Octobre 2018 : tous pour la transition politique !
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Le bilan des 25 dernières années du règne de Paul Barthélemy Biya est un échec retentissant. De plus en plus de Kamerunaises et de Kamerunais plongent dans la pauvreté. La classe moyenne a quasiment disparu. Les libertés d’expression acquises de haute lutte à l’aube des années 1990 sont en recul permanent. La nature dictatoriale de ce régime qui feint de tolérer sans soucis les critiques verbales, refait brutalement surface à la moindre conférence de presse susceptible de mobiliser les populations pour un véritable changement.

C’est dans ce contexte que se profile l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, à laquelle participe de nouveau Paul Biya, bientôt nonagénaire, dans un pays où près de 65 % de la population est 3 fois moins âgée que lui. Cette élection est massivement rejetée par le peuple kamerunais dont la quasi-totalité souhaite ouvertement ou secrètement la chute de cette dictature sanguinaire. Pour preuve de ce rejet, le chiffre officiel d’inscrits, sans aucun doute gonflé par le régime qui veut faire croire à l’adhésion du peuple à sa mascarade électorale, annonce moins de 6.500.000 personnes, un nombre d’inscrits nettement plus faible qu’en 2011 alors que la population d’électeurs potentiels a considérablement augmenté entretemps. Une « élection » qui n’aura donc aucune légitimé populaire.

Alors que faire ?

Seule une transition politique peut sortir le Kamerun de la longue parenthèse de recul dans laquelle il est enfermé depuis près de 60 ans. Une transition qui inévitablement, dans le contexte de la crise anglophone, doit passer par un Dialogue National Inclusif seul à même permettre la redéfinition d’un autre Kamerun que nous voulons toutes et tous : un Kamerun de plus de promotion sociale et culturelle, un Kamerun de justice sociale, de libertés fondamentales respectées, de droits humains respectés et défendus, d’institutions répondant aux réelles aspirations et préoccupations des populations, d’économie souveraine déliée de tous les contrats léonins officiels ou officieux qui entravent le déploiement des énergies créatrices du peuple kamerunais.

Or avec octobre 2018, nous avons de nouveau un momentum politique qui peut être exploité pour réaliser cette transition politique, quelle que soit la position adoptée face à cette échéance, à savoir y participer ou ne pas y participer.

Pour qui a vécu les scrutins précédents du régime RDPC-Biya, participer à cette mascarade dans ce contexte structurel (conditions électorales taillées sur mesure pour le dictateur en place) et conjoncturel (crise dite anglophone et guerre dans le NO-SO) est une gageure qui aura lieu sur le sang de nos compatriotes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest principalement, et secondairement de nos frères et sœurs des forces de l’ordre envoyés sur le théâtre de cette sale guerre. Toutefois, il ne s’agit plus de démontrer que la participation à cette mascarade jouée d’avance est un vain match de classement du second.

Il s’agit d’appeler tous les acteurs politiques du véritable changement à agir pour imposer, quelle que soit la voie empruntée, les conditions d’une transition politique seule à même de répondre démocratiquement à l’aspiration profonde de la majorité du peuple kamerunais : voir la chute du régime de Paul Biya et reconstruire ensemble un autre Kamerun.

Comment ?

Pour les tenants du boycott, cette position n’a pas de sens si l’on ne propose pas une alternative au processus électoral. Dans ce sens, les actions de la plate-forme Stand Up For Cameroon initiée par l’UPC-MANIDEM et le CPP, de la Cameroon Patriotic Diaspora (CPD) ou du Cardinal Tumi, vont dans le bon sens. A la place des élections, ces acteurs dont je suis, avons choisi de prendre des initiatives pour forcer l’organisation d’un dialogue national inclusif qui doit inévitablement déboucher sur cette transition politique.

Il est important que les tenants de la non-participation aux élections redoublent d’ingéniosité pour mobiliser et imposer, de préférence avant l’élection mais pourquoi pas après aussi, un calendrier de refondation nationale qui pourrait, même au lendemain du énième hold-up électoral de M. Biya, sonner malgré tout la fin de son règne et l’avènement d’un Kamerun nouveau.

Pour les tenants de la participation, malgré l’impasse de cette position, elle peut aussi servir le camp du changement véritable à deux conditions. D’abord que les candidats majeurs de l’opposition (notamment Muna, Kamto, Osih et Libii) créent un électrochoc dans l’opinion publique en se rangeant tous derrière l’un d’entre eux, avec un projet politique minimal commun qui comportera inévitablement la tenue d’un dialogue national inclusif devant aboutir à une transition politique. La seconde condition est que le candidat de consensus ainsi désigné fasse une place équitable aux trois autres durant le reste de la campagne pour défendre naturellement le projet politique commun.

A ces deux conditions, nul doute que les tenants de la voie électorale et ceux du boycott actif pourraient se retrouver, faire renaître l’espoir et remobiliser le peuple contre cette dictature.

Pourquoi ?

Avec le système électoral inique et les institutions (Sénat et Assemblée nationale reconduits et majoritairement RDPC, Conseil constitutionnel) à la solde de M. Biya, les conditions politiques ne sont pas propices à la proclamation de la victoire d’un autre que lui. Toutefois l’émergence d’une candidature de consensus de l’opposition ayant ravivé l’espoir du peuple de voir enfin Biya perdre ces élections, la réaction d’une population galvanisée par cette candidature de consensus pourra être de taille à s’opposer au nouveau hold-up électoral en cours et aboutir à la transition politique qui ne manquera pas de s’imposer comme seule solution de sortie de crise post-électorale.

Si l’on veut un réel changement dans notre pays, l’enjeu du 07 octobre 2018 doit donc être de créer ensemble les conditions d’une transition politique nécessaire pour pacifier le Kamerun, aboutir à des nouvelles institutions et à de véritables élections démocratiques dans un autre Kamerun nouveau, bref de refonder le pays.
Pour nous du boycott actif, nous avons commencé et nous continuons notre part. Chers candidats de l’opposition, à vous de réagir. La balle est dans votre camp. Nous vous regardons.


Moïse Essoh
Secrétaire aux relations internationales et aux affaires politiques du CODE.

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