James Mouangué Kobila : «Il s'agit d'auteurs d'actes de barbarie »
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Est-ce concevable dans un Etat de droit que des individus ayant tué, assassiné, brûlé ou commis divers actes répréhensibles soient  libérés  sans  être passés en jugement ?
L’humanité est en lutte contre l’impunité – dans tous les domaines  –  depuis  la  dernière décennie  du  siècle  dernier qui a vu la mise en place de plusieurs juridictions internationales  pénales  ad  hoc  et de la Cour pénale internationale,  l’avènement  de  juridictions  pénales  internationalisées et l’avènement de la compétence universelle qui, selon les  dictionnaires  de  droit, confère  aux  juridictions  étatiques  la  faculté  de  «  juger des faits commis à l’étranger et  ne  présentant  aucun  lien de rattachement avec l’Etat » auxquelles  ces  juridictions appartiennent. Bien avant ce mouvement planétaire contre l’impunité,  certains  Etats avaient  pris  les  devants,  à l’instar des Etats-Unis d’Amérique, avec l’adoption de lois extraterritoriales  comme  le Foreign Corrupt Practices Act qui leur permettent de réprimer des crimes et délits commis  par  des  étrangers  à l’étranger.

Notre  génération  a  surtout été témoin de la pression qui a été exercée sur le Sénégal pour juger l’ancien président tchadien,  Hissène  Habré. Cette  pression  a  même  emprunté les sentiers d’une action judiciaire de la Belgique contre  le  Sénégal  devant  la Cour internationale de Justice de  La  Haye,  tranchée  le  20 juillet 2012. La société civile internationale pousse des cris d’orfraie  chaque  fois  que  le juge… oui, le juge international par excellence qu’est la Cour internationale  de  justice  a tranché dans le sens de l’application  des  immunités  qui empêchèrent l’arrestation et les poursuites contre l’ancien ministre congolais (Kinshasa) des Affaires étrangères, Dombassi  ou  la  saisie  des  biens de  l’Etat  Allemand  en  Italie en raison des crimes nazis.  Et  L’Union  africaine  (UA)  a ouvert la voie à l’attribution de  compétences  à  la  Cour africaine  des  droits  de l’Homme et des peuples pour juger  des  crimes  internationaux (génocide, crime contre l’humanité  et  crimes  de guerre).  

Cet  engagement  a été concrétisé par l’adoption, en  juin  2014,  du  Protocole de Malabo, qui vise à étendre la  compétence  de  la  Cour africaine  de  justice  et  des droits de l’homme aux crimes internationaux.  Mais  avant cela, en 2009, l’UA avait déjà pris la décision de renforcer la  répression  nationale  des « crimes graves de préoccupation  internationale  ».  Or, les crimes que vous mentionnez, perpétrés dans le Nord-Ouest et dans  le  Sud-Ouest par les sécessionnistes avec une  violence  parfois  inouïe, rentrent dans cette catégorie.

Pensons aux images traumatisantes et malheureusement récurrentes de soldats et policiers égorgés vifs à la manière  de  Boko  Haram  ou  de l’Etat islamique.  Il est donc très difficile d’envisager  la  remise  en  liberté de ceux des auteurs de tels actes de barbarie et d’autres violations  graves  des  droits de  l’homme  qui  ont  été  appréhendés par  les  forces de sécurité, surtout lorsque que les mêmes actes continuent de se produire sur les différents terrains d’opération.  

La  proposition  de  la «conférence générale anglophone» prend-elle en considération  les  torts causés  aux  familles  des victimes de ces différents actes terroristes ?
Le  projet  qu’il  porte  ne  fait aucun  cas  des  torts  causés aux familles des victimes des terroristes qu’il se garde d’ailleurs de qualifier comme tels. Il est pourtant historiquement établi que les victimes exigent toujours que justice soit rendue. Le Cardinal Tumi ne fait pas non plus cas des mesures d’apaisement  qui  ont  été prises  par  le  gouvernement lorsqu’il a relâché des dizaines d’activistes  de  ces  deux  régions  ni  de  l’aggravation  de la situation qui s’est ensuivie. 

Professeur,  dans  le contexte  actuel,  les  sécessionnistes n’ont-ils pas à suivre l’exemple des repentis de  la secte Boko Haram qui sont désormais réintégrés  pour  certains dans la société ?
Avant  de  se  repentir,  il  me  semble  que  nos  frères  du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui pensent que la solution à leurs  problèmes  se  trouve dans la création d’un nouvel Etat auraient dû s’inspirer des indépendantistes catalans en Espagne  qui  réclament  l’indépendance  de  leur  région, mais qui n’ont jamais interdit aux enfants d’aller à l’école, qui n’ont jamais tué ni brûlé et qui n’ont jamais pensé qu’ils accéderont  à  une  meilleure prospérité en brûlant les entreprises, les industries et les commerces, bref, en persécutant les investisseurs.

Cela  dit,  je  soutiens  fermement le point de vue d’après lequel  les  sécessionnistes ayant été les premiers à pren- dre les armes contre l’Etat en attaquant des commissariats et  des  brigades  de  gendarmerie  et  en  brûlant  les  édifices publics et d’innombrables biens privés, meubles et immeubles  pendant  les  manifestations  de  septembre  et d’octobre 2017, si le cardinal Tumi et ses  partenaires veulent construire la paix, qu’ils commencent par leur demander de déposer les armes et de mettre fin  à toute forme de  violence  sur  les  populations. 

Etant  entendu  qu’en aucun cas, les sécessionnistes ne sauraient  être  mis  sur  le même plan que les forces de sécurité  régulières  de  l’Etat qui bénéficient, partout dans le monde, du monopole de la contrainte légitime pour protéger  l’intégrité  territoriale, l’ordre public et pour assurer la protection des hommes et des biens.

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