L'approche du don en politique et dans les relations internationales : cas au Cameroun
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L'approche du don en politique et dans les relations internationales : cas au Cameroun :: CAMEROON

Le don comme notion anthropologique est l’action de donner sans contrepartie affichée ou sous-entendu pendant que se fait l’acte magnanime. Il suppose dans son étymologie, un acte désintéressé qui implique qu’on fasse du bien aux autres, sans se le faire à soimême. Mieux que l’on s’inscrive dans une sorte de morale Kantienne où seul l’Homme est au centre de toutes préoccupations. Cette approche définitionnelle du don a fait dire à Jacques Derida que Mauss, dans son « essai sur le don », parle de tout sauf du don tel qu’il est perçu aujourd’hui et surtout dans le monde des relations internationales. En effet, Mauss entrevoit la contrepartie dans le don comme la ligne rouge à ne pas franchir. Sa vision du don s’écarte du sens commun d’aujourd’hui dès lors que la réciprocité s’impose comme le ce sans quoi, le don n’a plus raison d’être.

Le don implique de nos jours, le contre-don ; c’est-à-dire que l’action de « faire du bien » amène celui qui en reçoit à faire pareil en de semblables occasions, sans aucune contrainte de réciprocité immédiate. Il y a donc, une dimension du différé qui s’implique dans la relation entre les acteurs (donneur et receveur) et qui semble obliger les parties à garder la conscience active du don et de sa réciprocité au demeurant. Dès lors, celui qui reçoit le don, semble recevoir une autre forme de dette à portée non-contraignante si ce n’est psychologique. On commence à y voir chemin faisant, accolé à l’obligation non-coercitive de remboursement de biens d’inégales natures, l’ombre d’une sanction négative qui pousserait le receveur à contre-agir pour ne pas perdre la face. Les sociétés postmodernes ont fait de cette logique, une raison de vie, mieux une raison de crelationse fossé entre les classes et les identités en relations internationales comme en politique.

Comprendre le don en politique et dans les relations internationales

Le don en relation internationale vise à anticiper les conflits éventuels et à maintenir une entente cordiale entre les pays. C’est aussi l’occasion de rendre plus fluides les liens commerciaux à travers la mondialisation dont le don apparaît comme le mobile trouvé. En politique, il s’agit le plus souvent de restaurer un climat de confiance, voire de solliciter dans un avenir proche le soutien des populations à travers un acte magnanime. Que ce soit donc en relation internationale comme en politique, il y a d’un côté, un ordre presque dominant qui a défini les besoins des plus faibles, les a individualisés, puis pensé la solidarité mondiale afin que l’ordre dominé inconscient reçoive quelque chose. Cette solidarité qui porte le nom de don devient un instrument de gouvernance par le fait qu’il résout un problème peut-être ponctuel, mais qui de fil en aiguille s’enracine par la magie  de l’accoutumance.

De ce point de vue, le don devient une « arme fatale » dont la présence ou l’absence implique le mouvement des Hommes et donc l’intérêt. Dès cet instant, le don ne peut que revêtir, quel que soit son contenu, la toge de la dette : une dette qui se veut « non-remboursable » au motif qu’elle n’a jamais été libellée comme telle. Pourtant, rien que l’action de donner suppose qu’on a ce que n’a pas celui qui reçoit. Forcément, à cet instant, on occupe une position condescendante qui ne peut qu’impliquer si l’action se répète indéfiniment une contrepartie. Sinon, qu’est-ce qui expliquerait, des dons japonais au Cameroun et pas ailleurs ? Qu’est-ce qui justifierait que les dons chinois s’articulent autour des secteurs précis et pas dans d’autres ?

Les dons japonais et chinois

Une bonne curiosité à travers les artères de certaines villes du Cameroun permet aux indiscrets, d’observer des écoles au design particulier. Les écoles japonaises en effet, sont construites de la même manière et probablement par les mêmes maîtres d’oeuvre. L’identité qu’affiche ce qu’il est convenu d’appeler dans le jargon de l’éducation « les dons japonais » trahit à souhait, la présence d’un symbole fort dont le trait caractéristique que revêt « le même », à côté de « l’autre » ne sait plus cacher. L’école japonaise au Cameroun a marqué les esprits. On peut tout de même observer que l’arrière-pays qui souffre d’un besoin criard d’infrastructures éducatives, était le parent pauvre de ces dotations.

Cela indique au moins, qu’il y avait une nette volonté de cibler des pôles d’une certaine visibilité, notamment celles qui arrangeaient le donateur et aussi le receveur du don en question. Ne serait-ce que sur ce plan, on peut y voir un intérêt, à travers un déploiement qui affiche ses préférences, à côté bien évidemment des appareils électroniques et autres véhicules japonais qui envahissent les domiciles et nos routes. Pendant la période de construction des écoles dites « dons japonais », la balance de paiement est restée déficitaire pour le Cameroun et l’est davantage aujourd’hui. On peut faire la même analyse avec le cas chinois et le don du palais des sports, dont les maintenanciers sont restés chinois pendant que de nombreux citoyens de "l’Empire du milieu" s’installaient dans tous les secteurs productifs au Cameroun : de l’agriculture au commerce de gros et de détail, au point de chambouler les logiques du secteur informel dans certaines villes comme Douala.

Le don des ordinateurs PB

Il est rare qu’un seul ménage au Cameroun n’ait pas un tant soit peu fait le débat autour des ordinateurs du Président Biya (PB). Comme les initiales avaient été choisies pour trahir un jeu au-dessus du don, une PB (la marque) a accouché d’un autre PB (ProBlèmes). De la piètre qualité de ces gadgets continue de se lire sur les visages des apparatchiks, un processus foireux qui vient saboter un plan bien élaboré. Le mois de décembre choisi pour la distribution, est celui qui correspond au rassemblement de la famille autour de la Noël. Lequel rassemblement se fait sous le patronage du chef naturellement. L’occasion était donc tout trouvée pour que les étudiants, « enfants du père » reçoivent les jouets, grands symboles de la communion familiale. Personne n’a donc perdu de vue, Paul Biya encore moins, que l’année commençante, est l’une des plus électorales que le Renouveau n’a jamais connues. Le don des ordinateurs apparaît ainsi pour tous, comme le meilleur moyen de rappeler à la conscience familiale à travers l’étudiant qui reçoit l’ordinateur, combien humain est le président-candidat. Il s’agit de ce point de vue, un bien qu’il se fait en avance et qui aurait eu la subtilité de tous les maillons de la société (enfant, père, mère), parce qu’avec la facture numérique, l’ordinateur reste pour tous un luxe.

La perversité du don dès lors, mieux, son caractère politique, s’inscrit dans le refus de faire oeuvre utile d’un prêt de 75 milliards en équipant les laboratoires qui serviraient à plusieurs générations plutôt qu’à une seule; en dotant les lycées de salles informatiques de hautes factures, voire en mettant sur pied une industrie au moins de montage des ordinateurs pour permettre l’accès à moindre coût à tous. Un don d’une telle nature par conséquent, n’a de sens que s’il est calculé, pire encore lorsque le timing indiqué n’est pas un fait de hasard. Le coût d’opportunité et le rejet du soutien des générations futures montrent bien que la cible choisie s’est indubitablement faite sur la base d’un contre-don avenir que les échéances électorales indiquent clairement. Le don en relations internationales comme en politique intérieure, n’est autre chose qu’un prêt dont la portée contraignante n’est que psychologique avec obligatoirement une redéfinition des conditions de remboursement éventuel, et de la nature du contre-don.

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