LA « PL...ƒË†BE ENSEIGNANTE » ET LA COURSE EFFRéNéE DERRI...ƒË†RE LES « MIETTES » LORS DES EXAMENS OFFICIELS
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CAMEROUN :: LA « PL...ƒË†BE ENSEIGNANTE » ET LA COURSE EFFRéNéE DERRI...ƒË†RE LES « MIETTES » LORS DES EXAMENS OFFICIELS :: CAMEROON

Plus l’enseignant(e) camerounais(e) est maintenu(e) en dessous du seuil de pauvreté, plus il/elle s’auto-précarise. Plus l’enseignant(e) camerounais(e) peine à joindre les deux bouts au quotidien, plus il/elle se misérabilise. [On imagine la manière dont les tenants du système doivent nous tourner en dérision et rire sous cape devant les « parades postcoloniales » de l’enseignant(e) appelé(e) pompeusement « chevalier de la craie » et érigé(e) ironiquement comme « la plus haute catégorie de la fonction publique ». Et nous ne faisons pas grand-chose pour redorer notre image.]

Et pour cause, chaque fin année d'année scolaire et précisément pendant les phases de corrections des examens officiels, l’enseignant(e) est au cœur d'un scénario qui pourrait remporter « l’Oscar de la Jonglerie et de la Bassesse » lors d'un festival créé juste pour la circonstance.

Ce fameux scénario commence dès l'annonce des corrections de l'examen X ou de l’examen Y. « Suis-je convoqué(e) ? J’espère que la DECC ne m'a pas oublié(e). L’OBC ne m'a pas abandonné(e) j’espère… ». Voilà quelques inquiétudes qui taraudent l'esprit des professionnel(le)s enseignant(e)s de la Catégorie A1 et A2. Le cœur bat à un rythme irrégulier. Les nuits semblent interminables. On fait des cauchemars. On perd le sommeil. On scrute son téléphone. On appelle des collègues pour s'informer. Dès que les listes paraissent et qu’on est convoqué(e), c'est le soulagement. On arrive au centre de corrections avec un large sourire, remerciant le bon dieu. Par contre, lorsqu'on n'est pas convoqué(e), le chagrin s’installe. On est en deuil. On fait le pied de grue au centre de corrections. On scrute toutes les listes, même celles destinées à une discipline qu'on n'enseigne pas ; car on ne sait jamais : l’administration peut s’être trompée et inscrivant notre nom ailleurs… Et si c’est le cas, il faudra trouver un moyen pour corriger à tout prix.

Et comme l’administration ne semble pas très organisée dans les diverses programmations, voilà que trois examens comme par enchantement sont programmés à la même période : les corrections du BEPC, les corrections du BAC et la phase écrite du Probatoire. Un certain nombre d’enseignants viennent de remporter le jackpot ! En effet, ils ont constaté qu'il ont été convoqués simultanément pour surveiller le Probatoire, corriger le BEPC et corriger le BAC. C'est la fête en famille. On commence à échafauder une gymnastique de l'esprit sur la méthode pouvant permettre de ne pas rater une seule « miette » de toutes ces activités.

Comble de malheur, la réunion préparatoire pour la correction du BAC tombe le même jour  et à la même heure que celle en vue de la surveillance du Probatoire. De plus, tout se déroule dans des centres d'examens différents. On se pose des questions. On aimerait être partout à la fois. On aimerait avoir un sosie. On aimerait que la téléportation ne soit pas seulement de la science-fiction. Mais à quoi bon ? On n'est pas Camerounais(e) pour rien.

À force de réfléchir, bingo !! On a trouvé : on assistera à la 1ère mi-temps de la 1ère réunion et on assistera à la 2nde mi-temps de la 2nde réunion. Car il faut absolument que le nom soit sur les listes de présence des deux réunions. Finalement, on se rend compte qu'il est impossible d’être en salle de surveillance du Probatoire et en salle de correction du BAC au même moment. Quelle déception ! On se retire donc de la surveillance du Probatoire le corps défendant. On a même essayé de pleurnicher devant le chef de centre pour qu'il accepte qu’on se fasse remplacer par un proche, car le « gombo » doit rester en famille. Mais on a reçu un refus catégorique du chef de centre. On s’en est allé, tout pâle, tout triste, tout honteux.

