Les limites de la démocratie du football
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En subventionnant largement, et bien souvent aveuglément, les petites fédérations nationales, Sepp Blatter s’assure à peu de frais leur soutien. Et sa réélection.

L’élection à la présidence de la FIFA, prévue vendredi à Zurich, est limpide. Les 209 pays membres disposent chacun d’une voix, le candidat qui obtient la majorité des voix est élu pour quatre ans. Pour cette élection, tous les pays ont le même poids: le Brésil cinq fois champion du monde et ses 200 millions d’habitants comme l’île de Montserrat, jamais qualifié, et ses 5164 habitants; les Etats-Unis et ses 4 millions de licenciés comme Anguilla et ses 7 équipes.

Président de la FIFA depuis 1998, Sepp Blatter a tout compris du fonctionnement de la plus grande fédération sportive internationale. Il a saisi mieux que quiconque que, si l’Europe concentrait 90% des richesses, 80% des joueurs et 70% de l’intérêt mondial pour le football, elle ne représentait pour autant que 20% des votes. Très tôt, Blatter s’est imposé comme le champion tiers-mondiste du ballon rond. En Afrique, où on le surnomme parfois «le président noir» ou «Tonton Blatter», son côté tactile, chaleureux, son humour l’ont immédiatement démarqué du style aristocratique et glacial de son prédécesseur, João Havelange.

En Amérique, il a arpenté le continent tel Aimé Tschiffely, de la Patagonie à Washington. Infatigable voyageur, il n’a cessé de visiter chacun de ces pays, chacun de ses électeurs.

Le sanctionner ou le réélire?

Sepp Blatter n’a pas fait que serrer des mains. Il a aussi distribué des enveloppes. Beaucoup d’enveloppes. En toute légalité. Il y a d’abord le Programme d’assistance financière (FAP): 250 000 dollars par pays et par an. Donc 250 000 dollars pour l’Angleterre et 250 000 dollars pour le Belize. Il y a aussi le programme Goal. Depuis 1999, Goal a injecté 307 millions de dollars dans 719 projets de développement du football à travers le monde. Un stade national à refaire? Un terrain synthétique à installer? Des entraîneurs pour la relève à payer? Ecrivez à Goal et, si votre projet est validé par la commission de développement de la FIFA, votre vœu se réalisera. Le projet, lui, c’est moins sûr…

Car l’astuce, c’est de fermer les yeux une fois le chèque envoyé. Une corruption qui ne dit pas son nom. Les médias qui ont voulu suivre la trace de l’argent se sont vite retrouvés dans une impasse: ici «des poules picorant la mauvaise herbe sur un terrain bosselé et des salles inutilisées dotées de terminaux informatiques encore enveloppés dans du plastique» (The Economist à Anguilla, en 2013), là un tas de gravats au lieu du centre sportif ultramoderne que le million de dollars envoyé depuis Zurich devait largement financer. Ces exemples, et tant d’autres constatés à La Barbade, au Burundi, à Montserrat, au Cameroun, au Guyana, font dire à Michel Platini, ancien conseiller de Sepp Blatter devenu son principal contradicteur en même temps que le président de l’UEFA, que «la FIFA tourne comme une machine électorale au service du maintien d’un seul homme».

Un homme qui a multiplié par quatre les revenus du football sous sa présidence, arrosé la planète entière de dollars depuis dix-sept ans, et que les présidents de 209 fédérations nationales devenues dépendantes de sa prodigalité devront vendredi sanctionner. Ou réélire.

© letemps.ch : Laurent Favre

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