Bertrand NGNIE : Quelle est la situation économique actuelle du Cameroun ?
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Bertrand NGNIE : Quelle est la situation économique actuelle du Cameroun ? :: CAMEROON

Notre économie est largement dominée par le secteur tertiaire qui récapitule : Les activités de négoce c’est-à-dire le conditionnement, le reconditionnement et la distribution voire la redistribution des produits neufs et usagés en provenance principalement des pays asiatiques, européens et des Etats Unis d’Amérique ; Les activités bancaires et d’assurances qui financent et assurent les activités de négoce précitées ; Les activités de transport et de télécommunications qui permettent de rendre fluide et possible les activités précitées.

Notre économie est marquée par une absence totale de véritables activités industrielles et par la pratique d’une agriculture peu productive et moribonde. Nous avons perdu notre autosuffisance alimentaire, c’est-à-dire notre capacité à subvenir à nos besoins de consommation alimentaire en utilisant nos produits locaux. De ce fait, nous importons quasiment tout : des produits agricoles ou produits alimentaires et agro-alimentaires (Riz, farine de blé, boites de conserves, …) en passant par les produits d’habillement, électroniques, électroménagers, informatiques jusqu’aux biens durables (engins, voitures, matériaux de construction, …). Tous ces produits proviennent de l’extérieur. D’où un déséquilibre de notre balance commerciale marqué par une forte prédominance des importations, car nos exportations se limitent principalement au pétrole brut et au bois en grumes. Dans ces conditions, la chaine de valeur voire la chaine de création d’emplois va des importateurs – grossistes – demi-grossistes – détaillants – consommateurs ; une telle chaine de valeur crée peu d’emplois, c’est pourquoi nous assistons au Cameroun à un chômage de masse voire à un chômage cyclique qui s’empire davantage et quotidiennement.

De plus, une telle chaine de valeur crée peu de valeur ajoutée, en effet, la valeur ajoutée au niveau microéconomique est égale à la production vendue (produits finis, produits intermédiaires, produits semi-finis et produits résiduels vendus) diminuée de la consommation intermédiaire (matières premières et fournitures, charges directes et indirectes de production) ; cela suppose que pour avoir une forte valeur ajoutée, il faut absolument mettre en place des industries pour assurer la transformation de nos matières premières en produits finis.
La croissance économique quant à elle est mesurée par la variation du produit intérieur brut [taux de croissance économique = (PIBn – PIBn-1)/PIBn-1], or le PIB est la somme des valeurs ajoutées ou richesses créées sur le territoire national aussi bien par les nationaux que par les étrangers pendant une période donnée ; on peut donc comprendre aisément pourquoi le Cameroun peine à décoller et à trouver une source stable de croissance, car nous ne produisons pas, nous passons plutôt la plupart du temps à consommer ce que les autres pays ont produit. Nous dépendons largement de l’extérieur aussi bien en ce qui concerne les biens de consommations finales que les biens semi-durables et durables. Ce qui fait de nous une économie essentiellement importatrice. Or une économie forte est celle qui produit ce qu’elle consomme et exporte le surplus de sa production.

Il faut dire que le regain du taux de croissance économique que l’on observe depuis quelques années est le fruit de la montée de la production pétrolière ainsi que des activités connexes, du lancement des projets structurants, et de quelques faits isolés et exceptionnels c’est-à-dire non récurrents. Parmi lesdits faits isolés, nous avons entre autres la remise de la dette lorsque nous avons atteint le point d’achèvement (mais malheureusement qu’avons-nous réellement fait avec cette remise de dette ?), et l’octroi des licences 3G/4G à MTN et ORANGE, etc.

La croissance économique va-t-elle s’améliorer à l'horizon 2020 ?

Le taux de croissance économique étant la variation du produit intérieur brut d’une année à l’autre comme je l’ai précisé supra, il faut dire que notre taux de croissance se situe entre 5,5% à 6 % en 2015 selon les données du FMI. Cependant, quant à la question de savoir s’il va s’améliorer d’ici 2020, il convient au préalable de préciser les éléments qui composent ce taux de croissance. En effet, ce taux est principalement le fruit de l’augmentation de la production pétrolière ainsi que des activités connexes, or le pétrole brut est non seulement une ressource non-renouvelable et par conséquent limitée dans le temps, mais également une ressource qui dépend fortement de la variation du prix du baril de pétrole brut sur le marché international. C’est dire qu’une éventuelle diminution de notre production pétrolière voire une chute du prix du baril de pétrole brut sur le marché international impacteront fortement et négativement notre taux de croissance le cas échéant. Etant donné les conditions actuelles du marché du pétrole brut où le prix ne cesse de chuter et vertigineusement du fait de la surproduction, peut-on escompter les ressources pétrolières pour booster la croissance économique ?

