Budget de l’Etat : cinq programmes affichent un taux d’exécution de 0%
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Les crédits affectés à la mise en œuvre des actions définies dans les différents programmes ont été entièrement consommés mais aucun objectif n’a été atteint.

Malgré le discours officiel, le citoyen attentif a dû se rendre compte que la situation ne s’améliore pas vraiment dans certains domaines de l’action publique. Avec la promulgation de la loi de règlement 2017 par le président de la République, le 11 décembre 2018, chacun peut se rendre à l’évidence : aucun progrès n’a été réalisé dans l’approfondissement du processus de décentralisation, annoncé depuis des années; pas plus que dans l’amélioration de l’offre et de l’accès à l’information ; la lutte contre la désertification et les changements climatiques ; la valorisation des ressources minières ou encore la promotion de la santé.

Sur la base des indicateurs adoptés dans le cadre de la loi des finances, ces programmes de l’ex ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, du ministère de la Communication, du ministère l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable, et du ministère des Mines, de l’industrie et du développement technologique affichent les résultats les plus médiocres : 0% de réalisation de la cible définit par l’objectif du programme. Après les 12 mois d’exécution du budget de l’Etat et même après pratiquement un an de consolidation des données, aucune avancée n’a été enregistrée.

Choses curieuses, les crédits destinés à la mise en œuvre des différentes actions en vue de l’atteinte des objectifs du programme ont été entièrement consommés. Dans l’approfondissement du processus de décentralisation, il est question d’accompagner et évaluer l’action des collectivités territoriales décentralisées (CTD) en vue du développement local. Le programme devait s’assurer de la réalisation par les CTD d’au moins 50% des actions inscrites dans la Stratégie nationale de la décentralisation. Les 7,258 milliards de FCFA mis à la disposition du programme, consommés à 98,81%, n’ont finalement servis à rien !

L’amélioration de l’offre et de l’accès à l’information vise à mettre à disposition, à l’échelle nationale et internationale, une information qualitative et quantitative. Il était question de porter la proportion de la population exposée aux médias de masse de 60% en 2015 à 75% en 2018. Le budget dédié a été consommé à 98,15%.

La lutte contre la désertification et les changements climatiques vise à réduire la dégradation des terres et à promouvoir les mesures de résilience, d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Les 3 milliards absorbés à 99% n’ont malheureusement pas permis d’enregistrer le moindre progrès dans ce domaine.

Même échec dans la valorisation des ressources minières et géologiques. La contribution des ressources géologiques et minières (hors pétrole) dans la PIB est en hausse certes, mais aucune certification de réserve minière n’a été enregistrée depuis 2014. Les 3,5 milliards alloués à cette activité a été 93%.

La situation est pratiquement la même pour ce qui est de la promotion de la santé. Rien, en tout cas, le ministère de la Santé publique n’a produit aucun élément probant montrant que le pourcentage des districts de santé dont les ménages disposent des toilettes améliorées a augmenté de 10 points. Pourtant les 14,529 milliards ont été consommés à 99,92%.

Hormis les chapitres de souveraineté, 43 des 138 autres programmes du budget 2017 affichent un résultat inférieur à 50% des objectifs arrêtés.

La loi de règlement 2017 adoptée et promulguée avec « fautes »

La loi de règlement de l’exercice 2017 a été promulguée le 11 décembre 2018 par le président de la République. En parcourant les projets de performance des administrations (PPA) et des rapports annuels de performance (RAP), l’on est frappé par le nombre de « cases vides » avec des renvois de bas de page pour «Résultat attendu », « Résultat attendu non disponible», « cible antérieure à l’année durant laquelle le budget a été exécuté », « absence de données sur l’indicateur dans le PPA 2017 », etc.

