Côte d'Ivoire: Alassane, le RDR et le PDCI-RDA: la dure réalité du pouvoir
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La querelle (qui n’éprouve plus de pudeur à être exposée) entre le Rdr et le Pdci vient d’atteindre un pôle majeur de son expression. La conclusion de la dernière réunion en date du bureau politique du Pdci-Rda a eu l’effet d’un coup d’épée sur la peau tendue d’un ventre bedonnant et constipé : tripes et déchets sortent de la fente et déversent, dehors, le contenu de ce ventre plein de pourritures à évacuer. Epilogue ou mi-temps d’une partie de triche et de calculs politiciens mesquins qui cachaient de sombres desseins ? Peut-être, mais plus certainement signe d’une déconfiture : la désillusion qui succède aux espérances non satisfaites. Mésalliance ? Une certitude : le spectre de la rupture n’est pas loin.

Au centre de ce désormais difficile ménage, l’énigmatique « Appel de Daoukro », le parchemin par lequel tout est arrivé, en 2014 ; et à cause duquel tout pourrait se désagréger. Vous avez dit « alternance » — la ritournelle hurlante du Pr Guikahuié-la-voix-de-son maître ? En écho, vous entendez, de manière non moins incantatoire : « Parti unifié !» — l’«obstinato» ensorcelé des talibés de Ouattara ! Alternance, parti unifié. Voilà les concepts enflammés de la discorde au sein de la famille politique des héritiers d’Houphouët-Boigny. Ce sont les ‘‘déchets toxiques’’ de « l’Appel de Daoukro », l’obscure trouvaille d’Henri Konan Bédié, un véritable hiéroglyphe politique, plus énigmatique que l’animal mythologique dont son auteur porte le nom terrifiant : Sphinx. 

Nous devons le dire nettement : si l’objectif non dévoilé de « l’Appel de Daoukro » était d’offrir un second mandat, piégé celui-là (parce que pourri) à Alassane Ouattara afin que les Ivoiriens découvrent les insuffisances de ce technocrate de renom, on peut dire qu’Henri Konan Bédié y a vraiment réussi, s’affirmant donc par-là comme un respectable stratège politique ; ou, dans le moindre des cas, comme un homme à la vengeance lente, froide, mais efficace. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui au cours de ce deuxième quinquennat du Président Ouattara me paraît édifiant sur la question. En effet : imaginons un instant que M. Ouattara se soit retiré du pouvoir en 2015, juste après un seul mandat (comme il l’avait d’ailleurs envisagé lors de la campagne électorale). Que serait-il devenu dans la conscience collective des Ivoiriens ? Indiscutablement une légende ! Un politique ivoirien d’exception car, il faut le dire, le premier mandat du chef de l’Etat ivoirien fut hautement productif. Presque sans faute. Quinquennat vraiment stupéfiant donc et qui nous aura rassurés sur la capacité de Ouattara à gérer un Etat. Qu’on en juge :

1 ― Déjà, du Golf hôtel où il était « exilé », Alassane Ouattara réalisa l’exploit de mobiliser en sa faveur l’ensemble de l’opinion internationale, contre le président sortant ; preuve de l’efficacité de son relationnel politique, international. A contrario, le président sortant nous a offert le spectacle pathétique d’un chef d’Etat isolé dans le concert des Nations, sans aucun soutien international ! C’est grave (1).
2 ― Dès le lendemain de la chute de M. Gbagbo, le Président Ouattara et son gouvernement entamèrent, sans un seul jour d’hésitation, les travaux d’assainissement de la ville d’Abidjan : déblayage de l’inacceptable et infecte ghetto du plateau appelé insolemment « Sorbonne », « dératisation » du campus par la destruction de ce nid de miliciens et d’étudiants criminels militants du Fpi et cachés sous la cagoule de syndicalistes de la Fesci ; maints autres efforts aussi de réhabilitation urbanistique de la ville d’Abidjan couronneront ce premier mandat.
3 ― Mise en route du plan de redressement du tissu économique et diplomatique du pays mis à mal par un régime qui aura vraiment disqualifié l’image de la Côte d’Ivoire : un pays alors du désordre, de la violence, de l’indiscipline, des détournements de fonds publics, de la propagande populiste et religieuse, etc.
4 ― Entame de plusieurs grands chantiers.
5 ― La mise en place de la CDVR (2) adroitement confiée à Charles Konan Banny, un homme sage. C’était un autre signe, vraiment rassurant, de la volonté du régime en place, de vider le contentieux de la sortie de crise ivoirienne.

