Une intervention des Nations unies au Cameroun est-elle possible ?
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Une intervention des Nations unies au Cameroun est-elle possible ? :: CAMEROON

Le Cameroun s'enfonce inexorablement et de manière irréversible dans une trappe à conflits dont les conséquences humaines, économiques et sociales inquiètent ses partenaires internationaux. En juin dernier, les diplomates onusiens ont exprimé leur extrême préoccupation devant la flambée de violence et les nombreuses violations des droits humains signalées dans la partie anglophone du pays. Cette sortie n'a pas manqué d'alimenter les rumeurs les plus folles sur une imminente intervention onusienne au Cameroun.

L'envoi des Casques bleus au Cameroun ? C'est ce qu'on peut lire en grand titre à la Une de certains tabloïds et de la presse en ligne. Cependant cette information repose sur une mauvaise interprétation de la déclaration des responsables onusiens et d'une méconnaissance du protocole des Nations unies en matière d'intervention armée.

Tout part d'une correspondance adressée par la coordonnatrice du système des Nations unies au Cameroun, où elle dit vouloir «renforcer la présence des Nations unies au Cameroun afin de répondre au besoin d'assistance et de protection des personnes déplacées, dans le strict respect des principes humanitaires et en coordination avec l'effort du gouvernement». Nous sommes ici dans le registre d'une assistance humanitaire comme le pays en connait à l'Extrême-nord, plus précisément dans le camp de Minawao, où l'UNHCR assiste environs 60.000 réfugiés nigérians et une partie des déplacés internes camerounais. La même assistance est délivrée aux 200.000 rescapés centrafricains qui séjournent dans les régions de l'Est et de l'Adamaoua.

L'intervention des Casques bleus entre à contrario dans le registre des Opérations de maintien de la Paix (OMP) qui sont extrêmement codifiées dans les chapitres VI (relatif au règlement pacifique des conflits) et VII (en cas d'agression contre un Etat) de la charte des Nations unies. L'enjeu d'une telle intervention est de contenir la situation explosive et d'actionner le processus politique pour un règlement rapide du conflit.

On en est loin, en ce qui concerne le Cameroun. Ce d'autant plus qu'une intervention engagée sans la demande/accord du gouvernement camerounais violerait la doctrine onusienne de la paix, qui repose sur trois principes : le non-usage de la force (les Casques bleus ne disposent que d'armes défensives légères), l'impartialité (ils ne jouent que le rôle d'une force d'interposition entre 02 belligérants) et le consentement des parties (y compris celui de l'État dont le territoire servira de théâtre d'opération). Au-delà du respect de cette doctrine, les membres du conseil de sécurité doivent tomber d'accord pour adopter une résolution qui légitime et finance une telle intervention au Cameroun. Chose difficile à obtenir pour 02 raisons :

  1. les Etats-Unis veulent réduire les missions de paix en Afrique et s'attaquent au budget de la Monusco (RDC) et de la Minusma (Mali);
  2. Dans l'hypothèse où les Etats - Unis seraient favorables, la France, gardienne des dictatures africaines, opposerait un véto qui paralysera l'action du Conseil de sécurité. Quid des positions chinoises et russes dans un contexte marqué par l'intensification des rapports diplomatiques entre le Cameroun et ces puissances de  l'est.

Dans tous les cas de figure, la présence onusienne au Cameroun ne pourra être qu'humanitaire. Même si les Etats - Unis le souhaitaient, une intervention multilatérale sous la bannière des Nations unies ne saurait voir les jours. Car Paris, en plein désaccord avec Washington sur le dossier du climat, des accords commerciaux et le nucléaire Iranien, bloquera toute intervention dans ce qu'elle considère toujours comme son pré - carré, où règne un autocrate soumis à ses injonctions. Il est en revanche possible d'envisager l'hypothèse d'une intervention unilatérale sur le long terme, portée par le couple anglo-saxon (USA-UK) qui a déjà longuement tiré sur le gouvernement camerounais (même si la colère de Londres a été récemment tempérée par une concession gazière).

Aussi des sanctions  individuelles dirigées contre les dignitaires du régime soupçonnés de violation grave des droits humains et du droit international humanitaire sont de plus en plus plausibles sur le court terme. Il n'y a pas deux solutions que l'alternance politique pour barrer la voie au déploiement d'une puissance étrangère sur le sol camerounais.

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