Ces lacunes sont principalement le fait d’une douzaine de ministères. Les ministères des Marchés Publics, du Contrôle Supérieur de l’Etat, de la Défense, du Commerce, de l’Habitat et du Développement Urbain s’illustrent par des « cibles antérieures à l’année durant laquelle le budget a été exécuté ». En d’autres termes, le résultat à atteindre était inférieur à l’indicateur de référence au moment de l’adoption du budget. Le ministère de la promotion de la Femme et de la Famille et celui des Transports n’indique aucune donnée sur le PPA 2017. Pour le ministère des Travaux publics et le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, les résultats sont toujours attendus ou les résultats attendus sont non disponibles.

Outre les chapitres de souveraineté (présidence de la République et les services rattachés, Assemblée Nationale, Sénat, Elecam, Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés, etc.), le document ne donne aucun chiffre sur les résultats obtenus dans 59 des 174 indicateurs répertoriés. Dans son avis sur le projet de loi de règlement de l’exercice 2017, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun a recommandé au Parlement d’adopter le texte soumis par le gouvernement, malgré ces insuffisances.

Selon l’Article 20 de la loi du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, «la loi de règlement est la loi de constatation de la dernière loi de finances exécutée. A ce titre, elle arrête les résultats de la comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale de l’exercice considéré et en donne quitus au gouvernement ; (…) la loi de règlement peut également comporter toutes dispositions relatives au contrôle de la gestion des finances publiques, ainsi qu’à la comptabilité de l’Etat et aux régimes de responsabilité des agents chargés de l’exécution du budget. »

Une lecture littérale de la loi ne fait pas de la production des données une option mais plutôt une obligation. Ce d’autant plus que le nouveau régime financier de l’Etat donne un statut au responsable de programme. Désormais, celui-ci est désigné par son ministre et les compétences d’ordonnateur lui sont déléguées par un acte de désignation. L’objectif de cette réforme est de responsabiliser davantage le responsable de programme qui est ainsi le principal artisan du budget programme.

Il semble donc incompréhensible de se retrouver sans information sur un programme dans le nouveau contexte. De là à penser à un refus de rendre compte, il n’y a qu’un pas que certains n’hésiteront pas à franchir.


Ce que dit la loi ?

Article 22.(1)
Les rapports annuels de performance annexés à la loi de règlement présentent pour chaque programme, les résultats obtenus comparés aux objectifs fixés, les actions développées et les moyens utilisés, accompagnés d’indicateurs d’activité et de résultat ainsi que d’une estimation des coûts des activités ou des services rendus. Les rapports annuels de performance sont produits par les responsables des programmes sous l’autorité des chefs de départements ministériels ou assimilés.

Article 30.(3) Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus. Les objectifs de chaque programme sont assortis d’indicateurs de résultats.

(4)En tant que cadre de pilotage opérationnel des politiques publiques, un programme peut regrouper des crédits d’une direction, d’un service, d’un ensemble de directions ou de services d’un même ministère.

(5)Placés sous la responsabilité d’un responsable de programme désigné en application de l’article 69 de la présente loi, les programmes font l’objet d’une évaluation de leur efficacité, économie et efficience par les corps et institutions de contrôle, ainsi que par la Juridiction des Comptes.

Article 69.(1)Le responsable de programme est nommé par le Ministre sectoriel dont il relève. L’acte de nomination précise les conditions dans lesquelles les compétences d’ordonnateur lui sont déléguées, ainsi que les modalités de gestion du programme. Cet acte est transmis pour information au Ministre chargé des finances.

(2). Sur la base des objectifs généraux fixés par le Ministre, le responsable de programme détermine les objectifs spécifiques, affecte les moyens et contrôle les résultats des services chargés, sous sa responsabilité, de la mise en œuvre du programme. Il s’assure du respect des dispositifs de contrôle interne et de contrôle de gestion.

(3). Le responsable de programme peut modifier la répartition des crédits au sein de son programme, en application des dispositions de l’article 32 de la présente loi. Dans ce cas son ministre sectoriel en informe le ministre chargé des finances, après avoir pris l’avis du contrôleur financier. »

Source : Extrait de la loi du 11 juillet 2018 portant régime financier de L’Etat et des autres entités publiques

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