VALSERO : « Voter Paul Biya n’aura aucun impact sur la crise anglophone »
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Gaston Abe à l’état civil, le rappeur camerounais, connu pour ses critiques acerbes contre le régime en place, est à la tête d’une association baptisée « Our destiny » qui a pour but principal de mobiliser des jeunes volontaires en cette période électorale afin de participer au vote et avoir une influence sur le choix du futur président de la République.

D’où vous est venue l’idée de demander aux jeunes camerounais de ne pas voter pour le candidat Paul Biya en cette période électorale?
Je n'ai pas pris la décision de demander aux jeunes de ne pas voter le candidat Paul Biya pour cette élection. Je pense simplement que je n’ai jamais été pour le candidat Paul Biya. J'ai toujours milité contre lui. Je prends beaucoup de plaisir à dire que je suis contre l'opposition et je pense que j'en avais marre d'être de l'opposition tout seul. Les raisons pour lesquelles je suis de l'opposition, c'est à cause de cette misère ambiante qui paralyse la jeunesse même dans son avenir. C’est pourquoi nous, à « Our destiny » nous avons pris la ferme décision d'emmener plein de jeunes avec nous, parce-que on s'est rendu compte qu'après 10, 15 ans, être un opposant tout seul c'est un problème. Mais vous ne pouvez pas juste crier pour un million de personnes. Nous voulons mobiliser le maximum de voix possible. Cette voix qui va dire « non ! », « nous ne sommes pas un parti politique mais une entité. Nous sommes une force avec le pouvoir de choisir et on a choisi l’opposition. L’opposition c'est une manière de penser, c'est l'envie de faire autre chose. Donc c'est pour cette raison qu'on a mené cette campagne baptisée « je suis l'opposition camerounaise ».

Qu'est-ce que vous mettez concrètement dans l'opposition?
Pour moi, l’opposition c'est d'abord l'idée de changement. Avant de coller un visage à cette idée, c'est d'abord l'envie de vivre autre chose, l'envie de penser autre chose, de voir le Cameroun penser en une autre langue, une autre manière de voir. Ça, c'est déjà une partie de l'opposition. Mais si on en vient à la pratique, nous avons neuf candidats en course pour l'élection présidentielle cette année et j'ai été clair sur le sujet. Garga Haman Adji et Adamou Ndam Njoya ne font plus partie de l’opposition parce-que ce ne sont plus des noms qui me font peur. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. Ils ne reflètent plus cette force de changement qu’on a jadis vu se dessiner à travers leur politique et leurs idéaux. Dans le cadre de « Our destiny », les visages de l'opposition camerounaise, malgré que cela soit discutable, sont Akere Muna, Maurice Kamto, Cabral Libii et Joshua Osih. L'approche qui était la nôtre était de procéder par découpage parce-que quand il y en a beaucoup, c'est difficile d’être objectif. On est passé de 4 à 8 et aujourd'hui on a 4 personnes pour représenter l’opposition.

Quelle est l'appréciation que vous faites sur ces leaders d'opposition qui se flinguent entre eux alors qu’on attend qu’ils soient unis pour regarder vers la même direction ?
Je pense que ce sont ces éléments qu'on prendra en compte pour pouvoir, au soir du 30 septembre, donner un mot d'ordre de vote et il faudrait bien que les gens sachent qu'on s'apprête à donner un mot d'ordre de vote, c'est pour ça qu'on travaille pour que notre parole ne soit pas seulement une parole en l’air, mais que ce soit une parole basée sur des analyses, sur des descentes de terrain sur des discussions objectives. En marge de tout cela, je produis et je présente une émission qui s'appelle « mon ami candidat » à Vox Africa. C’est une émission qui a pour but de me plonger dans la pensée et la psychologie des candidats pour essayer de comprendre comment est-ce qu'ils pensent et comment est-ce qu'ils voient le monde. Et j'ai posé la question à Maurice Kamto de savoir ce que ça lui fait de se faire bousculer en plein matin sur Radio France Internationale (Rfi) par Joshua. Il m'a répondu « je ne suis pas au courant ». Puis, je lui ai dit bien sûr ; cela veut dire que ta « meute cybernétique » ne fait pas bien le travail. L'information claire et nette. C’est vous dire que les éléments que nous voyons comme la communication des partis politiques, la présentation de leurs projets, comment est-ce qu'ils font face aux difficultés sur le terrain, l'attaque des partisans, le positionnement sur la crise anglophone… Tout ça a ceci de particulier que ce sont les éléments sur lesquels mon organisation et moi-même nous allons nous appuyer pour pouvoir avoir la lourde responsabilité de dire à un jeune tu peux voter pour ce monsieur plutôt que tel autre.

Votre association « Our destiny » soutient l'opposition. Et si cette opposition prend le pouvoir au soir du scrutin du 07 octobre prochain, que deviendra l'association ?
Non! Je vous ai dit que « Our destiny » n'est pas une organisation qui a été créée par l'opposition. C'est une organisation qui fonctionne en fonction des contextes. Le contexte camerounais actuel est particulier. On continuera à faire nos campagnes de sensibilisation sur la lutte contre le Sida ou d'aménagement des voies publiques. Mais ça dépend du problème et du contexte. En ce moment, le Cameroun est dans l'étouffement ; on est à 36 ans d’une des dictatures les plus fermées en Afrique. On n’est plus en train de risquer la guerre, on est en pleine guerre. Le Cameroun subit toutes les agressions du monde liées à sa gouvernance. Le bon sens voudrait qu'on soit un opposant. Si jamais Paul Biya passe l'élection, ce n'est pas un indicateur qui va stopper la guerre. La question qu'on est en train de se poser est, « quelle est le candidat qui aura un impact, une influence directe sur la crise anglophone et ça, je ne crois pas que si Paul Biya gagne l'élection, ça aura un impact sur cette crise. Peut-être un accélérateur encore et seulement pour ça, on doit faire très attention car il ne s'agit pas des partis mais du pays.