Mais, « c’est gérable car un bon jongleur, surtout lorsqu’il est camerounais, ne manque pas d’opportunité ». Ce n'est que partie remise donc. En effet, il va falloir « gérer » les deux activités qui restent : la correction du BEPC et celle du Baccalauréat dont le déroulement est simultané, et dans des centres différents. C'est ici qu'une autre forme de gestion des mi-temps commence. Et le scénario qui en ressort ne peut se matérialiser qu'en contexte enseignant au Cameroun.

  • Day 1 : On assiste à la 1ère mi-temps de la réunion préparatoire à la correction du BEPC et on assiste à la 2nde mi-temps de celle du BAC. Ensuite, on supporte d’être présent(e) jusqu’à la fin, en ce qui concerne l’Harmonisation et la Simulation qui suivent directement cette 2ème réunion. Entretemps, une activité identique est en train de se dérouler du côté du BEPC. « C’est pas vrai ! Comment vais-je faire pour y être ? Bon ! C'est pas grave. Les remplacements n'auront lieu que dès le surlendemain. Je vais gérer ».
  • Day 2 : On se lève le plus tôt possible et on arrive au centre du BEPC. On s’en remet à son chef de salle pour une Harmonisation et une Simulation personnalisées. On n'est pas vraiment concentré(e) car on aimerait que « cette comédie du chef de salle » finisse le plus tôt possible. On n'a pas du temps à perdre. On a envie de « pointer ». On veut absolument « couper ». Mais c'est pour ça qu’on est venu(e) ! Enfin on termine avec le chef de salle. On se rend au secrétariat pour retirer ses copies à pas de course. Le paquet en compte 250. Calcul vite fait, ça fait 25000 FCFA. On aurait aimé que ce soit plus que ça. De retour en salle de corrections, on signe, mieux, « on fétiche » rapidement toutes ses copies. Et on commence à corriger, sans trop de concentration ni de sérieux. Comment être sérieux(se) si on est venu(e) « couper » et « pointer » ?!
  • Day 2 (bis) : vers midi ou 13h, on a « coupé » un nombre incalculable de copies. Les autres correcteurs en sont abasourdis. On leur répond : « C'est l’expérience ». Mais on a quelque chose derrière la tête : il faut vite rejoindre le centre du BAC pour la 2nde mi-temps de la journée. On arrive là-bas dégoulinant de sueur, même Usain Bolt serait très étonné s'il était présent. On retire ses copies le plus vite possible auprès du secrétariat. Les membres du secrétariat, le chargé de mission et le chef de salle voudraient savoir pourquoi on est si en retard. On brouillonne quelques réponses sans tête ni queue, juste pour se tirer d'affaire. Une fois en salle de corrections, un scénario semblable à celui de la matinée commence...
  • Day 3, Day 4… Day…N : on a terminé les corrections dans les deux centres et on attend l’officialisation du « pointage » par le paiement des « miettes ». Ça semble traîner des deux côtés. On est très inquiet(inquiète). Finalement, le chef de centre, le chargé de mission et le chef de secrétariat apportent de bonnes nouvelles : « Pas d’inquiétude, votre argent vous sera payé aujourd’hui même, dans moins de 2h ». Quel soulagement ! On risquait d’avoir une crise cardiaque si c'est le contraire qui avait été annoncé.

Le paiement des « miettes » commence enfin. Le rythme cardiaque s’accélère. On s'aligne. On se bouscule. On se crie dessus. On se marche dessus. On a peur que « l'argent finisse » avant notre tour. Ça arrive régulièrement au Cameroun. Malgré ce tohu-bohu, tout le monde est payé en fin de compte. On peut lire sur tous les visages un large sourire. Ah ! Quelle misère ! On ne rentre pas directement à la maison, car il faut d'abord « prendre une avec les collègues » :

on vient tout de même de réussir brillamment notre mission. Mais l’année n'est pas encore terminée, d'autres missions se profilent à l'horizon. En attendant, savourons celle-ci derrière plusieurs bières, oubliant qu’ailleurs, des missions factices rapportent plusieurs fois l'an des centaines de milliers voire des millions de Francs CFA aux récipiendaires, sans qu'on ne perçoive un quelconque bruit.

AINSI VONT LES GYMNASTIQUES DE LA « PLÈBE ENSEIGNANTE » LORS DES DIVERSES PHASES DES EXAMENS OFFICIELS AU CAMEROUN.

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