Cameroun, Vient de paraître: Chemin de Pisse de Jean-Marie Nouga
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Cameroun, Vient de paraître: Chemin de Pisse de Jean-Marie Nouga :: CAMEROON

Il y a de ces endroits particuliers à l'image de tout un système, étranges mimétisme ou effet de loupe -inversée... ce qu'il se passe dans une société gigantesque jette parfois (toujours ?) ses reflets sur un mur, un coin de rue, le bruit derrière une porte. On sent -sait- que tout ordre précis n'est qu'un, quelle qu'en soit la dimension d'un groupe à l'autre.
D'un lieu à l'autre, ou ce qui fait d'une rue, d'un chemin, l'antre des mouches s'agitant autour des produits d'aisance des négligences les plus glauques d'un système et de l'Etat et des espoirs construits sur des pilotis vermoulus. Sont-ce les défaillances humaines qui font leur propre paillasse ? Ouroborisation en action dans les manquements de ce que les humains font de nuisances à l'humain.
Nous voilà dans ce Chemin de pisse à suivre Zina comme un guide intime sur les routes intérieures et celles de la déconfiture - là où les chemins de traverses s'imposent où la pluie engloutirait jusqu'aux plus efficaces 4X4... (cela me paraît lire une histoire à l'image des graves inondations de certains quartiers de Douala en ce juin 2015)... un monde sous l'indifférence du monde.

Nous sommes dans un pays où l'heure en fait cent, où chaque projet se "décalcule" en fonction du rêve que la solution se trouverait dans l'extraction de sa tradition, sa culture. Parce qu'ailleurs semble si vert, si propre, si facile, et parce qu'on débute en espoir et son frais diplôme avec les mêmes couleurs au soleil, vert, propre, facile - parce qu'ici nous traversons tant et tant de chemins de pisse dans l'objectif de donner du sens à la boue, de préférence un sens vers l'épuration des idées reçues sur l'indépendance et pendant celle-ci. Il n'y a pas de raisons, le monde peut changer, et Zina espère où il désespère, se convainquant que l'avenir est hors des sentiers de la traditions, hors ce qui fait pagaille-raison d'un système D aux odeurs nauséeuses... mais puisque tout semble avancer malgré tout, pourquoi cet envasement des moindres tentatives de participer une évolution qui semblerait logique à l'homme qui avait tout prévu. Zina a fait des études de droit, et il s'est appuyé sur cela mais, comment un socle annonçant sa solidité pourrait-il s'effondrer, d'où cette fragilité vient-elle ? La désillusion est un fondement de l'humanité mais, depuis quand ? Pourquoi ? Même les châteaux d'eau peuvent s'écrouler, et l'on peut le pressentir sans pourtant ne rien faire pour l'empêcher. Est-ce parce que l'on a enfoncé dans l'esprit de la société que tout ce qui l'a construite est à jeter au nom des logiques de l'ancien envahisseur - dont l'esprit hante sempiternellement les rues et le combat de sa vie comme les spectres font l'animation dans les ruines moussues d'autres contrées - et ses apparences de richesses et de facilités ?

Dans un bourbier permanent où parfois une éclaircie remonte les bretelles du dépit, faisant revenir la détermination et la conviction que demain est d'une autre texture, plus riche, plus souple, on reprend et relit que ce qui brille peut aussi rouiller.
Ah, être diplômé en droit dans un pays où le droit semble ne pouvoir toujours asseoir la justice en tout lieu (chacun ses illusions mais toutes se recoupent), là où l'on rêve du carré parfait en pelotant des désirs d'envol la chambre à air qui se gondole.
Un tien vaut mieux que deux, tu l'auras... mais, il y a mieux encore, l'herbe pousse forcément pour soi de l'autre côté de la poussière. Alors, on attend, on subit, et on pousse, on tire, et on met la cale comme le dit cette succulente expression camerounaise. Et on lustre tout ce qui peut prouver qu'on a trouvé cette herbe grasse enfin.

Mais Zina garde dans sa propre route l'idée que le pays vaut mieux et peut mieux, et n'est-ce pas en se tenant la tête hors de l'eau que l'on peut aider les autres à rejoindre la rive ? Il regarde pourtant tous ces noyés putatifs comme la fuite des couards des ponts du Titanic tentant d'embarquer sur le plus surchargé des canots de sauvetage. Est-ce l'humain qui déraille en nombrilisant sa réussite ou est-ce la réussite qui nombrilise l'humain ? Zina ne semble pas se permettre un pas de côté, il est plutôt dans le constat d'une vie égoutière débordant de corruption à laquelle il ne veut et ne peut pas participer. Et c'est sans doute là son orgueil, contrairement à celui dont il voit les détenteurs comme des portes écrasant le nez de qui trône derrière -trône comme chausse-trape souvent-. Zina, c'est la revanche sur la revanche, c'est l'anse qui tient le panier des considérations d'une vie dans un pays colonisé par sa décolonisation... et la fierté de voir et écarter les oeufs pourris sans les mirer.

Dans la vie plusieurs histoires sont réalisables, ce livre expose deux parcours initiés de façons quasi similaire, celui de Zina et celui de Zao, tous les deux sortis de la fac de droit, tous les deux diplômés. L'un va avec sa conviction et ses espoirs en bandoulières, sachant mettre de l'ordre aux circonvolutions de son penser -comme on peut aussi bien nettoyer les chemins de pisse !- l'autre avance en scrutant la minceur et les déchirures de ses semelles sans vraiment savoir y opposer la constance et la ténacité, jusqu'à tenter une échappée plus ou moins régulière pour rejoindre le haut de la berge d'un fleuve qui semble ne charrier que misère et injustice.

Et si tout cela, le fonctionnement de la rue, de la vie, la société, venait d'un syndrome de Stockholm ? Faut-il voir autrement l'avenir qu'en fixant le miroir aux alouettes post-coloniales, ce lustre glissant qui se pique d'un instinct de survie mal ciblé ?

Comme la vie, comme la société, comme un chemin de pisse, rien ne s'ancre dans l'impossible, envers et contre tout et malgré l'imposante démesure des nuages étatiques, il faudrait ne pas se soumettre à l'individualisme comme à l'Etat laissant bien palper ses vermoulures, de revoir les mentalités, de comprendre que rien ne se fait sans personne et que la raison peut imposer la réflexion.

Marie Hurtrel

NB: La préface de "Chemin de Pisse" Par MARIE HURTREL, une auteure française  le 23 juin 2015. Suivez le lien pour lire ou acheter le Roman 
https://www.amazon.fr/Chemin-Pisse-Jean-Marie-Nouga/dp/1512210250/ref=pd_ecc_rvi_3

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