Quant aux projets structurants, il faut dire que deux conditions sont indispensables pour qu’ils constituent une source stable de notre croissance économique, premièrement, il faudrait que tous ces projets arrivent à leur terme ; et deuxièmement, il faudrait qu’ils servent de socle aux activités industrielles. Cette deuxième condition suppose donc la création des industries à fin de profiter par exemple de l’augmentation de notre capacité énergétique hydraulique, une fois la construction des barrages hydrauliques terminée. De plus, il faut dire que la guerre contre boko haram n’est pas de nature à favoriser notre croissance économique d’ici 2020. En effet, en observant le chapitre 13 de la loi de finance consacré à la Défense, on peut remarquer qu’elle ne cesse d’augmenter depuis le début de la guerre, en 2016 il est de 229 727 000 000F. Par ailleurs, aucune décision ayant une portée macroéconomique et visant à éveiller l’esprit d’initiative industrielle locale n’a pas été prise. Donc, dans les conditions actuelles, on ne peut pas s’attendre à une amélioration de notre croissance économique d’ici 2020.

Sinon que faut il faire pour booster la croissance économique du Cameroun ?

Pour booster notre croissance économique, il faut procéder à la prise des décisions ayant une portée macroéconomique et visant à éveiller l’esprit d’initiative industrielle locale chez les jeunes entrepreneurs voire les jeunes industriels camerounais. Comme je l’ai mentionné plus haut, la croissance économique est mesurée par le PIB, et le PIB est la somme des valeurs ajoutées, qui quant à elles sont la résultante de la richesse générée par les activités productives et industrielles. Or nous sommes dépourvus des industries. Donc par décision ayant une portée macroéconomique, il faut entendre par exemples :

Une interdiction d’importation des vêtements et chaussures usagés (friperie) en provenance de l’Europe et des Etats-Unis voire des vêtements et chaussures en provenance des pays asiatiques. Une telle décision sera de nature à entraîner l’essor sans précédent de l’industrie d’habillement, de textiles, de tannerie et de fabrication des chaussures dans notre pays. Nombre de jeunes deviendront couturiers, tailleurs, tisserands, tanneurs et fabricant de chaussures. Les vendeurs en boutique et les vendeurs à la sauvette (communément appelé sauveteurs) pourront dorénavant s’approvisionner auprès des couturiers et fabricants locaux. Les activités ainsi créées, non seulement contribueront à réduire fortement le chômage, mais généreront également les impôts et taxes pour le gouvernement. Et une fois que le marché local en vêtements et chaussures sera satisfait on pourra se lancer vers la conquête des marchés sous-régionaux, car les pays de la sous-région présentent à peu près les mêmes caractéristiques avec une dépendance accrue et marquée aux produits en provenance de l’extérieur, le tout c’est de mettre l’idée en application avant les autres pays de la sous-région.

En chine, la première génération des zones économiques spéciales chinoises ont été concentrées sur la fabrication et l’exportation des produits de base standard comme les chaussures du sport, les vêtements prêts à porter et bien d’autres. Je cite cet exemple de la chine, pour montrer que l’industrie d’habillement, de textiles, de tannerie et de fabrication de chaussures constituent un secteur non négligeable si nous voulions amorcer notre décollage économique.

Une interdiction d’importation des produits usagés (Brocantes) en provenance des pays européens et des Etats-Unis.

Une telle décision éveillera et encouragera l’initiative industrielle locale en permettant la création des industries de fabrication des produits électroménagers, électroniques, informatiques, de téléphones, de matériaux de construction, et bien d’autres produits manufacturés. Nous ne pouvons pas continuer d’accepter une incapacité industrielle injustifiée, car lorsque vous faites le tour des usines de fabrication des produits électroniques et de téléphones en Asie, il y a parmi les employés beaucoup d’africains et en particulier des camerounais. De plus, la mise en place desdites industries ne nécessite pas d’énormes moyens comme on nous le fait croire. En Inde par exemple, les étudiants avaient commencé à fabriquer les téléphones à partir d’une subvention étatique accordée par l’Etat pour expérimenter les prototypes de téléphones qu’ils avaient réalisé. Et puis grâce au produit de la vente des premiers téléphones, ils se sont refinancés ainsi de suite. C’est dire qu’au Cameroun, il revient à l’Etat de créer les conditions nécessaires en limitant les importations des produits pouvant être fabriqués localement afin de permettre aux jeunes industriels camerounais d’écouler leurs produits et de pouvoir se refinancer grâce au produit de leur vente. Les activités ainsi créées généreront beaucoup d’emplois sur le plan social, et d’impôt et taxes pour le gouvernement.

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