François Asensi : "M.Hollande, ne recevez pas Sassou Nguesso à l'Elysée"
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FRANCE :: François Asensi : "M.Hollande, ne recevez pas Sassou Nguesso à l'Elysée"

Courrier de François Asensi, député de Seine-Saint-Denis, membre de la commission des Affaires étrangères adressé au président de la République François Hollande.

Monsieur le Président de la République,

Vous avez effectué du 1er au 3 juillet une tournée diplomatique au Bénin, au Cameroun et en Angola, des peuples amis de la France, mais dont les dirigeants sont régulièrement dénoncés par les organisations de défense des droits de l’homme, pour des faits d’autoritarisme et de clientélisme. Si certains perçoivent dans les récentes décisions de ces gouvernements un semblant de libéralisation, c’est surtout en raison de pressions internes autant qu’externes.

Dans le cas du Bénin par exemple, je tiens à rappeler que le président Boni Yayi avait la volonté de briguer un troisième mandat en violation de la constitution, projet abandonné sous la pression de facteurs extérieurs. On ne peut dès lors que s’étonner que la France érige ce dirigeant en « une référence sur le plan démocratique ». Les Pays-Bas ont par ailleurs suspendu leur aide humanitaire à ce régime en raison de détournements de fonds. Faut-il rappeler dans le cas de l’Angola que la décompression autoritaire ne correspond qu’à un mirage de libéralisation ? Le président José Eduardo dos Santos traque sans cesse ses opposants afin de les faire taire et ainsi relever son premier objectif : garder la main sur le pouvoir qu’il détient depuis 1979. Le journaliste Rafael Marques en a subi les conséquences. Il a en effet été condamné à 6 mois de prison avec sursis après avoir publié un livre révélant les violences commises dans des mines de diamant et orchestrées par le régime lui-même. Faut-il aussi rappeler qu’au Cameroun, Paul Biya, règne depuis bientôt trente-trois ans ? Selon Amnesty International, « les défenseurs des droits humains f(on)t souvent l'objet de manœuvres d'intimidation et de harcèlement de la part d'agents des forces de sécurité gouvernementales ».

C’est la raison pour laquelle de nombreuses voix s’élèvent pour contester la légitimité de la tournée que vous réalisez en ce moment au Bénin, en Angola et au Cameroun ; elles y décèlent les persistances de la Françafrique, l’une des réalités les plus sombres mais également l’une des plus tenaces de notre diplomatie. La nomination en tant que Premier ministre du Bénin de Monsieur Lionel Zinsou, décrit comme un proche des intérêts français, ne fait qu’accréditer cette thèse.

L’indispensable lutte contre le terrorisme et la défense de nos intérêts économiques ne peut justifier un soutien à certains des pires autoritarismes. Je déplore le fait que vous n’ayez évoqué dans aucun de vos discours les aspects les plus inacceptables de ces régimes. Dans d’autres circonstances, vous avez su à juste titre le rappeler aux autorités, à Moscou par exemple.

Cette tournée est en contradiction avec les valeurs mêmes de notre République. Notre proximité avec les sphères politiques les plus illégitimes du continent africain ternit l’image de la France. Ces pays ont connu une transition et risquent bien d’atteindre un jour - je l’espère- l’étape de la consolidation démocratique. Comment la France pourra-t-elle demain, auprès de ces  potentielles forces démocratiques,  justifier d’avoir soutenu les régimes corrompus d’hier ?

Cette tournée entre également en contradiction avec les engagements que vous avez pris en 2012 de ne plus cautionner les aspects les plus ambigus  de notre diplomatie. "Le temps de la Françafrique est révolu » proclamiez-vous quelques mois après votre élection.

Vous affirmiez au Bourget que « Présider la République, c'est ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris ». Dès lors comment comprendre que Monsieur Denis Sassou Nguesso, l’un des dictateurs les plus corrompus d’Afrique, soit reçu ce mardi 7 juillet à l’Elysée ? Selon une plainte de l’association Sherpa, sous le coup d’une enquête préliminaire pour « recel de détournements de fonds publics », le président congolais et sa famille détiendrait en France 112 comptes bancaires et de nombreux appartements et hôtels particuliers.

Pour toutes ces raisons, je formule le vœu que le Gouvernement remodèle sa diplomatie africaine et je vous invite à renoncer à la réception à l’Elysée de Monsieur Denis Sassou Nguesso.

En espérant que ce courrier aura retenu votre attention, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma plus haute considération.

© Source : humanite.fr

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