces à Kemegne Jeannette. L’union entre les deux donnera 4 enfants, dont la première est décédée. Les trois autres vivent aux Etats Unis où ils ont fait venir leur mère depuis 2007. Le divorce avait été prononcé entre les deux mais non rendu définitif en raison du pourvoi en cassation fait par l’époux, qui a tout de même épousé une seconde épouse, Chinyere Ogbediya d’origine nigériane. Les deux habitaient dans cette maison de Ndogbong avec les cousins de l’homme, (les deux jeunes expulsés). Le ventre de Chinyere n’aura pas été fertile, et elle est restée ainsi jusqu’à la mort de Djokwe le 16 janvier 2012.

Honoraires sans accord écrit

A la mort de l’homme, l’avocat veut rentrer en possession de ses honoraires. Il saisit à cet effet le Barreau du Cameroun pour une taxation d’honoraires. Dans sa requête il explique qu’en « vertu d’un accord tacite et vu l’ancienneté de leur relation », Djokwe lui a confié plusieurs de ses affaires mais est mort sans payer ses honoraires. Il précise dans cette requête que « madame veuve Djokwe après avoir réuni sa famille a convenu plutôt des honoraires à hauteur de 40 000 000 Fcfa plus une somme de 1 500 000 Fcfa pour divers frais, ceci par courrier datée du 1er octobre 2014 ; qu’à cette lettre, elle a joint son acte de mariage, sa carte d’identité nationale, une correspondance de son fils unique Frank Tommy Djokwe »

Sur la base de ces affirmations, le Barreau du Cameroun lui délivrera une ordonnance de taxation d’honoraires le 2 décembre 2014, signée de Maitre Foussé Dominique, adjointe au Représentant du Bâtonnier pour le Littoral, fixant le montant à 40 000 000 Fcfa plus 1 500 000Fcfa. Ce document en main, il saisira l’Etude d’huissier Maître Guy Efon qui servira à la « famille » dès le 15 avril 2015 un commandement aux fins de saisie immobilière, exigeant le paiement de la somme totale de 42 913 500 Fcfa. Il n’y a personne pour payer, et l’avocat entame un procès trois mois plus tard, dès le 27 juillet 2015, en saisie immobilière devant le Tribunal de Grande Instance du Wouri. Le verdict est rendu moins de deux ans plus tard, le 05 janvier 2017. D’après le document tenant lieu de copie de la grosse signé le 23 mai 2018, l’immeuble urbain « non bâti » a été adjugé à la somme de 70 000 000 Fcfa, au profit du seul adjudicataire Nguimtsop Jean Bosco, créancier poursuivant. C’est ainsi que l’avocat est devenu « propriétaire »

Irrégularités

Mais les enfants Djokwe, trois au total, ont été surpris d’entendre que leurs cousins étaient déguerpis de la maison (leur héritage) par celui qui hier était l’avocat de leur père. Toujours aux EtatsUnis, c’est par l’intermédiaire de leur tante au pays qu’ils essaient de comprendre, et sont aujourd’hui ahuris devant les irrégularités que présentent les documents.

Dans la requête aux fins d’obtention de l’ordonnance de taxation d’honoraires, l’avocat non seulement ne présente aucune convention d’accord entre leur père et lui, mais affirme en plus que leur mère a réuni sa famille pour convenir du montant de 40 000 000 Fcfa plus 1 500 000. Pourtant depuis le départ de leur mère, elle n’a plus jamais remis les pieds au Cameroun. Les documents personnels de la femme qu’il joint à sa requête doivent avoir été obtenus du vivant de son époux, quand il s’occupait de toutes leurs affaires en justice, estiment-t-ils. L’avocat prétend également avoir une lettre du fils unique de madame veuve Djokwe, alors qu’ils sont trois encore vivants, l’aînée étant décédée.

En plus, toutes les procédures menées devant la justice l’ont été en l’absence des ayants droits, l’avocat prenant le soin de remettre toutes les convocations et autres exploits d’huissiers à Chinyere Ogbediya, la deuxième épouse qui habitait la maison, que les enfants disent ne pas avoir un véritable intérêt à ce que l’héritage soit préservé, n’ayant pas elle-même fait d’enfants. Celle-ci ne communiquait en conséquence pas, laissant la situation pourrir. Plus est, la décision de justice faisant de maître Nguimtsop l’adjudicataire de la maison parle de jugement contradictoire, indiquant que les ayant droits de la succession étaient représentés à la barre par veuve Djokwe demeurant à Douala et de dame Chinyere Ogbedia, ménagère demeurant à Douala. Une autre contre vérité, la veuve n’ayant jamais mis pied au tribunal puisque n’étant pas au pays. Pour en ajouter à la forfaiture, l’immeuble est indiqué dans la grosse comme étant non bâti, alors que deux maisons sont construites sur le terrain depuis plus de 15 ans. Et pour couronner, la décision a évalué la maison à 70 000 000Fcfa, et l’avocat qui réclame plutôt 40 000 000 Fcfa a pourtant déjà saisi la maison, sans reverser à qui que ce soit le surplus.

Opposition

Dès l’entrée en possession de tous ces documents, les ayants-droit ont par la voix de leur tante à qui ils ont donné procuration, fait appel à toutes ces décisions (après l’obtention de l’accord du Barreau) devant la Cour d’Appel du Littoral, au même moment qu’ils ont porté plainte contre l’avocat pour violation de domicile, détention sans droit de la chose d’autrui, voix de fait et détention arbitraire.

Joint au téléphone pour avoir sa version des faits, l’avocat Maître Nguimtsop Jean Bosco dit ne pouvoir s’exprimer pour le moment sur cette affaire encore pendante devant la justice.

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