Jusqu’où êtes-vous capable d’aller? Votre engagement pourrait-il s'associer à une guerre civile? Est-ce votre idéal?
Non! Je crois que si quelque chose s'est déjà passé, ça veut dire qu'on a une possibilité de l’éviter. Si cela s'est déjà passé en côte d'Ivoire, pourquoi est-ce que cela arriverai au Cameroun ? On est assez intelligent pour pouvoir l’éviter. Je reste persuadé que pour qu’on n’arrive pas au scénario de la cote d'Ivoire, je suis prêt à tout. Tout ce qui est humainement possible ; tout ce que mon cœur, mon corps, mon énergie et intégrité me pousseront à faire. Vous ne pouvez pas dire à un jeune de descendre dans la rue s’il n'a pas voté mais, si vous avez volé le vote d’un jeune vous le verrez dans la rue. Le problème avec la politique est que les gens savent pourquoi ils ont voté et pour qui ils ont voté. Et quand ils vont voir le nombre qu'ils sont et voir qu'ils n'ont pas gagné, là, ils sauront qu'il y a quelqu'un qui a volé le vote. En fait, le peuple est divisé.

Quelle est donc selon vous, l’attitude à adopter ?
Je compte déjà sur vous. Parce que c'est une idée que si vous partagez, vous pouvez la transporter et la diffuser au maximum de telle manière que tous les jeunes de tous les endroits du Cameroun se rendent compte qu'ils peuvent se mobiliser entre eux et observer l'élection. Je veux qu'ils épousent l'idée et la possibilité qu’un groupe de jeunes de Mora puisse s'asseoir entre dix ou quinze et dire : « nous on va voter dans tel bureau de vote et observer comment les gens font à Yaoundé ». Et ça, si ce sont les journalistes qui vendent bien l’idée, les jeunes se rendront compte parce qu'ils doivent savoir que même quelqu'un qui n'a pas de carte peut être un observateur.

Quel est le regard que vous portez sur l'abstention de votre champion Bernard Njonga?
Je crois qu’on n’avait pas la force de mener cette bagarre. On avait toutes les finances mais je pense que c'est ça qui est petit chez les Camerounais. Avoir facilement l'argent et avec l'argent, ils se lancent dans des luttes qu'ils ne peuvent pas gagner. Notre formation était extrêmement jeune, le contexte était extrêmement compliqué pour une formation aussi jeune. Il ne s’agissait pas juste de prendre un homme et dire qu’on va aller le mettre devant les gens. L'occupation de terrain nécessaire, le langage politique nécessaire pour pouvoir mener cette bagarre dans cet environnement-là, nous on ne l'avait pas. Le Crac est un parti de développement pas d’insultes. On n’avait pas les armes pour aller à cette élection.

Depuis quelques mois, vous utilisez la musique pour sensibiliser les jeunes contre les dangers des migrations irrégulières. Parlez-nous du Concept « We are all migrants ».
Pour restituer les choses dans le contexte, il faut dire qu’en ce moment, nous sommes sur une campagne qui est portée par l’Organisation internationale pour les migrations (Oim) qui traite des dangers liés aux migrations irrégulières. Et dans le cadre de cette campagne justement, l’association « Our destiny » en partenariat avec l’Union européenne, mène sur le terrain des campagnes de sensibilisations de la jeunesse contre les dangers liés aux migrations irrégulières. Mais « Our destiny » voit un peu plus large dans cette campagne parce qu’il s’agit d’attirer l’attention des jeunes à travers des slogans comme « je ne mourrais pas dans le désert », « je ne mourrais pas dans la Méditerranée », « je veux prendre de bonnes décisions dans ma vie ». Aussi, la campagne vise à dire aux jeunes qu’on peut utiliser le peu qu’on a pour s’en sortir. Nous interpellons aussi l’être humain parce que comme je dis toujours, ce n’est pas la mer qui part prendre des gens dans leur maison. Il y a un mécanisme humain qui fait que les êtres humains se trouvent traités comme des animaux par d’autres êtres humain et je pense qu’il faut que ça cesse. Avec « Our destiny », nous interpellons la société occidentale pour dire que nous sommes tous migrants. Mais que c’est la façon de migrer qui fait la différence. Il faut qu’on arrête la stigmatisation.

Et pourquoi sensibiliser à travers la musique ?
Nous sensibilisons à travers la musique parce qu’elle a une approche émotionnelle assez forte. La musique a un impact dans le changement des mentalités. C’est un bon moyen de mobilisation, de sensibilisation. Mais surtout, la musique touche un maximum de personnes. Quand vous avez sorti la musique dans le contexte de divertissement dans lequel il est plongé au Cameroun, pour le mettre dans un contexte de développement, vous voyez toutes les possibilités d’influence qu’elle peut avoir. Il faut dire qu’utiliser la musique pour passer le message est complémentaire aux autres approches. Parce que sur le terrain, il y a des campagnes directes, des communications interpersonnelles, des spots tv et radio qui sont utilisés pour appeler les jeunes à tourner le dos aux migrations irrégulières.

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