Cameroun, Vient de paraître aux éditions Édilivre: Simon Ngono, Les Débats télévisés dans l’espace public au Cameroun
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Cameroun, Vient de paraître aux éditions Édilivre: Simon Ngono, Les Débats télévisés dans l’espace public au Cameroun :: CAMEROON

Dans notre monde contemporain, il y a une gageure à vouloir définir ou appréhender le concept d’espace public. Cette aporie est due à l’élasticité du concept, qui peut s’appliquer à bien de domaines scientifiques : sociologie, géographie, anthropologie, communication, etc. C’est, en réalité, un concept marqué par son caractère mosaïque selon qu’on l’appréhende dans son acception d’espace physique d’une part et son acception d’espace symbolique d’autre part. 

Mais dans le livre, il ne s'agit pas d'un espace public physique à l'instar de la rue, du marché, des jardins publics, etc. Il ne s'agit non plus de ce que le chercheur camerounais Claude Abé qualifie d' « espace de socialisation » à l'instar des débits de boisson, des « beignetariat », des lieux de culte (église, mosquée, etc.). L’ouvrage porte plutôt sur une forme d'espace public spécifique : celle qui passe par la médiatisation et les dispositifs de débat à la télévision. L’auteur apporte cette précision à l'introduction et au niveau de la quatrième de couverture. Cela est également spécifié dans le titre du livre : les débats télévisés dans l'espace public.

Les débats télévisés s'apparentent donc ici comme une forme symbolique de l'espace public. Il s’agit d’un lieu d’échanges, de discussion et de production de la parole critique ou non contre le pouvoir politique et sur la gestion de la cité. Disant cela, l’auteur s'appuie sur la conception libérable des médias : celle qui conçoit les médias comme lieu et espace de la médiation à travers la production discursive de nombreux acteurs. Cette conception des médias semble s’observer au Cameroun depuis les années 90 avec la « libéralisation » de l’espace politique (ce qui marque la fin du monisme politique) ; puis de l’espace médiatique (c’est le glas du monopole médiatique), et davantage depuis les années 2000, point de repère du début effectif du pluralisme médiatique (au niveau de l’audiovisuel) et de l’inflation de la parole publique dans les médias (publics et privés confondus).

Comment la parole médiatique s'est t-elle libérée au Cameroun ? Peut-on parler d'espace public, au regard de la démultiplication des émissions de parole à l'instar de Canal presse, Scènes de presse, 7hebdo, Droit de réponse, Cartes sur table, Tous azimut, Club d’élite, etc. ? Si oui, sous quelle forme existe cet espace public ? Qui sont les acteurs qui y opèrent ? Quelles logiques et stratégies d'acteurs développent t-ils pour avoir accès à ces lieux discursifs ? Pour quels enjeux dans un État qui reste fortement marqué par des routines et rémanences autoritaires et ce, malgré l’assouplissement du dispositif législatif contraignant auquel on a assisté au début des années 90 ? Et quels sont les enjeux des débats télévisés pour les médias dans un contexte de concurrence certes, mais où le marché publicitaire est mal structuré et est à la quête de ses propres repères ?

Voilà en substance les questions (reformulées) et qui sont au cœur de la problématique de l'ouvrage. Le corpus mobilisé est constitué des entretiens semi-orientés réalisés auprès de quelques journalistes camerounais pendant une longue période (soit quatre mois précisément). L'analyse de leur déclaratif se fait selon l'approche préconisée par Jean-Claude Kaufmann.

Au-delà de l’examen de cette forme d’espace public, de ses ressorts et des logiques qui la structurent, l'ouvrage ouvre aussi une focale d'analyse critique sur l'écologie du Conseil National de la Communication (CNC) et pose par conséquent la question de l’autonomie et/ou de l’indépendance de cet organe de régulation souvent présenté, à juste titre, comme le bras séculier et invisible du pouvoir politique gouvernant au Cameroun.

L’ouvrage de Simon Ngono est divisé en trois parties. La première donne un aperçu historique du concept d’espace public au Cameroun, de la période des indépendances jusqu’à nos jours. Le point d’emphase est par exemple mis sur l’avènement de la démocratie dans les années 1990 dans la gestion des débats en contexte de « libéralisation » de l’espace audiovisuel et de la parole publique au Cameroun. La deuxième partie du livre se concentre sur les enjeux (individuels, persuasifs et référentiels) sur lesquels s’articulent les débats télévisés au Cameroun. La troisième et dernière partie du livre propose une analyse à partir des entretiens menés auprès de quelques journalistes locaux. À l’analyse, le livre révèle que les jeux d’acteurs sont marqués par une certaine (inter)dépendance des acteurs sociaux et des journalistes opérant dans les débats télévisés, par des logiques à visée mercatique des médias et la mise en avant de l'ego, constitutif de capital, au sens bourdieusien du terme.

À notre connaissance, aucun véritable travail scientifique n'a encore été réalisé sur les débats télévisés au Cameroun. C'est donc un objet d'étude qui reste inanalysé alors qu’il s'agit là d'un bon gisement scientifique, susceptible d'apporter une plus-value heuristique dans le vaste champ des Sciences de l'Information et de la Communication au Cameroun et par ricochet en Afrique.

Simon Ngono, auteur du livre Les Débats télévisés dans l’espace public au Cameroun, est chargé d’enseignement au département des Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Grenoble Alpes. Il est affilié au laboratoire du Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication (Gresec) au sein de la même université.

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