Joseph Vincent Ntuda Ebodé : «Il s'agit d'un maintien de l'ordre renforcé»
CAMEROUN :: POINT DE VUE

CAMEROUN :: Joseph Vincent Ntuda Ebodé : «Il s'agit d'un maintien de l'ordre renforcé» :: CAMEROON

C’est  l’un  des  préalables posés par les promoteurs du projet d’organisation d’une  «  Conférence générale anglophone » en vue de ramener la paix dans les régions du Nord-Ouest  et  du  Sud-Ouest  et qu’ils ont projeté pour les 29 et 30 août prochains dans la ville de Buea : le dépôt des armes par les forces de  défense  et  de  sécurité  et  les terroristes.

En clair, il est demandé à une armée républicaine de cesser d’accomplir ses missions régaliennes : la protection des institutions, des personnes  et  des  biens  et  la  défense  de  l’intégrité territoriale  du Cameroun.  Comme  l’a  rappelé  le ministre  de  la  Communication, porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary dans ces colonnes lundi  dernier,  «  sans  la  présence de  ces  forces,  ces  terroristes  au- raient  tout détruit,  auraient  hissé leur drapeau partout où ils en auraient convenance ».

Si l’on en juge aujourd’hui par le nombre d’écoles incendiées, les édifices publics  et privés détruits, les nombreuses autres exactions que vivent les paisibles  populations  du  Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’on peut convenir avec  le  Pr.  Joseph  Vincent  Ntuda Ebode qu’il s’agit là d’une demande qui passe mal, car il est impossible de  mettre  sur  le  même  plan  une armée républicaine et des bandes armées dont l’objet est la partition du Cameroun

Joseph Vincent Ntuda Ebodé : «Il s’agit d’un maintien de l’ordre renforcé»

Professeur,  quelle  lecture faites-vous de la proposition des religieux qui demandent expressément au gouvernement de cesser toutes opérations militaires pour la tenue de la conférence projetée?
Cette  prise  de  position  d’une partie des guides spirituels réunis  autour  de  Son  Eminence Tumi m’inspire une double lecture religieuse et politique. Sur le  plan  religieux d'abord  et en tenant compte du rôle joué par ce  secteur  de  la  société  civile dans  la  radicalisation  du  mouvement à ses débuts, il ne fait pas  de doute  qu’on  assiste  là, pour  certains  membres  de  ce groupe  tout  au  moins,  à  une forme de remord de s’être trompé sur  la  véritable  identité  des groupes pour lesquels on a eu une certaine sympathie identitaire. Ou alors,  à  l'angoisse de perdre le contrôle des groupes qu'on  croyait  durablement contrôler. Il s’agirait donc de ce point de vue d’une tentative de reprise en main. D’où d’ailleurs, l’idée de récupération soutenue par bon nombres dans les médias sociaux comme étant une équation personnelle.  Une  seconde lecture  partirait  de  la  posture politique. La peur d'une confrontation entre communautés  linguistiques  d’une  part  et  celle d'une fermeté des pouvoirs publics  qui  déboucherait  sur  un écrasement et l’ éradication des groupes armés d’autre part, face à  la  responsabilité  historique, aurait poussé ce groupe à cette position.  

Mais, dans un cas comme dans l’autre,  on  comprend  bien que ces  religieux  ayant perdu leur objectivité au début ne peuvent la recouvrer sans faille à la fin. D’où le fait qu’ils aient tendance à couper la poire en deux ; donnant ainsi l’impression qu’ils ne soutiennent aucun camp.  D'où également, le débat sur la sincérité de leurs prises de position en  ce  moment  précis.  En  tout état  de  cause,  le  moins  qu'on puisse dire est que cette initiative comme celles portées par les avocats et les enseignants a un agenda caché.

Est-il responsable de mettre ainsi sur  le même piédestal les  forces de  défense et de sécurité déployées par l’Etat et des bandes armées?
En  fait,  ils  feignent  d’ignorer que le monopole de la violence physique et morale légitime appartient  à  l’Etat  qui  l’exerce  à travers les forces de défense et de sécurité d’une part et le pouvoir  judiciaire  et  administratif d’autre part. Par ailleurs, ils font semblant d’ignorer que la sécurité des biens et des personnes est garantie par l’Etat représenté par un gouvernement administrant une population établie sur un territoire reconnu par les autres  Etats  ou  communauté  internationale.  Dès  lors,  placer l’Etat  au  même  pied  d’égalité que  des  groupes  armés,  loin d’être seulement une irresponsabilité  est,  en  outre,  une  reconnaissance insidieuse et implicite de ces groupes et un rejet de l’autorité de l’Etat. Or, on sait bien que c’est la thèse défendue par ces groupes armés. Et de là à affirmer, comme le soutiennent certains qu’il ne s’agit que d’un coup d’Etat scientifique, il n’y a qu’un pas à franchir.

Dans la situation qui prévaut actuellement, peut-on raisonnablement donner du crédit à  ceux  qui  estiment  que  le Nord-Ouest  et  le  Sud-Ouest sont très militarisés?
D’un point de vue technique, le Cameroun  n’est  pas  en  guerre dans ces  deux régions. Il s’agit d’un maintien de l’ordre renforcé, c'est-à-dire,  d’un  recours  substantiel  aux  forces  de  première et  de  seconde  catégories,  appuyées de temps en temps par des unités spécialisées des forces de  troisième  catégorie.  On  ne peut donc pas parler d’une militarisation  excessive,  l’objectif n’étant pas la guerre mais la sécurité des biens et des personnes d’une part, et la libre circulation des personnes d’autre part. Par contre, l’Etat serait fondé constitutionnellement et légitimement à faire monter en puissance les forces de troisième catégorie, s’il le juge nécessaire, dès lors que c’est l’unité du pays qui est menacée par des groupes armés.

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo