DROGUES EN MILIEU SCOLAIRE AU CAMEROUN : La répression est-elle la solution idoine?
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DROGUES EN MILIEU SCOLAIRE AU CAMEROUN : La répression est-elle la solution idoine? :: CAMEROON

NON, NON, NON. Comme nous l’avons indiqué dans notre publication mensuelle du mois de novembre 2017, les drogues sont de plus en plus courantes, aussi bien en villes que dans les campagnes du Cameroun. Autrefois considérée comme un comportement de marginaux et autres délinquants, la consommation des drogues licites (alcool, cigarette…) et illicites (chanvre indien, cocaïne, tramol…) est devenue banale et davantage chez les jeunes.

L’enquête sur l’usage des drogues en milieu scolaire que nous avons réalisée à Douala en 2009 avec l’Association Univers Psycho et qui a connu la participation de 1800 jeunes scolaires, a permis de constater que 30% des élèves des lycées et collèges consommaient des drogues, 10% étant devenus dépendants. Depuis lors, aucune enquête n’a plus été réalisée à l’échelon national. Pour faire le point statistique sur le phénomène, la Fondation KAM-SIHAM a initié la deuxième enquête (cette fois nationale) au mois d’octobre 2017, question d’avoir des données fiables et scientifiquement défendables, sur l’évolution de la consommation des drogues par les jeunes scolaires camerounais.

Les résultats seront publiés bientôt. Il n’existe à ce jour aucun observatoire national sur les drogues et autres conduites addictives au Cameroun, ce qui est un biais considérable au niveau de la politique nationale de lutte contre les drogues. La Fondation KAM-SIHAM par le biais de son centre de sevrage et de désintoxication, ambitionne de combler ce vide. L’actualité récente sur le sujet est la création d’un comité intermistériel de lutte contre les drogues en milieu scolaire. Il y a quelques mois, l’actualité était l’exclusion définitive des élèves dans plusieurs lycées et collèges de Douala et Yaoundé, ce qui témoignait l’incapacité de l’institution scolaire à faire face à ce fléau. Peut-on réussir à juguler le phénomène de la consommation des drogues en milieu scolaire, uniquement par le biais de la répression?

NON, NON, NON. La problématique des drogues dans une société transcende la question de la disponibilité des drogues. Aucun pays du monde n’a réussi à maitriser le phénomène de la consommation des drogues et de la toxicomanie par une approche essentiellement répressive. L’approche efficace de lutte contre les drogues doit s’inscrire dans une approche duelle qui allie fermeté (loi) et bienveillance (compréhension et soin). Lutter contre les drogues sans un cadre réglementaire rigide est une impasse, tout comme réduire la consommation des drogues (surtout chez les jeunes) à une conduite délictuelle, est une ignorance criarde du psychisme humain et surtout des transformations sociales diverses dont les conduites addictives ne sont que des conséquences. Nous soulignions en novembre qu’il faut Naturellement s’inquiéter de la montée explosive des conduites addictives dans nos écoles.

Notamment que: “Les drogues sont de plus en plus disponibles et moins chères. Le nombre de jeunes que nous avons reçus au centre de sevrage dans un état de décompensation psychopathologique (trouble de comportement) depuis la rentrée scolaire, inquiète. Plus que par le passé, les drogues sont dans la cité, leur consommation étant devenue un problème de santé publique”. Nous indiquions également que la prévention est un axe majeur d’une politique nationale de lutte contre l’abus des drogues dans un pays. La prévention reste la seule arme efficace pour faire face à ce fléau: - Prévention primaire: sensibilisation des novices pour qu'ils n'entrent pas dans l'engrenage de la consommation. C'est le lieu de solliciter les parents et les chefs d'établissement scolaires. Ils doivent savoir en parler pendant des causeries éducatives. Les spécialistes de la santé mentale peuvent être mis à contribution. - Prévention secondaire: interpeller ceux qui sont déjà consommateurs pour éviter qu'ils n'en deviennent dépendants ou ne présentent des complications.

Les parents et les éducateurs ont ici un rôle capital. - Prévention tertiaire: elle concerne les toxicomanes soignés qui doivent être protégés de la rechute, puisque l'addiction aux drogues est une maladie chronique qui nécessite une prise en charge longue. Ici, les familles doivent être plus que jamais impliquées. Les pays qui sont suffisamment organisés sur cette question (Canada, France...) disposent d’outils et de stratégies en perpétuelles améliorations et qui s’adaptent ou s’inspirent des recommandations de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), mais surtout des travaux de chercheurs.

Le plan gouvernemental français de lutte contre les drogues et les conduites addictives s’organise autour de 3 axes: - Fonder l’action publique sur l’observation, la recherche et l’évaluation; - Prendre en compte les populations les plus exposées pour réduire les risques et les dommages sanitaires et sociaux; - Renforcer la sécurité, la tranquillité et la santé publiques au niveau national et international en luttant contre les trafics et contre toutes les formes de délinquance liées aux consommations de substances psychoactives. La stratégie canadienne s’articule autour de cinq axes que sont:

  • La prévention; - Le traitement;
  • L’application stricte de la loi;
  • Les données probantes de la recherche;
  • Le financement.

De même, l’organisation onusienne en charge de la lutte contre les drogues recommande fortement de faire de la prévention en milieu jeune, le principal axe d’intervention. Plus les jeunes seront outillés sur les drogues et leurs conséquences (prévention primaire), moins ils tomberont dans les pièges de l’abus des substances, et moins les trafiquants auront des parts de marchés. Cette prévention doit commencer au niveau des familles avant de se poursuivre en milieu scolaire. Riches, pauvres, croyants ou non, nos enfants peuvent s'y retrouver. Personne n'est à l'abris, brisons les tabous et parlons-en. Et si notre enfant y est déjà, demandons sans honte de l’aide auprès des institutions spécialisées, puisque l’addiction aux drogues est une maladie curable et non une forme de délinquance.

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