En tout et pour tout, c’est à l’image d’un peuple au travail, et ayant retrouvé le goût du chantier productif et le sens de la culture de la Paix, sous la gouvernance d’une équipe sérieuse, volontariste, que nous avons assisté. Oui, le mandat 2010-2015 d’Alassane Ouattara fut presqu’irréprochable. Et, je le redis, cet homme se serait retiré du jeu politique sur ces notes (malgré le non traitement de certains dossiers brûlants — le retour des exilés, la libération de l’ex-Président, la libération des prisonniers politiques, etc.), qu’il serait aujourd’hui, pour le peuple ivoirien, un repère, un modèle.
Hélas (ou heureusement ?), « L’Appel de Daoukro » a permis aux Ivoiriens de découvrir l’envers de ce qui a failli devenir une légende. Ce deuxième mandat révèle, en effet, trop d’insuffisances dans la gouvernance de Ouattara. Qu’on en juge : conduite douteuse de l’Education nationale, de l’urbanisation, de la moralisation dans la gestion du Trésor public, création d’une minorité de satrapes qui détiennent l’essentiel des fruits de la croissance, corruption décriée, cumul de postes, persistance (pis, gradation de l’insalubrité ― malgré les efforts entrepris dans ce sens), paupérisation choquante, augmentation exponentielle de prix des produits de consommation, insécurité urbaine, chute du prix des matière matières, enfin toutes ces tares tant décriées par l’opposant d’hier et reproduites aujourd’hui à échelle choquante, et qui consacrent la faillite d’un régime qui nous aura faits rêver en cinq ans (2010 à 2015). C’est, à la réflexion, le résultat d’un usage perverti du pouvoir. Nos chefs d’Etat devraient pouvoir retentir la leçon suivante : plus on dure au pouvoir, plus on prend le risque de commettre des manquements dommageables à la qualité du mandat. A contrario, moins on y dure, plus on acquiert les faveurs de l’opinion.
 
Bref, que reste-il aujourd’hui du Rdr ? Rien d’autre que l’image disqualifiée d’une équipe tribalo-clanique de jouisseurs ; l’ombre de ce qui fut, hier, un grand parti, mais aujourd’hui en proie au doute quant à ses capacités d’encore mobiliser les masses pour sa survie. Le Rdr : un parti dont la durée de vie au pouvoir s’évalue désormais au temps qui nous sépare de l’échéance d’octobre 2020. Que reste-il, de même de son Président, cet homme de tous les espoirs, qui incarna naguère, outre la fin des inconforts administratifs subis par les siens (ceux de son groupe ethnique), un renouveau de notre pays après les temps de propagande idéologico-religieuses, de clabaudages et de violences improductives qui ont signé l’avènement des Refondateurs. Oui, qu’en reste-t-il vraiment ?
C’est, à l’examen froid, un chef d’Etat désavoué par nombre d’Ivoiriens abandonnés sur les trottoirs insalubres de l’illusion et du désespoir — résultat d’une gouvernance plus préoccupée à réaliser des chiffres (3) qu’à accomplir la seule et unique mission qui justifie qu’un groupe d’hommes soit porté au pouvoir d’Etat : le bonheur du peuple. Au quotidien. Les Ivoiriens sont-ils vraiment heureux sous ce régime ? Seuls les sorciers politiques (bande de flagorneurs et de renards du Palais, en cravate et veston) peuvent répondre sereinement à cette question par l’affirmative. Et pourtant, et pourtant, ce chef a affiché de réelles compétences, et nourri des espérances. Oui, chers concitoyens, on peut, objectivement, dire que le travail d’ensemble accompli par ce régime est bon (4). Il est bon, mais insuffisant — sans doute au regard de ce qu’avait promis ‘‘l’homme-Solution’’.
Non, on ne peut pas vraiment dire que notre pays est moins bon qu’avant, que rien n’y a été fait et que nous sommes en pleine régression. La Côte d’Ivoire est, bien au contraire, meilleure, et de loin, à ce qu’elle était il y a juste huit années : un pays en chantier, un pays ayant trouvé une paix relative, un pays dirigé par un chef rigoureux et sévère, un chef respecté et respectable (oui, il l’est), un autocrate certes, mais un chef productif ignorant tout de cette culture navrante de l’amusaille qui semble tant caractériser notre négritude.
Questions embarrassantes donc : comment cet homme plein d’élégance en est-il arrivé à nous infliger tant de froideurs et de ‘‘ratés’’ dans la construction de son image sociale ? Comment en est-il arrivé à faire fondre, en moins de trois années (2015-2018), tout ce capital de confiance et d’espérances ? Est-il insensible ou sourd à la mauvaise qualité des rapports entre ‘‘son’’ peuple et lui ? A-t-il réellement conscience que le divorce entre lui et une grande partie de ce peuple s’affirme progressivement et dangereusement ? Bref, comment et pourquoi Alassane Ouattara ne fait-il plus recette ? Prochainement : « Alassane Ouattara, fautes lourdes et spectre de la disgrâce ».
 
__________
(1)     La résolution onusienne permettant le bombardement de ce qu’il est convenu d’appeler « le bunker de Gbagbo » a été votée à l’unanimité du Conseil de Sécurité. Ce qui signifie que M. Gbagbo n’a eu AUCUN soutien dans le concert des Nations —preuve de l’inefficacité de sa diplomatie.
(2)     Commission Dialogue Vérité et Réconciliation. 
(3)     Un comportement amusant : aux reproches que nombre de concitoyens font à ce régime, les communicateurs du Rdr brandissent la liste des routes et ponts déjà réalisés, ainsi que le chapelet de nombreux autres projets infrastructurels.  On le voit : ils sont vraiment ailleurs.
(3)     Oui, il y a, malheureusement, ces images, tristes, de fortes pluies qui détruisent ces travaux. Mais cette furie dévastatrice de la nature qui, en tout lieu et de tout temps a détruit l’œuvre de l’Homme, remet-elle forcément en cause la qualité de l’ouvrage ? Sachons faire la part des choses.  

tiburce_koffi@yahoo.fr
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